La bataille de l'eau s'intensifie au nord-ouest de Damas

par Suleiman Al-Khalidi AMMAN (Reuters) - L'offensive lancée il y a deux semaines par l'armée syrienne et ses supplétifs dans la vallée située au nord-ouest de Damas d'où provient l'essentiel de l'eau potable de la capitale a redoublé d'intensité ces deux derniers jours, rapportent vendredi des habitants et des insurgés. Les forces gouvernementales et le Hezbollah libanais multiplient les raids aériens et les tirs d'artillerie dans le secteur des sources d'Aïn al Fidja ainsi qu'à Basseïmah, Kafr Zaït et Al Husseïneh, trois des dix villages aux mains des insurgés dans cette vallée du Barada. Le gouvernement syrien les accuse d'avoir délibérément empoisonné les sources qui alimentent Damas en y déversant du gasoil, mais l'offensive n'a jusqu'ici donné aucun résultat. Le sauf-conduit proposé aux rebelles pour leur permettre de gagner la province d'Idlib, dans le Nord-Ouest, est par ailleurs resté lettre morte. Des offres similaires ont déjà porté leurs fruits, notamment à Alep-Est, que les insurgés ont quittée fin décembre. Dans la vallée du Barada, le terrain montagneux leur permet de contenir les assauts malgré leur infériorité numérique. "Bien que les rebelles soient beaucoup moins nombreux, ils peuvent tirer facilement sur les troupes qui arrivent des trois principaux points d'entrée de la vallée encerclée", souligne Abou Mohammad al Qalamoni, un rebelle en contact avec ceux de la vallée. L'offensive menace l'accord de cessez-le-feu négocié par la Russie et la Turquie censé ouvrir la voie à une conférence de paix au Kazakhstan. Si l'armée et ses alliés n'y mettent pas fin rapidement, le trêve sera considérée comme "nulle et non avenue", a averti l'opposition, qui a par ailleurs cessé de participer aux préparatifs de la conférence d'Astana. L'EAU MANQUE À DAMAS Une route menant de Damas à la frontière syrienne passe par le Wadi Barada. Elle est de la plus haute important pour la logistique du Hezbollah, qui joue un rôle militaire de premier plan dans le secteur. La rupture de l'approvisionnement en eau potable entraîne par ailleurs de graves pénuries à Damas, qui est d'ordinaire alimentée à 70% par la station de pompage d'Aïn al Fidja. Selon Jan Egeland, conseiller humanitaire de l'émissaire de l'Onu Staffan de Mistura, 5,5 millions de personnes n'ont accès qu'au strict nécessaire. Le prix de l'eau en bouteille ou acheminée par camions-citernes par des entreprises privées a triplé et le marché noir est florissant, rapportent des Damascènes. Les pouvoirs publics s'efforcent également de combler le déficit en faisant venir de l'eau d'autres provinces et en augmentant les quantités pompées dans le sous-sol. Selon les Nations unies, 45.000 civils vivent dans la vallée du Barada, mais d'autres organisations parlent du double. L'armée assure que son offensive a pour but d'en déloger des djihadistes qui ne sont pas concernés par la trêve entrée en vigueur le 30 décembre, ce que nient les rebelles. Seules 1.200 familles ont jusqu'ici quitté le secteur pour gagner le camp de déplacés dressé par les autorités à Raouda, selon l'Onu. (Jean-Philippe Lefief pour le service français)