L’Europe dénonce l’inertie russe face à la torture en Tchétchénie

Le Comité de prévention de la torture, un organe du Conseil de l’Europe, a dénoncé lundi l’absence de réaction du gouvernement russe face aux actes de torture pratiqués selon cette instance depuis vingt ans dans les prisons de Tchétchénie et d’autres républiques du Caucase du nord. /Photo d'archives/REUTERS/Maxim Shemetov

STRASBOURG (Reuters) - Le Comité de prévention de la torture (CPT), un organe du Conseil de l’Europe, a dénoncé lundi l’absence de réaction du gouvernement russe face aux actes de torture pratiqués selon cette instance depuis vingt ans dans les prisons de Tchétchénie et d’autres républiques du Caucase du nord.

Ce groupe d’expert met également en cause le refus du gouvernement russe d’enquêter ou de lui donner accès aux enquêtes relatives aux allégations de mauvais traitements, comme l’imposent ses engagements vis-à-vis de l’organisation de défense de la démocratie et des droits de l’homme.

"Malgré les efforts déployés par le Comité durant les vingt dernières années, les actes de torture infligées à des personnes détenues en République tchétchène restent un problème profondément enraciné", affirme dans un communiqué Mark Kelly, premier vice-président du CPT et chef de la délégation qui a effectué, en 2017, la dernière visite en Tchétchénie.

"Cela montre non seulement un renoncement des autorités de la République tchétchène aux obligations qui leur incombent, mais aussi une défaillance dans la conduite d’une supervision et d’un contrôle effectifs au niveau fédéral", ajoute-t-il.

Les pratiques constatées sont essentiellement le fait des forces de l’ordre et se déroulent souvent dans un contexte de détention illégale.

Parmi les faits dénoncés lors d’entretiens avec des détenus et corroborés par des constats sur place et des rapports médicaux-légaux, le CPT cite des électrochocs sur diverses parties du corps, dont les organes génitaux, des passages à tabac violents ou des séances d’asphyxie.

"Dans certains cas de décès en détention, le CPT a recueilli de solides indices que les lésions observées sur le corps des intéressés pouvaient avoir contribué à leur mort", affirme le CPT dans une déclaration publiée à Strasbourg.

Les victimes de ces actes peuvent être détenues sous l’accusation de terrorisme, de trafic de drogue ou parce qu’elles sont homosexuelles.

La pratique de la torture sur les prisonniers sévit également dans les républiques russes du Daghestan, d’Ingouchie, de Kabardino-Balkarie et d’Ossétie du Nord, selon le CPT.

C’est la quatrième fois, depuis 2001, que le Comité de prévention de la torture publie une déclaration concernant la situation dans les lieux de détention des républiques russes du Caucase du nord.

Le CPT peut user de cette procédure exceptionnelle lorsqu’un des Etats parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture "ne coopère pas ou refuse d’améliorer la situation à la lumière (de ses) recommandations".

La déclaration publique supplée alors à la publication des rapports de visite que seul l’Etat membre concerné peut autoriser. Sur 24 rapports le concernant, depuis son adhésion au Conseil de l’Europe en 1996, Moscou n’a autorisé que trois publications.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)