L’inscription de l’IVG dans la Constitution est votée à l’Assemblée, mais le plus dur reste à faire

Les députés ont massivement dit oui au projet de loi constitutionnel. Mais au Sénat, où la droite est en position de force, un coup de frein - voire un coup d’arrêt - n’est pas exclu.

L’inscription de l’IVG dans la Constitution votée à l’Assemblée mais le plus dur reste encore à faire (Photo d’illustration prise le 1 février 2023 à Paris, lors d’une manifestation pour inscrire l’IVG dans la Constitution)
LUDOVIC MARIN / AFP L’inscription de l’IVG dans la Constitution votée à l’Assemblée mais le plus dur reste encore à faire (Photo d’illustration prise le 1 février 2023 à Paris, lors d’une manifestation pour inscrire l’IVG dans la Constitution)

POLITIQUE - La bataille est gagnée, mais la victoire est encore un peu loin. Les élus de l’Assemblée nationale ont voté ce mardi 30 janvier pour l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Une première étape dans un parcours qui en comporte encore deux et pas des moindres.

Si le moment reste fort pour les droits des femmes, l’adoption du texte par les députés ne faisait aucun doute. Avant ce vote solennel, ils s’étaient déjà prononcés sur le sujet à trois reprises : en novembre 2022 et deux fois début 2024. À chaque fois, le soutien de la majorité présidentielle et de la gauche a permis une issue favorable.

C’est donc avec une large majorité de 493 voix contre 30 que les députés ont voté pour inscrire dans la Constitution « la liberté garantie à la femme d’avoir recours » à une interruption volontaire de grossesse. « Je vais maintenant m’atteler à porter le message qui est le vôtre au Sénat », a déclaré le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti à l’issue du vote. Il sait qu’au Palais du Luxembourg, tout peut basculer.

Un mot en plus et rien ne va plus

« Non », Gérard Larcher ne se battra pas pour que l’IVG soit inscrite dans la Constitution. Sur franceinfo le 23 janvier, le président LR du Sénat a redit son opposition globale au projet de loi car « l’IVG n’est pas menacée » en France. Une position partagée par une partie de ses pairs.

En février 2023, seule la réécriture par le sénateur LR Philippe Bas du texte adopté à l’Assemblée avait permis son adoption. Alors que la proposition des députés consacrait le « droit » à l’IVG, les sénateurs ont eux voté pour « la liberté » d’y recourir - une avancée moindre du point de vue des associations de lutte pour les droits des femmes. Même modifié de la sorte, 152 sénateurs avaient voté contre et le texte n’a été adopté qu’à une courte majorité de 166 voix.

Le projet de loi constitutionnel porté par le Garde des Sceaux est lui formulé comme suit : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Le 24 janvier, devant les députés, Éric Dupond-Moretti a défendu une formulation qui « va dans le même sens » que le texte du Sénat. « Le Conseil d’État y a mis sa patte, et nous ajoutons un mot, un seul ! », a-t-il fait valoir.

La précision du ministre s’adresse directement aux parlementaires de droite. Car la voie choisie pour une révision constitutionnelle nécessite que les deux chambres adoptent le même texte, faute de quoi le Congrès ne pourra pas être réuni. Or au Sénat, l’ajout du mot « garantie » est vécu par certains LR comme une véritable rupture avec la version en février 2023. « Pour un certain nombre, la liberté garantie, ça veut dire un droit. Et ce n’est pas du tout le sens de ce qui avait été discuté il y a quelques mois », a mis en garde sur Public Sénat le 23 janvier Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains et personnellement opposé à la constitutionnalisation de l’avortement.

« Le Sénat est à égalité en termes de pouvoirs vis-à-vis de l’Assemblée nationale »

Outre ce débat sémantique, les sénateurs opposés au projet de loi s’insurgent aussi contre le calendrier envisagé par l’exécutif. Fin décembre, la ministre des Solidarités Aurore Bergé a annoncé que le Congrès se réunirait le 5 mars afin de statuer sur le projet de loi. Colère chez LR. « On voit bien que le gouvernement, en plaçant le Congrès début mars possiblement alors que l’examen du Sénat sera à la fin du mois de février, postule qu’il y aurait un alignement docile du Sénat sur l’Assemblée nationale » grinçait Bruno Retailleau au micro de Public Sénat. Sous entendu : un feu vert n’est pas garanti et le gouvernement ferait bien de ne pas s’avancer. Et le Vendéen de souligner que « le Sénat est à égalité en termes de pouvoirs, de droits, vis-à-vis de l’Assemblée nationale. »

Face aux députés le 24 janvier, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a donc tenté de déminer le terrain. « Je sais l’émoi qu’a provoqué la pseudo-annonce d’une date de Congrès, avant même que les chambres ne se soient prononcées. Cela a été perçu par certains comme un manque de respect à l’égard du Parlement », a-t-il déclaré, avant de se montrer rassurant. Le 5 mars n’est qu’une « possibilité » et « nous prendrons le temps qu’il faut pour aller au bout de cette révision », a-t-il promis. Si le Sénat adoptait à nouveau une version différente de l’Assemblée, la navette parlementaire reprendrait. Avec tout à refaire.

VIDÉO -Constitutionnalisation de l'IVG: "Je vais m'atteler à convaincre le Sénat", réagit Éric Dupond-Moretti

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