Dans l’affaire Théo, les policiers jugés aux assises à partir de ce mardi, sept ans après les faits

Après sept ans de procédure, les policiers mis en cause dans l’affaire Théo Luhaka sont jugés à partir de ce mardi aux assises. Un jury populaire rare pour des policiers toujours en exercice.

Dans l’affaire Théo, ici photographié lors d’une manifestation en octobre 2017, les policiers jugés aux assises à partir de ce mardi
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Dans l’affaire Théo, ici photographié lors d’une manifestation en octobre 2017, les policiers jugés aux assises à partir de ce mardi

PROCÈS - Une juridiction rare et symbolique. Près de sept ans après les faits survenus à Aulnay-sous-Bois, s’ouvre ce mardi 9 janvier et pendant dix jours aux assises, le procès de trois gardiens de la paix, Jérémie Dulin, Marc-Antoine Castelain et Tony Hochart. En février 2017 ces trois policiers avaient violemment interpellé Théo Luhaka, alors âgé de 22 ans, pour un contrôle d’identité.

Le jeune homme se retrouve plaqué au mur, son pantalon tombe. Marc-Antoine Castelain porte, entre autres, un violent coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers le caleçon du jeune homme, qui s’effondre. Souffrant d’un important saignement, ce dernier est d’abord emmené au commissariat avant d’être transporté en urgence par les pompiers à l’hôpital pour subir une opération chirurgicale pour une perforation rectale. Un trou d’environ 1 cm sera mesuré sur son sous-vêtement.

De quoi déclencher plusieurs jours et nuits d’incidents en Seine-Saint-Denis et relancer le débat sur les violences policières, six mois après la mort d’Adama Traoré et bien avant le mouvement des gilets jaunes. Même le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme interpelle dans la foulée le gouvernement français, et Claire Hédon, défenseure des droits, ouvre alors une enquête qui durera trois ans.

« Une infirmité permanente »

Sept ans après les faits et suite à une demande de correctionnalisation de la défense qui a été rejetée, c’est bien devant un jury populaire que les trois policiers seront appelés à répondre de violences volontaires avec circonstance aggravante de par leur statut de « personne dépositaire de l’autorité publique ». Une juridiction plutôt rare en matière de violences policières et qui s’explique par le caractère permanent des blessures subies par Théo Luhaka.

Le droit précise qu’en l’occurrence, il s’agit d’un crime et non d’un délit. L’article 222-9 du Code pénal précisant que « les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ».

En août 2019, une expertise médicale faisait état des séquelles endurées par le jeune homme. Outre des soins à vie, l’experte évaluait à 20 % son taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique en raison de « lésions sphinctériennes » en « relation certaine et directe avec l’interpellation ». « Monsieur Luhaka était un sportif professionnel. Il ne pourra plus pratiquer ce sport de manière professionnelle », écrivait-elle tout en pointant également des séquelles psychologiques importantes. Il s’apprêtait à signer en pro avec un club de football en Belgique avant son interpellation.

Les trois policiers toujours en activité

Une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a conclu de son côté à « un usage disproportionné de la force et à un manquement au devoir de protection due aux personnes placées sous la garde de la police ». Elle établit que « les deux violents coups d’estoc du BTD » sont portés à un moment où « Théo Luhaka ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs ».

Les trois policiers, sous contrôle judiciaire, sont toujours en activité mais ne sont pas autorisés à aller sur la voie publique. La préfecture de police évoque de son côté la possibilité d’éventuelles sanctions disciplinaires « à l’issue de l’instance judiciaire ».

Dans leur ordonnance de renvoi aux assises, les juges d’instruction ont en revanche écarté la qualification de mise en examen pour viol, face à des éléments selon eux insuffisamment caractérisés. L’expertise médicale citée plus haut indique que la matraque télescopique a heurté « la bordure de l’anus ».

Théo Luhaka qui assure ne pas vouloir « faire le procès de la police » et a déménagé, ne sort que rarement de chez lui. « Même après le procès, qu’ils s’en sortent libres ou détenus, ils m’auront toujours violé. Je veux que ma parole soit prise en compte », confiait celui dont c’est l’anniversaire ce mardi, au Parisien.

Les condamnations de policiers aux assises demeurent plutôt rares, elles aussi. Le mois dernier, un CRS jugé aux assises pour avoir éborgné un syndicaliste avec une grenade de désencerclement lors d’une manifestation en 2016 a été acquitté par la cour, qui a estimé qu’il avait agi en légitime défense. La victime a saisi la CEDH qui a ouvert une procédure pour « acte de torture ou traitement inhumain ».

VIDÉO - Affaire Théo: le jeune homme dit avoir "pardonné" aux policiers

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