L’Union européenne vote pour obliger les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement
UNION EUROPÉENNE - Vigilance verte. Les Vingt-Sept ont validé vendredi 15 mars une législation imposant aux entreprises de l’Union européenne des obligations pour protéger l’environnement et les droits humains dans leurs chaînes de production à l’échelle mondiale. Le champ d’application est néanmoins plus réduit que prévu.
Eurodéputés et négociateurs des États membres avaient conclu en décembre un accord politique sur ce texte-phare créant un « devoir de vigilance » qui contraint les entreprises à identifier et à corriger les atteintes à l’environnement (déforestation, pollution…) et aux droits des travailleurs (travail des enfants, travail forcé, sécurité…), y compris chez leurs sous-traitants à l’étranger, fournisseurs et filiales. La législation prévoit que les entreprises concernées soient juridiquement responsables de toute violation.
Mais les Vingt-Sept avaient échoué à deux reprises en février à trouver la majorité requise pour l’entériner formellement. Pour finalement lever les réserves de plusieurs pays, le champ d’application a été réduit. Le texte approuvé ne cible que les entreprises à partir de 1 000 employés et un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros (la proposition initiale évoquait 150 millions) et les dispositions plus restrictives pour les firmes des secteurs à risque (textile, agriculture, minerais…) ont disparu.
Moins de 10 000 entreprises concernées
Bien qu’édulcorée, cette législation « est simplement trop importante pour être abandonnée », elle « aura des implications majeures dans le monde entier. Les gens et la planète doivent passer avant les profits », a commenté la rapporteuse socialiste du texte, Lara Wolters.
🟢 ✅ ENFIN! Les États-membres ont trouvé un accord sur la directive 🇪🇺#devoirdevigilance!
✊La mobilisation a permis d’aboutir à un accord, malgré les concessions importantes aux lobbies et le rôle néfaste joué par la France
Notre réaction collective👇https://t.co/2thgVe5dcl pic.twitter.com/EdnvaOgHS6— Les Amis de la Terre FR (@amisdelaterre) March 15, 2024
Avec les seuils modifiés, seulement 5 400 entreprises seraient concernées, contre 16 000 dans l’accord initial de décembre, d’après l’ONG Global Witness. « Après des années d’âpres pourparlers, c’est un soulagement d’avoir une législation, mais celle-ci n’est que l’ombre de ce qu’elle aurait dû être, ne s’appliquant qu’à une fraction des entreprises » avec une application très progressive à partir de 2028, déplore Aurélie Skrobik, experte de l’ONG.
Les victimes pourront attaquer les entreprises en justice pour obtenir des dommages et intérêt et des amendes dissuasives sont prévues, allant jusqu’à 5% du chiffre d’affaires. « Des marchandages de dernière minute nous éloignent fortement de l’objectif initial de s’attaquer à l’ensemble » de l’impact environnemental et sociétal des entreprises, estime aussi Anaïs Berthier, de l’ONG ClientEarth, fustigeant « le lobbying des entreprises et les jeux politiciens ».
Ultime validation en avril
Les ambassadeurs des États membres peinaient depuis deux mois à trouver la majorité qualifiée requise, soit au moins 15 pays représentant 65% de la population de l’UE, pour valider le texte.
Un vote avait largement échoué fin février : l’opposition des libéraux allemands du FDP, membres de la coalition au pouvoir et qui dénonçaient un texte « inacceptable pour les petites et moyennes entreprises », avait contraint Berlin à s’abstenir. L’Italie et une dizaine d’autres pays, dont la Hongrie ou la Slovaquie, avaient fait de même, pour des motifs variés : incertitudes juridiques, charge administrative, concurrence internationale… La Suède avait voté contre. Au total, neuf pays — dont l’Allemagne — se sont encore abstenus vendredi sur le texte révisé. Le Parlement européen devrait valider ces changements mi-avril.
« Le seuil de 1 000 salariés a fait l’objet de discussions jusqu’à la dernière minute. Mais il reste nettement plus bas que le seuil que proposait (mi-février) la France, à 5 000 employés », a commenté Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement européen. « La législation prévoit toujours l’obligation (pour les grandes entreprises) d’avoir un plan de transition climatique conforme à l’Accord de Paris, c’est une avancée majeure », a-t-il ajouté.
En revanche, le texte révisé supprime l’obligation de lier la rémunération variable des dirigeants au respect d’objectifs en matière d’émissions de CO2.
Accord à l’instant des États membres sur le devoir de vigilance 🇪🇺. Je me réjouis de cette avancée historique pour les droits sociaux et environnementaux dans le monde. L’obligation d’avoir un plan de transition climat pour les grandes entreprises est aussi actée dans ce texte
— Pascal Canfin (@pcanfin) March 15, 2024
Les Vingt-Sept avaient par ailleurs validé mercredi l’accord finalisé sur une législation distincte interdisant la commercialisation dans l’UE de produits issus du travail forcé - ce qui pourrait concerner la production chinoise impliquant la minorité musulmane ouïghoure.
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