La droite allemande ne veut pas des "Etats-Unis d'Europe" que prône le SPD
BERLIN (Reuters) - Plusieurs dirigeants du bloc conservateur d'Angela Merkel ont rejeté ce week-end l'idée d'"Etats-Unis d'Europe" avancée par le Parti social-démocrate (SPD) avec lequel la chancelière allemande espère former une nouvelle coalition.
Lors du congrès du SPD, Martin Schulz a plaidé jeudi pour une relance radicale de la construction européenne et estimé que l'Union européenne devait s'efforcer de se transformer en "Etats-Unis d'Europe" d'ici 2025. Le chef de file du SPD a laissé entendre que les pays qui ne souhaiteraient pas participer à cette entreprise fédéraliste devraient quitter le bloc européen.
A droite, Volker Kauder a estimé samedi que le plaidoyer de Schulz en faveur d'une Europe fédérale constituait un danger pour l'UE et pour l'acceptation de l'Europe par les populations.
Dans une interview accordée au Tagesspiegel, Kauder reconnaît qu'il est nécessaire de renforcer l'Europe mais qu'il est tout aussi important de tenir compte de l'attachement des peuples aux Etats-nations.
"Cette proposition remettrait aussi en question le travail d'unification, qui est unique dans l'Histoire du monde, parce que la majorité des Etats membres ne participeraient certainement pas à la construction d'une fédération d'Etats unis", ajoute-t-il.
Peter Altmaier, secrétaire de la chancellerie, a jugé pour sa part que le concept et, surtout, le calendrier fixé par Schulz n'étaient pas réalistes.
Il explique dans les colonnes du Rheinische Post avoir été surpris par la proposition de Schulz et juge préférable de s'attaquer d'abord aux problèmes spécifiques de l'Europe, citant le chômage, la protection des frontières extérieures et la coordination des politiques économiques.
"Le débat portant sur l'Europe comme Etat fédéral, confédération ou Etats unis concerne les universitaires et les journalistes, pas la politique étrangère de l'Allemagne", dit-il.
Altmaier juge que la création d'Etats-Unis d'Europe transférerait à Bruxelles de larges pans de la souveraineté des Etats membres de l'UE. "Il n'y aurait pas pour cela une majorité parmi les Etats membres", ajoute-t-il.
La CSU, aile bavaroise du bloc conservateur, a également rejeté l'idée de Schulz.
Cité dimanche par le Welt am Sonntag, son futur dirigeant en Bavière, Markus Söder, souligne que son parti ne veut pas que l'Allemagne devienne une "entité administrative" dépendant de Bruxelles dans le cadre d'un "super Etat européen".
Selon un sondage Emnid pour le quotidien Bild, seuls 30% des Allemands soutiennent l'idée de Schulz contre 48% qui estiment que l'ancien président du Parlement européen fait fausse route.
Des "discussions exploratoires" sur l'éventuelle formation d'une nouvelle coalition débuteront mercredi prochain à Berlin entre le bloc conservateur et le SPD.
Depuis l'accession de Merkel à la chancellerie, le bloc CDU-CSU et le SPD ont gouverné ensemble à deux reprises dans le cadre de "grandes coalitions", en 2005-2009 puis en 2013-2017.
Pour le SPD, la dernière expérience s'est soldée aux élections législatives du 24 septembre par son pire résultat dans l'Allemagne de l'après-guerre. La CDU-CSU a elle aussi chuté, perdant près de neuf points en quatre ans.
(Michelle Martin; Henri-Pierre André pour le service français)