Quatre grandes mesures contre les violences sexuelles

PARIS (Reuters) - Cinq mois après l'onde de choc provoquée par l'affaire Weinstein, le gouvernement français a présenté mercredi un plan de renforcement de son arsenal législatif contre les violences sexuelles et sexistes afin d'éradiquer toutes les "zones de non-droit" dans l'espace public, les transports ou sur internet.

Porté par la secrétaire d'Etat à l'égalité Marlène Schiappa et la ministre de la Justice Nicole Belloubet, ce texte prévoit la verbalisation du harcèlement sexuel dans l'espace public, l'allongement du délai de prescription pour les viols sur mineurs et fixe à 15 ans l'âge du consentement sexuel.

Il comprend également un renforcement des condamnations pour cyberharcèlement, qui touchent en majorité les femmes et jeunes filles, en laissant toutefois à l'appréciation du juge le seuil déterminant le caractère groupé de cette forme de harcèlement.

"Il est important que les lois de la République affirment très clairement qu'il n'est plus permis de harceler, d'intimider des femmes (...) que ce soit dans l'espace public, dans les transports ou sur l'espace numérique", a déclaré Marlène Schiappa à l'issue du conseil des ministres. "Il ne doit plus subsister aucune zone de non-droit en ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles".

Ce projet de loi, dont les grandes lignes avaient été esquissées ces dernières semaines, a été préparé dans le contexte de l'affaire Harvey Weinstein, qui a entraîné une série de révélations touchant entre autres les milieux politique, médiatique ou encore culturel, y compris en France.

En décrétant en novembre l'égalité entre les hommes et les femmes "grande cause nationale", Emmanuel Macron lui-même avait reconnu n'avoir pris conscience que tardivement de l'ampleur du phénomène de harcèlement, dénoncé sur les réseaux sociaux à travers les mots-clés #metoo et #balancetonporc.

"La France ne doit plus être un de ces pays où les femmes ont peur", avait-il estimé, jugeant "indispensable que la honte change de camp".

"OUTRAGE SEXISTE"

Mesure phare du projet de loi, la création d'un "outrage sexiste et sexuel". Cette nouvelle infraction pourrait être punie d'une contravention qui pourrait aller de 90 à 750 euros, infligée par la police uniquement en cas de flagrant délit. L'amende pourra être portée à 1.500 euros en cas de circonstances aggravantes et à 3.000 euros en cas de récidive.

"Ce sont tous les actes qui créent des situations malaisantes, humiliantes ou intimidantes pour les hommes et les femmes dans l’espace public", a dit Marlène Schiappa en février. "Comme par exemple vous suivre dans la rue, vous demander à dix reprises votre numéro de téléphone, s’approcher de vous et entrer dans votre espace intime, ou encore vous intimider".

Face aux doutes sur l'application d'une telle mesure, la secrétaire d'Etat à l'Egalité a mis en avant le recrutement prévu de 10.000 policiers du quotidien qui seront chargés d'infliger ces amendes et l'obligation pour les "harceleurs" de participer à leurs frais à un stage de sensibilisation.

Autre mesure, l'allongement du délai de prescription de 20 à 30 ans pour les viols sur mineurs a été proposé par un mission co-présidée par l'animatrice Flavie Flament, qui a accusé le photographe David Hamilton de l'avoir violée à l'âge de 13 ans.

Une personne aura désormais jusqu’à ses 48 ans pour porter plainte, indique le projet de loi, qui précise que ce temps supplémentaire permettra de prendre en compte le mécanisme de l’amnésie traumatique.

L'âge en dessous duquel un mineur ne saurait être considéré comme consentant à un rapport sexuel avec une personne majeure va être lui porté à 15 ans mais, il n'y aura pas pour autant de "peine automatique", a expliqué Marlène Schiappa, précisant que le magistrat gardera "sa capacité d'appréciation".

Au-delà de la création de cet "abus d'ignorance" qui doit permettre aux magistrats "de pouvoir juger des viols comme des viols et pas comme des atteintes sexuelles", le gouvernement va proposer de doubler les peines pour atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans de cinq à dix ans.

Salué par une grande majorité de Français selon un sondage Ifop pour Viehealthy publié mecredi (92% favorables à l'allongement du délai de prescription pour les viols sur mineurs et 90% pour la pénalisation du harcèlement de rue), le projet de loi a suscité quelques critiques.

Dans un communiqué, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a dénoncé une "absence de concertation" et a mis en garde contre le "risque de nouvelles lois inapplicables et incohérentes susceptibles de susciter la déception de nos concitoyens".

(Marine Pennetier, avec Sophie Louet et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)