"L'État n'en a rien à cirer de nous" : le combat "contre l'isolement" des maires des plus petites communes de France

Rochefourchat, Charmes-en-L'Angle, Mérona, Molring... En France, plus de 400 communes sur près de 35 000 comptent moins d'un millier d'habitants, et une quinzaine de micro-communes recensent moins de 10 habitants, selon les chiffres du dernier recensement - une nouvelle campagne a débuté ce jeudi 18 janvier.

"Je ne peux pas empêcher les gens de partir de toute façon." Depuis sa cuisine, Maurice Bello peut admirer les champs de colza à perte de vue. Le maire de Molring, à qui les chevreuils viennent régulièrement rendre visite, ne comprend pas que son petit village soit peu à peu déserté de sa population.

Pourtant, il ne reste plus que 7 habitants dans cette commune rurale de 3km², contre une quinzaine dans les années 1990, d'après les chiffres du dernier recensement de 2021, publiés ces derniers jours par Insee. Ce qui fait d'elle la plus petite commune de Moselle.

"Que voulez-vous? Aujourd'hui les gens ne veulent plus rien entendre de la ruralité. C'est dommage mais c'est comme ça, tant pis pour eux", s'exaspère Maurice Bello, ancien agriculteur de 87 ans, maire depuis 1965.

"L'État n'en a rien à cirer de nous"

Dans le village, il n'y a plus d'école, de commerce ni de café depuis belle lurette. "Bien sûr qu'on se bat contre l'isolement", assure ce maire, qui considère avoir "donné sa vie pour sa commune".

Avec ses vaches laitières et ses céréales, son exploitation agricole - désormais entretenue par ses enfants - est l'une des seules à perdurer dans la commune. "C'est ma fierté, mon honneur! Une très belle ferme", martèle cet homme, qui se dit "assommé" par la paperasse administrative et se sent livré à son sort.

"L'État n'en a rien à cirer de nous", assure l'élu. "Mais nous on arrive à se démerder quand même".

Malgré le relatif isolement de la commune, Maurice Bello assure que les habitants "se plaisent bien" à Molring: "On est en bordure de 400 hectares de forêt, on est tranquilles ici. On est dans la nature, il n'y a rien de plus beau."

"Tout le monde se connaît ici"

À Charmes-en-l'Angle non plus, il n'y a plus ni école ni commerce depuis une vingtaine d'années déjà. "Il n'y a plus rien si ce n'est un camion qui passe vendre des fruits, des légumes et de la viande", résume le maire de 71 ans, Charles Dubois. "Il fait le tour des communes alentours une fois par semaine".

Et pour cause, Charmes-en-l'Angle est la plus petite commune de Haute-Marne, avec ses 6 habitants recensés. "L'avantage c'est que tout le monde se connaît ici", plaisante Charles Dubois

Cet ancien architecte paysagiste, à la tête du village depuis 2014, reconnaît que "la plupart des habitants encore sur place sont des personnes âgées", dont une partie ne vit pas là à l'année. C'est d'ailleurs son cas: sa résidence principale est à Paris.

Pour maintenir sa commune en vie, l'édile organise régulièrement des cérémonies et autres concerts chez lui, dans l'orangerie du château du village. "Entre ça et les événements organisés à l'abbaye de Clairvaux (à une trentaine de kilomètres), on ne s'ennuie pas", assure-t-il, nullement abattu par la quiétude de son village.

En tant que maire, la charge de travail à Charmes-en-l'Angle est "certes limitée mais on trouve des choses à faire", assure encore l'élu. "Il faut entretenir le cimetière et le château d'eau. On est parfois aussi sollicités pour des arbres tombés sur des fils électriques, ce genre de choses. Mais je n'ai pas à me plaindre", sourit le septuagénaire.

À l'échelle nationale, c'est la commune de Rochefourchat (Drôme) qui détient le record du moins d'habitants avec une seule et unique personne recensée l'année dernière. Avec deux et trois habitants respectifs, viennent ensuite Leménil-Mitry (Meurthe-et-Moselle) et Rouvroy-Ripont (Marne), devant Caubous (Haute-Garonne) et ses quatre habitants.

Avec ses 7 habitants, le petit village de Mérona brigue lui aussi le titre de village le moins peuplé de son département: le Jura. Dans ce village situé à 18km de Lons-le-Saunier, la trentaine d'habitants qui vivaient au vert au siècle dernier s'est progressivement éteinte, et les quelques familles restantes sont parties peu à peu.

"Une ferme, 4 maisons et un château"

"On a vite fait le tour du village", plaisante le maire Bernard de Mérona, qui partage sa vie entre Lyon et sa micro-commune tout au long de l'année. "Il n'y a qu'une ferme d'élevage laitier et quatre maisons, dont deux d'entre elles sont des résidences secondaires." "Sans oublier le château", qui appartient à sa famille.

Pour lui, la politique locale est en quelque sorte une histoire de famille depuis des générations. À 77 ans, cet ancien chercheur à la retraite est maire depuis la mort de son frère Xavier de Mérona en 2012. Avant eux, leur père Christian avait même reçu une médaille d'or communale pour ses 54 années à la tête de la commune, selon la Voix du Jura.

Avec 20 000 euros de budget annuel, l'élu ne cache pas que les projets de la commune sont limités. "On a très peu de terrain donc on ne peut pas faire grand chose", reconnaît cet édile, qui ajoute, acerbe: "On a beau être petits en taille, on est tenus aux mêmes obligations que les autres maires de France et de Navarre."

Selon le ministère de l'Économie, 21 000 communes françaises ne disposent aujourd'hui d'aucun commerce, soit 62% de l'ensemble des villes françaises, contre 25% en 1981.

Pour enrayer la désertification commerciale de ces territoires ruraux, le gouvernement a annoncé en mars dernier le lancement du programme de reconquête du commerce rural. Ainsi, 43 communes bénéficieront de projets subventionnés soutenant des projets d'implantation de commerces tels que des épiceries ou des boulangeries.

Article original publié sur BFMTV.com

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