La coopération militaire GB-UE soumise aux incertitudes du Brexit

Londres voudrait bien participer rapidement à la nouvelle initiative de défense commune de l'Union européenne (UE) mais la volonté de l'exécutif britannique se heurte à des turbulences politiques intérieures et aux incertitudes entourant les conditions du Brexit, de l'avis de diplomates européens. /Photo prise le 20 juin 2018/REUTERS/Henry Nicholls

par Robin Emmott et Gabriela Baczynska

BRUXELLES (Reuters) - Londres voudrait bien participer rapidement à la nouvelle initiative de défense commune de l'Union européenne (UE) mais la volonté de l'exécutif britannique se heurte à des turbulences politiques intérieures et aux incertitudes entourant les conditions du Brexit, de l'avis de diplomates européens.

La Première ministre britannique Theresa May souhaite forger avec l'UE un nouveau traité de sécurité à partir de 2019 et le Conseil européen juge de son côté que la question est trop importante pour être noyée dans les négociations du Brexit.

Mais le scepticisme de certains hommes politiques britanniques vis-à-vis du projet d'accord de retrait de l'UE ne permet pas de sanctuariser le dossier de la défense, ont noté cinq diplomates participant aux discussions.

"Parler sécurité est trop sensible pour le moment, alors que tout est en suspens à Londres; la question de l'implication britannique post-Brexit était déjà un motif de discorde pour certains pays européens", a dit l'un d'eux.

La Grande-Bretagne, qui recherche un "partenariat d'ampleur et spécial" avec l'UE dans la défense et la sécurité, espérait conclure avant la fin du mois un accord lui permettant de participer à la "Coopération structurée permanente" (CSP, Pesco en anglais), établie en décembre 2017, et d'accéder à un fonds européen de 13 milliards d'euros qui serait consacré à la recherche et aux technologies militaires.

La décision de faire participer la Grande-Bretagne en tant que pays tiers a été repoussée au plus tôt à décembre prochain, mais il est plus probable qu'il faudra attendre l'an prochain, ajoutent les diplomates.

La Grande-Bretagne, comme la France, est l'une des grandes puissances militaires européennes et elle espérait faire jouer cet atout pour négocier sa nouvelle relation avec l'UE.

Le principe d'une défense européenne intégrée gagne en ampleur en raison des multiples attentats islamistes que l'Europe occidentale a subis, de l'ingérence présumée de la Russie dans des élections européennes et des interrogations sur l'engagement des Etats-Unis de Donald Trump dans l'Otan.

LONDRES NE SERA PLUS "QG OPÉRATIONNEL"

Les alliés les plus sûrs de la Grande-Bretagne, emmenés par les Pays-Bas et les pays baltes, font pression pour que cette dernière soit partie prenante de lucratifs contrats militaires européens et puisse bénéficier de fonds communautaires.

Mais la France et l'Italie veulent que la participation de pays extérieurs à l'UE soit extrêmement encadré; un pays tel que Chypre redoute de voir la Turquie s'inviter à la CSP s'il est ouvert à des pays ne faisant pas partie de l'Union.

Au vu d'une note interne de l'UE dont Reuters a pris connaissance, Paris et Rome attendent de Londres une déclaration politique scellant l'engagement britannique dans la Politique étrangère et de sécurité de l'UE, déclaration qui devrait figurer au nombre des clauses du traité de retrait de l'Union.

Les parlementaires pro-Brexit craignent que la Grande-Bretagne soit de ce fait liée à l'UE à jamais, d'autant que toute initiative communautaire en matière de sécurité les laisse sceptiques. Tout particulièrement en matière de défense, Londres a souvent bloqué toute tentative de coopération européenne, estimant que la défense doit rester une prérogative nationale.

Les désaccords qui existent quant à l'implication future de Londres dans les accords de sécurité européens "ne menacent pas de faire tout capoter mais ça montre à quel point la question est difficile. Nous ferons en sorte que la Grande-Bretagne ne dispose pas d'un pouvoir décisionnel dans nos procédures", a observé un diplomate de l'UE.

Le Royaume-Uni veut également sa place dans l'Agence européenne de défense (AED), qui aide les pays de l'UE à concevoir des armes et coordonne la planification en matière militaire. Mais il renonce de facto à être l'un des cinq "quartiers généraux opérationnels" de l'UE du fait de son départ en mars prochain.

Les 25 pays membres de la CSP ont présenté lundi toute une série de projets qui doivent être développés en commun, que ce soit un nouveau véhicule blindé pour l'infanterie, des programmes de modernisation des hélicoptères de combat ou encore une structure commune destinée à former des espions.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Henri-Pierre André)