L’UE veut-elle supprimer le droit de veto comme l’affirme Jordan Bardella ? Ce qu’il en est vraiment

Jordan Bardella sur le plateau de France le 23 mai 2024, lors du débat européen face à Gabriel Attal.
THOMAS SAMSON / AFP Jordan Bardella sur le plateau de France le 23 mai 2024, lors du débat européen face à Gabriel Attal.

POLITIQUE - Haro sur le droit de veto. À trois semaines du scrutin européen, la tête de liste du Rassemblement national Jordan Bardella et le Premier ministre Gabriel Attal se sont retrouvés face à face dans L’Évènement sur France 2. L’occasion de débattre sur la récente crise agricole, le nucléaire et aussi les institutions européennes et le droit de veto propre à chaque État membre.

Le président du RN Jordan Bardella a accusé le camp macroniste mené par Valérie Hayer de vouloir « supprimer le droit de veto de la France ». « C’est le projet des Macronistes au niveau européen », s’est indigné Jordan Bardella, accusant le Premier ministre et son camp d’avoir contribué à son vote au Parlement européen.

« Le droit de veto de la France, c’est le cœur des nations, de la souveraineté de la France et de la souveraineté populaire, qui permet au Conseil à une nation de dire “non” à une nouvelle fiscalité européenne et à l’appropriation par Bruxelles d’enjeu diplomatique », a-t-il ajouté.

Un outil interrogé dans l’UE

Le droit de veto d’un État membre de l’UE ne peut s’appliquer que lors des votes du Conseil européen faits à l’unanimité - et non pas à la majorité qualifiée, le deuxième mode de scrutin du Conseil. Les votes à l’unanimité ne peuvent avoir cours que sur un petit nombre de sujets : la politique étrangère et la sécurité commune, la citoyenneté, l’adhésion à l’UE ou encore la fiscalité. Dans ces domaines, en l’absence d’unanimité - donc si un seul des États membres vote contre -, la décision ne peut pas être adoptée : c’est le fameux « droit de veto ».

Cet outil a parfois ralenti les discussions européennes : en janvier 2024, la Hongrie a ainsi bloqué une nouvelle aide financière à l’Ukraine. En réponse à Jordan Bardella, Gabriel Attal a, lui, évoqué la taxe sur les géants du numérique, appliquée en France, mais selon lui difficilement réalisable à l’échelle européenne où certains pays qui « pratiquent du dumping social » pourraient justement faire usage de ce veto.

De ce fait, certains responsables politiques dont Emmanuel Macron plaident depuis plusieurs années pour modifier les modalités de vote du Conseil, en réduisant les domaines où le vote à l’unanimité est requis, au profit d’un vote à la majorité qualifié qui n’admet pas de droit de veto.

Un vote non contraignant sur le droit de veto

Comme le dit Jordan Bardella, le sujet a déjà fait l’objet d’un vote à l’échelle européenne. En novembre 2023, le Parlement a adopté une résolution qui propose d’élargir le nombre de domaines (parmi lesquels la politique étrangère, la sécurité et la défense) où les décisions sont prises par un vote à la majorité qualifiée. Ces propositions étaient en partie issue du rapport Verhofstadt, du nom d’un des rapporteurs l’eurodéputé belge Renew Guy Verhofstadt.

Il ne s’agit donc pas de « supprimer » le droit de veto comme l’affirme Jordan Bardella. De plus, le chef du parti d’extrême droite omet également de préciser que cette résolution n’est nullement contraignante. « Le Parlement européen a voté une résolution. Mais c’est un texte qui n’a aucune force juridique, c’est simplement un avis qui est exprimé, sur la façon dont il voit l’avenir des institutions européennes », expliquait au moment du vote à l’AFP Christine Verger, vice-présidente de l’Institut de recherche européen Jacques Delors et ancienne directrice des relations avec les parlements nationaux au Parlement européen.

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