L’automne est-il en avance ? Voici ce qui explique que les feuilles tombent en plein été

Ce « faux automne » est en réalité un mécanisme de survie des plantes face à la sécheresse et les fortes chaleurs.

ENVIRONNEMENT - Nature morte ? Des feuilles qui brunissent et tombent des arbres, le tableau de cette fin d’été est bien automnal. Pourtant, la demi-saison ne commence que le 23 septembre, soit dans un mois. Mais la sécheresse conjuguée à la chaleur force la nature à enclencher le mode survie.

D’ordinaire, les végétaux prennent une teinte orangée à l’approche de l’automne, à cause de la chute des températures et de la baisse de la luminosité. Pour bien comprendre, il faut regarder du côté de la chlorophylle, un pigment qui absorbe les rayons lumineux et donne aux feuilles leur couleur verte. Quand l’intensité lumineuse diminue, la chlorophylle baisse son activité et les pigments rouge, jaune ou orange prennent le dessus. Les feuilles deviennent aussi plus fragiles et tombent à la moindre rafale de vent.

Mais ce processus naturel n’explique pas pourquoi en ce moment, alors que le soleil brille intensément, les arbres se dégarnissent. « La précocité de l’événement dans certaines régions est liée à la sécheresse qui a provoqué un stress hydrique chez les plantes. Le manque d’eau peut provoquer une surmortalité d’arbres, comme on l’a déjà observé en 2003 », explique Jérôme Chave, chercheur du CNRS au laboratoire Évolution et diversité biologique, contacté par Le HuffPost.

Les signaux de la soif

En d’autres termes, cet automne avant l’heure n’est rien d’autre qu’un signal envoyé par les plantes assoiffées. Le premier symptôme qui doit nous alerter, ce sont les feuilles qui flétrissent. Les feuilles des plantes, comme notre peau, transpirent pour se refroidir. Pour ne plus perdre d’eau par évapotranspiration, « leur première stratégie est de faire tomber leurs feuilles ou d’arrêter de les irriguer, d’où leur jaunissement ».

Deuxième réponse au stress hydrique, bien plus grave, une embolie gazeuse entraînant parfois la mort de la plante. Les végétaux possèdent effectivement un système vasculaire qui leur permet de faire circuler l’eau et la sève. Lorsque la sécheresse est trop forte, leurs vaisseaux sont sous tension.

« Les vaisseaux vont donc vouloir évaporer l’eau trop rapidement. Une poche gazeuse peut alors se former et bloquer le flux d’eau, poursuit Jérôme Chave. Ce phénomène peut provoquer l’équivalent d’une embolie et nécroser l’ensemble d’une branche ou d’un tronc. » Sans forcément le tuer, l’arbre peut se retrouver très affaibli.

Des forêts plus vulnérables et inflammables

La sécheresse rend ainsi les massifs forestiers beaucoup plus vulnérables aux agressions extérieures. Il sont notamment plus susceptibles d’être touchés par une attaque d’insectes, comme c’est le cas avec l’épidémie de scolytes (des insectes coléoptères) qui sévit dans les forêts d’épicéas du nord de la France. « Les effets conjugués des printemps et des étés depuis 2018, exceptionnellement chauds et secs, ont entraîné une prolifération de scolytes dans les pessières », les forêts d’épicéas, détaille le site de l’Office national des forêts (ONF).

Les massifs sont aussi moins résistants aux incendies, car le manque de pluie assèche les plantes et les rend plus inflammables. Les chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) rappellent aussi que la « matière morte » (litière et bois morts), lorsqu’elle est desséchée, est aussi un terreau propice aux départs de feux.

Ces aléas sont amplifiés par la sécheresse et même si nos forêts ne sont pas actuellement sur le point de mourir, il faut surveiller les essences les plus susceptibles de sombrer. Et là, c’est du cas par cas, car même chez les espèces d’une même famille, les arbres ne sont pas tous égaux. « Par exemple le chêne vert, comme son nom l’indique, reste vert même en cas de forte sécheresse, tandis que le chêne pédonculé est plus à risque », illustre Jérôme Chave.

Alors que les canicules, incendies et épidémies mettent à rude épreuve nos forêts, faut-il planter des essences d’arbres plus résistantes aux conséquences du changement climatique ? « Oui, mais chaque forêt est différente. Concrètement, ce n’est pas la même chose de gérer des hêtres dans le Nord et des chênes verts dans le Sud. Il faut établir un panel de solutions pour chaque massif », précise le spécialiste. Dans tous les cas, selon lui, la gestion d’une forêt centenaire ne se règlera pas en un mandat présidentiel.

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