La Russie accélère ses livraisons d'armes à la Syrie

par Jonathan Saul LONDRES (Reuters) - La Russie a augmenté, en quantité et en qualité, ses livraisons d'armes à la Syrie ces dernières semaines, renforçant les troupes du président Bachar al Assad au moment où les rebelles qui cherchent à le renverser s'entre-déchirent, disent des sources au fait de ces livraisons. Moscou, depuis longtemps le premier fournisseur d'armes à la Syrie, assure depuis le début du conflit il y a bientôt trois ans qu'elle se conforme aux lois internationales en ne fournissant plus de matériel "offensif" à son allié. Selon ces sources, les forces gouvernementales syriennes ont toutefois reçu depuis le mois de décembre des véhicules blindés, des missiles guidés par laser et des drones de surveillance, appelés UAV, livrés directement par la Russie ou par l'intermédiaire d'autres pays. "Des dizaines d'Antonov 124 (avion-cargo russe) ont acheminé des véhicules blindés, du matériel de surveillance, des radars, des systèmes de guerre électronique, des pièces détachées d'hélicoptères et diverses armes dont des missiles air-sol guidés par laser", dit une source sécuritaire proche-orientale. "Des conseillers (militaires) russes et des experts en matière de renseignement font voler des UAV sans interruption pour aider l'armée syrienne à repérer les positions rebelles, analyser leurs moyens et effectuer des frappes d'artillerie ou aériennes précises sur leurs positions", ajoute la source. BULGARIE, ROUMANIE ET UKRAINE IMPLIQUÉS? Interrogé par Reuters, Viatcheslav Davidenko, porte-parole de la société publique Rosoboronexport, qui a le monopole des exportations d'armement russe, a dit ne pas être autorisé à s'exprimer sur les livraisons à la Syrie. Les autorités de Damas n'ont pas répondu aux sollicitations. Une source de l'industrie de l'armement connaissant bien le marché proche-oriental a confirmé l'accélération des livraisons d'armes russes, dont celles d'UAV. "Le matériel afflue en Syrie et la Russie le livre soit par elle-même, soit en confiant cette tâche à des pays du pourtour de la mer Noire comme la Bulgarie, la Roumanie ou l'Ukraine, qui disposent de surplus", a-t-elle détaillé. "Ces pays ne peuvent pas se permettre de contrarier les Russes." La Bulgarie, la Roumanie et l'Ukraine disposent d'importants stocks d'armes, notamment légères, datant pour la plupart de l'époque soviétique. Le gouvernement bulgare, dont le pays est désormais membre de l'Otan, a démenti avoir autorisé des ventes d'armes à la Syrie. Son homologue roumain dit n'avoir trouvé aucune trace de telles livraisons en 2013 ou 2014. L'Ukraine, dont le président, Viktor Ianoukovicth, vient de tourner le dos à l'Union européenne pour se rapprocher de Moscou, assure pour sa part avoir suspendu toute coopération militaire et technique avec Damas depuis mai 2011. GROS BESOIN DE PIÈCES DÉTACHÉES Pour Tom Wallace, du centre de recherche sur les conflits C4ADS, l'entretien de l'armée de Bachar al Assad représente "un coût logistique considérable". "Chenilles de chars, hélices d'hélicoptères, réservoirs de kérosène, roulements à billes, gyroscopes -toutes ces pièces finissent par casser si elles ne sont pas entretenues et remplacées", souligne-t-il. James Bevan, du groupe Conflict Armament Research, ajoute que dans la bataille d'Alep, le recours à des barils d'explosifs largués par des hélicoptères "peut laisser penser que l'aviation (d'Assad) commençait à manquer de missiles et de bombes". Selon une source au sein de l'opposition syrienne, une grosse livraison d'armes a eu lieu il y a trois semaines à l'aéroport de Lattaquié et d'autres chargements ont transité par le port de la ville et celui de Tartous, tous deux situés en pays alaouite, fief de la famille Assad. Tartous, où la Russie dispose d'une base navale, a été interdit d'accès pendant plusieurs heures il y a environ un mois. "Pendant cette période, le personnel non autorisé a été tenu à l'écart, signe infaillible d'une livraison en cours", raconte l'opposant. "Cela se produit de temps en temps quand des armes arrivent, généralement de nuit." Avec Timothy Heritage et Thomas Grove à Moscou, Tsvetelia Tsolova à Sofia, Pavel Politiuk à Kiev, Radu Marinas à Bucarest et Dominic Evans à Beyrouth. Tangi Salaün pour le service français, édité par Gilles Trequesser