L’Italie veut des excuses après les propos de Darmanin sur l’immigration, la France pas pressée d’en présenter

À gauche, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin ; à droite, la présidente du conseil italien Giorgia Meloni.
À gauche, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin ; à droite, la présidente du conseil italien Giorgia Meloni.

IMMIGRATION - Au lendemain des propos critiques de Gérald Darmanin sur « l’incapacité » de la présidente du conseil Giorgia Meloni à gérer l’immigration, par-delà les Alpes, la diplomatie italienne exige ce vendredi 5 mai des excuses du ministre français de l’Intérieur. Si Paris joue l’apaisement avec Rome, aucun membre du gouvernement ayant pris la parole depuis n’a pourtant laissé entendre que la France reviendrait sur ses propos.

« C’est une insulte gratuite et vulgaire adressée à un pays ami, allié » et « quand quelqu’un offense de façon gratuite une autre personne, le minimum est qu’elle présente ses excuses », a estimé jeudi Antonio Tajani, le chef de la diplomatie italienne, dans un entretien au quotidien Il Corriere della Sera. « Il y a des choses qu’on ne peut ignorer », a-t-il insisté, assurant qu’il s’agissait là d’un « coup de poignard dans le dos ».

Ce vendredi matin, plusieurs membres du gouvernement ont été interrogés au sujet de cette brouille diplomatique, à commencer par Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation nationale. « Je ne pense pas que nous ayons à fournir d’excuses » à l’Italie, a-t-il estimé sur franceinfo. S’il y a « à l’évidence des réglages à opérer » entre la France et l’Italie sur la question migratoire, il serait préférable de « renouer les fils d’un dialogue serein » plutôt que de demander pardon, a-t-il encore jugé.

« Aucune volonté d’ostraciser l’Italie »

Le porte-parole du gouvernement français Olivier Véran a lui aussi tenté d’éteindre l’incendie, assurant sur CNews qu’il n’y avait eu « aucune volonté d’ostraciser l’Italie ». « Les Italiens, on discute, ils adorent la politique, mais ils assument les choix qu’ils ont faits et ils veulent qu’on les laisse assumer leurs choix », a-t-il expliqué, « et ça tombe bien parce qu’on n’a pas l’intention de faire autrement ».

Plus nuancé, le ministre des Transports Clément Beaune, qui incarne l’aile gauche de la majorité présidentielle, a donné « raison sur le plan politique » à Gérald Darmanin qui a rappelé « ce qu’est l’extrême droite partout, en Italie comme ailleurs, qui fait beaucoup de promesses et règle peu de problèmes ».

Sollicité par l’AFP, le ministère français de l’Intérieur n’a pas souhaité commenter vendredi les demandes d’excuses du gouvernement italien.

Face à l’escalade, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a tenté de calmer le jeu jeudi, « espérant » que la visite du chef de la diplomatie italienne à Paris, annulée suite aux propos de Gérald Darmanin, serait « reprogrammée rapidement ». La relation bilatérale est « basée sur le respect mutuel, entre nos deux pays et entre leurs dirigeants », a-t-elle aussi souligné.

« Catherine Colonna m’a appelé deux fois, pour me dire qu’elle était désolée, elle a été très cordiale », a assuré Antonio Tajani, tout en estimant que les explications de Paris restaient « insuffisantes ».

Et c’est finalement la Première ministre Élisabeth Borne qui a été la dernière à réagir à cette brouille diplomatique ce vendredi, plaidant pour une « concertation » et un « dialogue apaisé » entre la France et l’Italie.

« Je voudrais redire que l’Italie est un partenaire essentiel de la France, que notre relation est fondée sur le respect mutuel », a-t-elle plaidé à l’issue d’une rencontre à Matignon avec le Premier ministre belge Alexander De Croo.

L’immigration est depuis des années un sujet ultrasensible dans les relations franco-italiennes. En novembre, les deux pays avaient connu une forte poussée de fièvre lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée qui avait fini par être accueilli par la France à Toulon avec plus de 200 migrants à bord.

L’épisode avait suscité la colère de Paris qui avait convoqué une réunion européenne pour que ce scénario inédit ne se reproduise pas. Depuis, les traversées clandestines par bateaux s’accentuent avec l’essor d’un nouveau couloir maritime entre la Tunisie et l’Italie, en première ligne aux portes de l’Europe. Selon le ministère italien de l’Intérieur, plus de 42 000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année contre environ 11 000 sur la même période en 2022.

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