Skripal: Nouvel échange d'invectives entre Londres et Moscou

MOSCOU (Reuters) - Londres et Moscou se sont de nouveau livrés à de vifs échanges mercredi au sujet de l'affaire Skripal.

La Grande-Bretagne a accusé Moscou d'appliquer un programme d'assassinats ciblés afin d'éliminer ses ennemis, tandis que la Russie a laissé entendre que Londres pourrait avoir elle-même orchestré l'empoisonnement de l'ancien agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia le 4 mars dernier à Salisbury, dans le sud de l'Angleterre.

A Londres, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson a de son côté comparé la Coupe du monde de football organisée cet été en Russie aux Jeux olympiques de Berlin de 1936, dont Adolf Hitler s'était servi pour glorifier l'Allemagne nazie.

La comparaison a été qualifiée d'"inacceptable" par Moscou, qui a jugé que le secrétaire au Foreign Office était aveuglé par la haine et la colère.

Le gouvernement de Theresa May accuse la Russie d'être responsable de l'agression contre Skripal et sa fille à l'aide de l'agent toxique Novitchok, remontant à l'époque soviétique. Le Kremlin rejette en bloc ces accusations.

Les invectives entre les deux pays ont fusé lors d'une réunion organisée à Moscou par le ministère des Affaires étrangères.

"Personne ne comprend ce qui s'est passé à Salisbury", a déclaré Vladimir Iermakov, le diplomate russe présidant la réunion, devant une dizaine de collègues étrangers. "Enquêtons pour savoir ce qu'il s'est réellement produit."

"La logique suggère qu'il n'y a que deux possibilités", a-t-il ajouté. "Soit les autorités britanniques n'ont pas été capables de fournir une protection contre une telle, disons, attaque terroriste sur leur sol, soit ils ont, directement ou indirectement - je n'accuse personne - , orchestré une attaque contre un ressortissant russe."

La réunion avait été boudée par de nombreux ambassadeurs, dont ceux du Royaume-Uni, de France, d'Allemagne et des Etats-Unis.

La représentante britannique, la diplomate Emma Nottingham, a déclaré que la Grande-Bretagne avait conclu qu'il était "hautement probable" que la Russie soit responsable de la tentative d'assassinat pour quatre raisons:

"L'identification de l'agent chimique pas nos scientifiques de classe mondiale, notre connaissance du fait que la Russie avait produit cet agent dans le passé (...), le bilan de la Russie en matière d'assassinats parrainés par l'Etat (...) et notre point de vue selon lequel la Russie considère les agents ayant fait défection comme des cibles légitimes."

Sergueï Skripal, qui avait fourni au MI6 (services secrets britanniques) les noms de dizaines d'agents russes, est un ancien colonel de la GRU (services russes de renseignement militaire). Arrêté en 2004 et condamné en 2006 à treize ans de prison pour trahison, il a été gracié par le président Dmitri Medvedev en 2010 puis échangé la même année avec dix espions russes détenus aux Etats-Unis.

(Andrew Osborn, Maria Tsvetkova, avec Andrew MacAskill à Londres; Pierre Sérisier et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)