"Avec l’alcool on dit des conneries": jugés pour un projet d'attaque contre Macron, des "Barjols" minimisent

En garde à vue dans les locaux de la DGSI, Antoine D., le plus jeune des prévenus, l'affirme: les trois hommes interpellés en même temps que lui le 5 novembre 2018 en Moselle, Jean-Paul Bouyer, Mickaël Iber et David Gasparini, avaient l'ambition d'assassiner le président de la République. Ce dernier était alors en déplacement dans le département pour commémorer le Centenaire de la Grande Guerre en 2018.

Interrogé ce mercredi, Mickaël Iber minimise. "On était à moitié bourré, ce soir-là on a bu du whisky quand on était chez Gasparini, ça je m’en rappelle", explique cet homme de 39 ans d'un ton sec et rapide. Mickaël Iber est le seul des 13 prévenus de ce procès des "Barjols" à être jugé détenu. Cet ancien SDF est en détention provisoire depuis 50 mois, une situation qui, dit-il, lui fait perdre la mémoire.

Face aux questions du tribunal correctionnel, à plusieurs reprises, il assure qu'il ne "se rappelle plus" avoir pu évoquer de tuer Emmanuel Macron.

"Je vais le mettre où le président?"

Interrogé tardivement sur cet éventuel projet d'assassinat, Mickaël Iber avait fini par reconnaître lors de ses 96 heures de garde vue, le délai légal lorsqu'il s'agit de faits terroristes, avoir déclaré à ses interlocuteurs le 5 novembre 2018, à propos d'Emmanuel Macron: "je le prend par la main, je tire, et tac tac et j'utilise un couteau". "Non j’ai dit 'ça m’étonne que quand il va dans les salons de l’Agriculture, il n’y a pas un paysan ou autre qui l’attrape et lui en mette une'", se défend-il aujourd'hui.

"On était énormément en colère, se souvient celui qui se revendique pleinement comme appartenant au mouvement des gilets jaunes. La plupart des gens était en colère contre Macron. On a tous eu des propos qui dépassaient notre pensée. Pas que nous dans la salle, beaucoup de citoyens français", ajoute-t-il.

Au cœur de l'audience, ces multiples messages envoyés par SMS ou sur la messagerie cryptée Telegram. Au mois de septembre, le prévenu questionne son interlocuteur: "T'es prêt à choper la pute le 5?". Mickaël Iber balaie les accusations:

"Je parlais de manifester, on parlait tout le temps de manifestation". Il l'assure, c'était son obsession d'organiser un rassemblement massif.

"On pourrait en profiter à ce moment là pour monter un gros coup", évoque-t-il pourtant dans un de ses nombreux échanges. Et les messages échangés avec une amie rencontrée sur les réseaux parlant d'un éventuel kidnapping du chef de l'État lors d'une visite à Morange le 5 novembre 2018? Ce jour-là, Mickaël Iber rappelle qu'il était avec son oncle et sa tante au Luxembourg pour "faire des courses".

"C’était ironique, je vais pas kidnapper un président, martèle-t-il debout dans son box, jogging et doudoune noire sur le dos. Je vais le mettre où le président, dans ma poche?"

"Je faisais mon intéressant"

Pour l'accusation, les treize prévenus jugés depuis mardi par le tribunal correctionnel de Paris avaient bien l'ambition de passer à l'action, que ce soit en assassinant le président de la République, soit en s'en prenant à des personnes de confession musulmane ou à des gens aisés. Au mois d'avril 2018, Mickaël Iber échange avec David Gasparini sur une éventuelle fourniture d'arme. Il lui affirme pouvoir "avoir une livraison d’ici une à deux semaines de jouets, alors comme jouets Glock, pompe, Uzi, Kalach".

- "David Gasparini craint une guerre civile, Jean-Pierre Bouyer veut s’attaquer aux mosquées et aux migrants, et vous dites à l’un des deux que vous pouvez avoir une livraison de jouets, à quoi vous pensiez?", le questionne le président. - "À rien du tout monsieur le juge, c’était des conneries. Pour faire mon intéressant, y’avait rien. M. Gasparini m’a engueulé plusieurs fois. Je faisais mon intéressant c’est tout", plaide-t-il.

D'ailleurs, Mickaël Iber le reconnaît: quand le chef présumé de ce projet, Jean-Pierre Bouyer, accompagné d'Antoine D., vient en Moselle au début du mois de novembre 2018, c'est pour se procurer des armes. Non pas pour tuer Emmanuel Macron mais "pour protéger sa fille et sa femme ", insiste l'homme dans le box, admettant lui avoir "menti". Pour son avocate, la meilleure preuve que Mickaël Iber cherchait à impressionner, c'est que ce dernier affirmait pouvoir couper "l'électricité en France".

Les "Barjols", du "blabla et des fêtards"

Enfance cabossée, marquée par des agressions sexuelles commises lors de son passage en internant qu'il refuse d'évoquer devant le tribunal, et parcours de vie chaotique, Mickaël Iber a fait la connaissance de David Gasparini sur Facebook. "Il postait des vidéos de nourriture de chevaux, on a commencé à parler ensemble de survivalisme, il m’a fait entrer dans le groupe, le groupe des Barjols", explique Mickaël Iber, dont la préoccupation à l'époque était "la vie chère".

De ce groupe d'ultradroite, adepte du survivalisme, il en retient "du blabla et des fêtards". Il admet avoir participé à deux de leurs réunions, notamment à Vigy, en Moselle, en mars 2018. Alors "en indigence extrême dehors", il assure s'y être rendu pour "manger un morceau de viande". À Vigy, il confirme avoir rempli le formulaire d'adhésion déclarant une motivation à "20" sur une échelle de "un à 10" pour "retourner ce gouvernement de corrompus et redonner la France au peuple".

"C’était des conneries que je racontais, c’était des mots qui dépassaient ma pensée, se défend-il. Avec l’alcool on dit des conneries, je sais que ça n’excuse pas tout mais tout le monde se chauffait et racontait n’importe quoi."

Des "Barjols", il en retient des barbecues et de l'alcool, loin des réunions secrètes et des entraînements paramilitaires évoqués par l'accusation. "Tout le monde refait un peu le monde", assure-t-il confirmant qu'"il y en a qui ont des propos virulents". Lui aussi a tenu des propos virulents notamment en affirmant vouloir tuer des migrants comme "Bobby and Clyde (sic)".

"Je regrette, c’est des propos que j’aurais pas dû avoir", conclut-il désormais, tandis que son avocate met en avant son besoin de reconnaissance.

Article original publié sur BFMTV.com