La riposte chinoise sur le commerce nourrit l'aversion au risque

par Marc Angrand

PARIS (Reuters) - Les Bourses européennes ont fini en net repli lundi après avoir touché leur plus bas niveau depuis sept semaines, l'annonce par la Chine de mesures de représailles au relèvement des droits de douane américains sur ses produits ayant déclenché un nouvel accès d'aversion au risque.

À Paris, le CAC 40 a terminé en baisse de 1,22% (64,87 points) à 5.262,57 points et a touché en séance, à 5.247,66, son plus bas niveau depuis le 25 mars. A Londres, le FTSE 100 a perdu 0,55% et à Francfort, le Dax a reculé de 1,52%.

L'indice EuroStoxx 50 a cédé 1,2%, le FTSEurofirst 300 1,08% et le Stoxx 600 1,21%. Ce dernier est tombé en séance au plus bas depuis le 11 mars.

Pékin a annoncé l'instauration le 1er juin de droits de douane de 5% à 25% sur 60 milliards de dollars (53,4 milliards d'euros) de produits américains, sa riposte au relèvement vendredi par les Etats-Unis de la taxation de 200 milliards de dollars de produits chinois.

Après l'échec des discussions à haut niveau entre les deux pays jeudi et vendredi à Washington, les représailles chinoises alimentent la crainte d'une prolongation de la guerre commerciale susceptible de peser sur la croissance économique et sur les bénéfices des sociétés cotées.

"La correction n'est pas une grosse surprise car l'espoir d'un accord commercial était l'un des principaux facteurs derrière la hausse de 15% enregistrée depuis le début de l'année avant le dernier mouvement de vente", estime Rupert Thompson, directeur de la recherche de Kingswood, pour qui "le principal risque tient aux effets indirects en termes de dégradation de la confiance des entreprises et de probable baisse des marchés actions".

A WALL STREET

Le repli des actions est encore plus net aux Etats-Unis qu'en Europe: à l'approche de la mi-séance à New York, le Dow Jones et le Standard & Poor's 500 perdaient plus de 2% et le Nasdaq Composite plus de 3%.

Le Dow est repassé sous sa moyenne mobile à 200 jours et le S&P-500 évolue au plus bas depuis le 28 mars.

L'indice de volatilité du CBOE repart à la hausse et prend plus de 26%.

A la baisse des industriels exposés aux tensions commerciales comme Caterpillar (-4,90%) ou Boeing (-4,08%) et des valeurs chinoises cotées sur les marchés américains s'ajoute le repli de 5,36% d'Apple après un jugement de la Cour suprême américaine autorisant une plainte contre le groupe l'accusant de monopole sur le marché des applications pour iPhone.

VALEURS

En Europe, le secteur automobile a une nouvelle été le plus durement affecté par l'inquiétude liée au commerce USA-Chine, d'autant que Washington est censé annoncer prochainement sa décision concernant les importations de voitures européennes.

L'indice Stoxx européen du secteur a cédé 2,68% pour revenir à son niveau du 29 mars, avant le rebond qui lui avait fait gagner près de 15% en trois semaines.

Le compartiment des télécoms a abandonné 2,19%, pénalisé entre autres par Vodafone (-5,19%) après un article de presse évoquant une possible diminution du dividende du groupe britannique afin de financer l'achat de licences mobiles de cinquième génération.

ThyssenKrupp, qui avait bondi de plus de 28% vendredi après l'annonce d'un nouveau virage stratégique, a reperdu 8,68% sous le coup de prises de profit.

A la hausse, Euronext a pris 0,17% après avoir obtenu le soutien du gouvernement norvégien à son offre sur Oslo Bors, qui lui assure pratiquement la victoire dans son duel avec Nasdaq pour le contrôle de l'opérateur de la Bourse d'Oslo.

CHANGES

L'"indice dollar", qui mesure les fluctuations du billet vert face à un panier de six devises de référence, a effacé la majeure partie de ses pertes après être tombé à son plus bas niveau depuis le 18 avril, mais cette stabilisation cache d'importantes disparités.

Il est ainsi quasi stable face à l'euro autour de 1,1230 mais cède 0,7% face au yen et 0,5% face au franc suisse, deux monnaies qui tendent à bénéficier des poussées d'aversion au risque.

Le yuan, en baisse pour la sixième séance d'affilée, a par ailleurs enfoncé le seuil de 6,88 pour un dollar sur le marché "onshore", effaçant la totalité des gains qu'il avait engrangés depuis le début de l'année. Certains analystes le voient désormais tomber sous la barre de 7,0 un dollar.

A noter aussi la poursuite du rebond du bitcoin: la plus connue des cryptomonnaies a dépassé 7.800 dollars, au plus haut depuis juillet 2018, portant à plus de 150% sa progression depuis décembre.

TAUX

Une nouvelle fois favorisés par le mouvement de repli sur les actifs jugés les plus sûrs, les emprunts d'Etat ont vu leurs rendements poursuivre leur recul: celui des Treasuries américains à dix ans a touché, à 2,398%, son plus bas niveau depuis six semaines.

Ce mouvement confirme l'inversion de la courbe entre les rendements à dix ans et trois mois américains, déjà observé brièvement avant l'annonce des représailles commerciales chinoises.

En Europe, le rendement du Bund allemand à dix ans s'affichait en fin de séance à -0,074%, au plus bas depuis le 28 mars.

La montée des tensions commerciales nourrit les spéculations sur un possible assouplissement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine: selon le baromètre FedWatch de CME Group, la probabilité estimée d'une baisse de taux d'ici la fin de l'année atteint désormais 70%.

PÉTROLE

Rattrapés à leur tour par le mouvement général de défiance vis-à-vis des actifs risqués, les cours du pétrole ont effacé leurs gains du début de journée peu de temps avant la clôture européenne.

Le Brent est ainsi repassé en territoire négatif, sous 70,80 dollars, après être monté jusqu'à 72,58 dollars, porté par l'annonce par l'Arabie saoudite d'actes de "sabotage" visant des navires de commerce à proximité des eaux territoriales des Emirats arabes unis.

MÉTAUX

La guerre commerciale continue de peser sur les cours des métaux de base comme le cuivre et le nickel, qui cèdent plus de 1,5% tandis que le plomb a touché son plus bas niveau depuis près de trois ans.

La baisse du yuan fait par ailleurs reculer l'or, la Chine étant le premier consommateur du métal jaune..

(Édité par Blandine Hénault)