La coalition anti-Etat islamique s'inquiète pour la Libye
par Arshad Mohammed ROME (Reuters) - Un gouvernement d'union nationale est sur le point d'être formé en Libye mais l'organisation djihadiste Etat islamique menace le pays pétrolier d'Afrique du Nord et pourrait mettre la main sur ses ressources, a averti mardi le secrétaire d'Etat américain John Kerry. Le chef de la diplomatie américaine s'exprimait à Rome, où se sont réunis les représentants de 23 pays engagés dans la lutte contre l'EI. De Barack Obama à Matteo Renzi en passant par Manuel Valls, les dirigeants de ces pays ont déclaré ces derniers temps que la Libye serait vraisemblablement le prochain lieu de l'affrontement contre le groupe d'Abou Bakr al Baghdadi. Le mouvement djihadiste, qui a pris la ville de Syrte en profitant du vide du pouvoir, s'est déjà attaqué à plusieurs reprises aux installations pétrolières libyennes. "En Libye, a souligné John Kerry, nous sommes sur le point d'avoir un gouvernement d'union nationale. Ce pays a des ressources. Ce que nous ne voulons pas, c'est qu'un prétendu califat accède à des milliards de dollars de revenus pétroliers." Cinq ans après la chute de Mouammar Kadhafi, l'Onu a fait adopter un plan de transition politique censé aboutir à la formation d'un gouvernement d'unité nationale en lieu et place des deux administrations distinctes qui se disputent la légitimité du pouvoir. Mais le parlement libyen reconnu par la communauté internationale a rejeté la semaine dernière la composition du gouvernement d'union proposé dans ce cadre. Les nations de la coalition engagée contre l'EI en Irak et en Syrie depuis août et septembre 2014 envisagent aujourd'hui d'aller combattre les djihadistes en Libye, d'où partent des dizaines de milliers de candidats à l'exil en Europe, mais veulent une autorisation du futur gouvernement d'union. "DAECH ÉTEND SES MÉTASTASES" Le ministre français des Affaires étrangères a toutefois démenti tout projet d'intervention imminent de la France en Libye. "Je vois des titres dans les journaux (...) disant 'les Français s'apprêtent à intervenir en Libye', c'est totalement inexact. Peut-être y a-t-il des groupes qui veulent faire pression en ce sens mais telle n'est pas la position du président de la République et du gouvernement dans son ensemble", a déclaré Laurent Fabius. "Ce qui est vrai, c'est que nous sommes préoccupés comme tous par la situation en Libye, pour des raisons évidentes, à cause de la proximité géographique, à cause de l'extension de Daech, à cause des conséquences que vous évoquez, mais par rapport à ça, quelle est notre position? Pousser pour qu'il y ait un gouvernement d'union nationale et ça c'est le travail, avec notre soutien, (...) de l'envoyé spécial des Nations unies." Son collègue du Foreign Office, Philip Hammond, a quant à lui écarté l'hypothèse de troupes au sol britanniques en Libye tout en laissant entendre que le Royaume-Uni pourrait offrir son aide au gouvernement d'union dans les domaines de la stratégie et du renseignement. "Nous allons sans nul doute soutenir le nouveau gouvernement libyen de la manière la plus pratique que nous pouvons mais je n'envisage pas une situation où nous serions amenés à envoyer des troupes au sol", a-t-il déclaré, ajoutant qu'il ne s'agirait pas forcément d'une "contribution utile". "Il y a plein d'hommes armés en Libye", a poursuivi Philip Hammond. "Ce qu'il nous faut, c'est de l'organisation, du commandement, des renseignements recueillis par des moyens aériens, une organisation stratégique." John Kerry a de son côté souligné qu'il faudrait du temps pour venir à bout de l'EI. "Nous n'en sommes toujours pas à la victoire que nous voulons obtenir, et que nous obtiendrons, tant en Syrie qu'en Irak et nous avons vu Daech étendre ses métastases dans d'autres pays, en particulier la Libye", a-t-il reconnu. Le secrétaire d'Etat a noté cependant que les nations de la coalition anti-EI avaient enregistré des succès notables depuis leur précédente réunion, en juin 2015. "A l'époque de notre dernière réunion ministérielle, Ramadi (chef lieu de la province irakienne d'Anbar) venait de tomber et un récit particulièrement sombre et dangereux émergeait", a-t-il rappelé. Les forces irakiennes ont depuis repris la ville et, au total, l'EI a perdu 40% des territoires qu'il contrôlait en Irak, 20% en Syrie. (avec Crispian Balmer à Rome et Phil Stewart à Washington, John Irish à Paris,; Jean-Philippe Lefief, Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)