Laïcité: comment la FFF lutte contre le phénomène du port de collants et de casques dans le foot amateur

C’est un courrier daté du 27 février qui a provoqué un certain émoi dans plusieurs clubs amateurs. Dans ce courrier, signé de Vincent Nolorgues, le président de la Ligue de football amateur, s’adresse à tous les présidents de districts et ligues afin de rappeler que le port de certains équipements comme les casques ou les collants ne peuvent être portés qu’après une autorisation médicale délivrée par la Commission Médicale de la FFF après une étude approfondie de chaque cas. Avec ce contrôle strict, Nolorgues explique que la FFF souhaite éviter tout "détournement du principe de neutralité, sous prétexte médical". Le courrier précise que même avec un certificat médical, le joueur ou la joueuse en question ne sera pas autorisé(e) à jouer sans l’aval de la Commission Médicale de la FFF.

Nolorgues va même plus loin en indiquant que même si la commission médicale venait à autoriser ces équipements, ils "ne sauraient être portés avec des signes ostensibles, visibles d’appartenance, tels qu’interdits par nos statuts." La menace de sanction est clairement exposée: "le refus d’ôter ou de cacher la tenue ou le signe ostensibles doit conduire à une application stricte de la règle: non-participation à la rencontre de la personnes concernée, et en cas de refus de se retirer, le match ne peut se jouer."

"Ils justifiaient leur tenue pour éviter les brûlures en taclant"

Pourquoi un rappel aussi ferme en vers le monde amateur? C’est en fait une réponse à de multiples signalements d’arbitres amateurs survenus un peu partout en France en fin d’année 2023 sur des matchs masculins comme féminins. Des jeunes arbitres étaient confrontés à des tenues qui ne respectaient pas les règlements de la FFF. Cela concernait notamment le phénomène de plus en plus régulier du port de collant noir sous le short chez les hommes. "On a des joueurs de futsal qui jouaient avec un collant. Ils sont pourtant à l’intérieur mais ils justifiaient leur tenue pour éviter les brûlures en taclant. Sauf que le tacle est interdit en futsal", confie une source à la FFF.

En septembre 2023, trois mois après sa réélection, Philipe Diallo avait envoyé aux districts un premier rappel du principe de neutralité à appliquer dans l’organisation des compétitions FFF. Le président pouvait notamment s’appuyer sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 juin 2023 qui validait la décision de la FFF "d’interdire tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale lors des compétitions sportives". Cet arrêt faisait suite au recours déposé par l’association Alliance Citoyenne après l’appel de footballeuses musulmanes, les "hijabeuses", de jouer avec leur voile.

Envoi de faux certificats médicaux

Mais malgré cet arrêt, de nouveaux cas, plus insidieux avec l’excuse médicale, posaient problèmes dans plusieurs districts ou ligues. Ce qui a amené la FFF à serrer la vis avant d’autoriser le port de certaines tenues. C’est donc désormais la Commission Médicale de la FFF qui valide toute demande qui doit être dûment justifiée et documentée. Selon nos informations, des faux certificats médicaux ont pu être envoyés avec parfois le vol de tampon de médecins pour justifier une demande de port de collants, de casques ou couvre-chef qui pouvaient cacher un voile. Dans plusieurs cas, la FFF a voulu vérifier si le médecin connaissait les patients en questions. Très souvent, ce n’était pas le cas. Le club se retrouvait alors exposé à des sanctions pénales, la FFF faisant un signalement au procureur de la République pour faux mais aussi à des sanctions de la part des commissions de discipline du district ou de la ligue.

"Dans les dossiers que l’on a reçus, il y a eu davantage de dossiers refusés que d’acceptés", poursuit cette source fédérale. Selon nos informations, parmi les dossiers acceptés figurent principalement ceux de femmes souffrant de pelades dues à une maladie dermatologique qui était documentée par un épais dossier médical. Dans ce cas-là, la commission médicale autorisait ces femmes à se couvrir davantage la peau.

Mais face à la fermeté de la FFF et à la détection de faux certificats ou documents, le nombre de demande d’autorisation a brutalement chuté lors du premier trimestre 2024. "Notre fermeté en a calmé plus d’un", dit-on à la FFF, qui a pu recevoir jusqu’à 4-5 dossiers pour un seul club. "Oui, certains ont osé. On leur a fait comprendre qu’il ne fallait pas nous prendre pour des imbéciles." Aujourd’hui, moins de dix demandes sont toujours en cours à la FFF. Preuve du recul important du phénomène, même si des situations problématiques peuvent encore se présenter sur certains terrains de foot amateur. L’ambiguïté réside dans la loi 4 des Lois du Jeu de la FIFA qui autorise le port de couvre-chef ou de vêtements sous les maillots et shorts sous certaines conditions (de cohérence de couleurs notamment), mais qui se heurte au principe de neutralité et de laïcité imposé par la loi française et que la FFF a intégré dans l’article 1 de ses statuts.

Article original publié sur RMC Sport