La contestation antigouvernementale s'étend au Venezuela

CARACAS (Reuters) - La contestation antigouvernementale s'étend au Venezuela et a gagné les quartiers pauvres de Caracas, la capitale, rendant la position du président Nicolas Maduro chaque jour plus fragile. Dans l'Etat de Lara (ouest), deux personnes, un adolescent de 14 ans et un homme de 36 ans, ont péri mardi dans des émeutes. Le gouverneur de l'Etat, Henri Falcon, en a fait porter la responsabilité sur des "délinquants". Les autorités n'ont publié aucun communiqué sur les troubles survenus à Caracas ou ailleurs dans le pays, où des scènes de pillage ont été signalées. Le ministère de l'Information n'a pas donné suite à une demande de commentaire. La contagion du mouvement aux quartiers populaires de Caracas, là où le régime fondé par Hugo Chavez puise traditionnellement son appui politique et social, a été interprétée comme un sérieux avertissement adressé au gouvernement de Nicolas Maduro. Ce dernier a en outre été directement visé mardi par des manifestants. Des images de la télévision publique ont montré des gens qui se pressaient autour du véhicule dans lequel il se tenait et saluait la foule après un événement militaire à San Felix, dans l'Etat de Bolivar (sud-est). Des objets ont été lancés dans la direction de Nicolas Maduro, tandis que ses gardes du corps tentaient de le protéger. Puis la télévision a arrêté la retransmission. Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, on entend des gens crier : "Maudit sois-tu!" tandis que le véhicule présidentiel tente de se frayer un chemin dans la foule. Cinq jeunes hommes âgés de 15 à 20 ans ont été interpellés pour avoir lancé "des objets coupants" contre le véhicule du président, dit un rapport de la Garde nationale vu par Reuters. L'opposition, qui proteste depuis 15 jours pour réclamer à nouveau des élections anticipées, dit y voir une preuve que le président est profondément méprisé en raison des pénuries diverses et de la flambée des prix. "Le DICTATEUR doit seulement quitter Miraflores (le palais présidentiel) (...)", a résumé sur Twitter le parlementaire d'opposition Francisco Sucre, de l'Etat de Bolivar. Le président Maduro a réagi, lui, mercredi soir, estimant avoir été victime d'une "embuscade" tendue par l'opposition. RÉFÉRENDUM La tension politique est montée d'un cran dans le pays fin mars après la tentative, rapidement avortée, de la Cour suprême d'assumer les pouvoirs de l'Assemblée nationale dominée par l'opposition. Puis, Henrique Capriles, considéré comme le principal rival de Nicolas Maduro en vue de la présidentielle prévue en 2018, s'est vu interdire toute activité politique pendant quinze ans en raison d'"irrégularités" dans la gestion de fonds publics. Les opposants au successeur de Hugo Chavez, épuisés par des années de vaine contestation contre le pouvoir et qui ont échoué à organiser l'an dernier un référendum pour destituer le chef de l'Etat, ont été galvanisés par la mise à l'écart de Henrique Capriles, qu'ils jugent arbitraire. Toutefois, l'opposition au Venezuela reste fragilisée par des divisions internes et peine à solidifier un mouvement de masse pour faire pression sur le président Maduro, qu'elle taxe d'incompétence et de tendances dictatoriales. En outre, de nombreux Vénézuéliens confrontés tous les jours à de graves pénuries de produits de première nécessité sont plus préoccupés par le souci de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille qu'à aller manifester. Néanmoins, on note dans les milieux politiques que si la contestation venait à s'étendre durablement aux couches les plus défavorisées de la population, le pouvoir du président Maduro pourrait chanceler. En outre, la pression internationale s'accroît sur Caracas. Plusieurs pays sud-américains ont dénoncé la mesure prise contre Henrique Capriles. Les Etats-Unis se sont dits "profondément inquiets des persécutions" subies par l'opposition. Celle-ci a appelé à de grandes manifestations dans tout le pays mercredi prochain, le 19 avril. (Alexandra Ulmer et Corina Pons, Nicolas Delame et Gilles Trequesser pour le service français)