L’Union européenne a trouvé un accord sur une loi sur la protection des journalistes, une "victoire" pour RSF

Les 27 États membres de l’Union européenne ont trouvé un accord sur une "loi sur la liberté des médias", une première en Europe pour une législation de ce type.

EUROPE - « Pour la première fois au niveau européen, nous avons une législation qui garantit la liberté des médias, l’indépendance des médias et la protection des journalistes ». Ces mots sont ceux de l’eurodéputée allemande Sabine Verheyen (PPE, droite) à l’issue d’un accord entre les pays de l’Union européenne sur une « loi sur la liberté des médias », ce vendredi 15 décembre.

La rapporteuse du texte s’est félicitée d’une « avancée historique ». Cette législation, la première de ce type, a donné lieu à d’intenses discussions sur la question de la surveillance des journalistes.

Si l’accord doit encore être formellement adopté par le Parlement européen et par le Conseil (représentant les 27 pays membres), Reporters sans frontières (RSF) s’est félicité d’avoir « remporté une victoire ».

Ce projet avait été présenté en septembre 2022 par la Commission européenne pour protéger le pluralisme et l’indépendance des médias. Il répond à une détérioration de la situation dans des pays de l’UE comme la Hongrie et la Pologne, mais aussi aux logiciels espions type Pegasus ou Predator utilisés contre des journalistes.

Une surveillance qu’en cas de « crimes graves »

Le texte porte notamment sur le respect du secret des sources journalistiques et sur l’interdiction de déployer ces logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes.

Pendant les négociations, la France et plusieurs autres États membres insistaient pour inclure des possibilités d’exceptions « au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale », suscitant l’inquiétude de la profession et des défenseurs de la liberté de la presse.

Le texte - qui n’était pas disponible immédiatement - « ne fait pas mention de la sécurité nationale », a affirmé l’eurodéputée roumaine Ramona Strugariu (Renew Europe, centristes et libéraux). La surveillance, comme l’utilisation de logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes, n’est possible que si elle est permise par « une autorité judiciaire ou une autorité indépendante », a-t-elle poursuivi. Sabine Verheyen a ensuite précisé qu’elle ne peut se faire que dans les cas de « crimes graves ».

« Il ne peut y avoir d’abus de logiciels espions pour accéder aux sources des journalistes ou faire pression sur eux », a déclaré la vice-présidente de la Commission européenne en charge des Valeurs et de la Transparence, Vera Jourova.

« Toute exception à la règle doit être dûment justifiée au cas par cas, dans le respect de la charte des droits fondamentaux et remplir une série de conditions strictes (...) Il n’y a pas de chèque en blanc », a-t-elle poursuivi.

Pour le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, c’est une « très grande satisfaction (...) la mention sur la clause d’exception de sécurité nationale a été supprimée ». Il a aussi salué « des avancées significatives en matière de lutte contre la surveillance et de protection du secret des sources ».

Un traitement à part pour certains médias sur les plateformes

Autre point crucial de la législation : la question de la modération des contenus journalistiques par les plateformes en ligne. Afin d’éviter que ces plateformes ne suppriment ou restreignent arbitrairement des articles ou des reportages vidéo, la loi prévoit un traitement à part pour les médias respectant un certain nombre de conditions d’indépendance notamment.

Si une plateforme estime que le contenu d’un tel média enfreint ses règles d’utilisation, elle doit l’avertir 24 heures avant de procéder à une éventuelle suspension, afin de lui laisser le temps de se défendre. Ce délai peut être réduit dans des cas de menace grave à la sécurité ou à la santé publique par exemple.

L’un des principaux lobbies de la tech, le CCIA Europe, a critiqué cette disposition, estimant qu’elle créait « une faille ». « Des acteurs mal intentionnés se faisant passer pour des médias légitimes pourront désormais abuser de ce mécanisme pour disséminer des contenus nocifs pendant 24 heures avant qu’une mesure puisse être prise », s’est inquiétée l’organisation.

La loi introduit aussi des obligations de transparence sur la propriété des médias. Elle prévoit par ailleurs la mise en place d’un nouveau Conseil européen des médias, composé des représentants des autorités nationales de régulation des 27. Cet organisme devra assurer un encadrement plus strict des concentrations dans ce secteur. Il sera chargé d’émettre un avis – non contraignant - sur ces opérations du point de vue de leur effet sur le pluralisme.

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