Législatives 2024 : la « purge » à LFI menace déjà l’unité du nouveau Front populaire

POLITIQUE - Le front sectaire. Quelques heures après la signature des accords du Nouveau Front Populaire en vue des élections législatives, jeudi 13 juin, plusieurs décisions radicales prises par la France insoumise pour ses investitures créent déjà des remous à gauche.

Législatives 2024 : depuis la dissolution, une semaine qui a mis la vie politique sens dessus dessous

En l’occurrence, le mouvement dirigé par Manuel Bompard a fait le choix de ne pas reconduire plusieurs figures connues, Alexis Corbière et Raquel Garrido en Seine-Saint-Denis ou Danielle Simonnet à Paris, au profit d’autres profils. Le point commun de ces personnalités, identifiées du grand public, plébiscités par les électeurs sur leurs territoires, mais finalement évincées ? Ils ont tous critiqué Jean-Luc Mélenchon ces derniers mois, plus ou moins vivement.

Du côté des partenaires, le choc est réel. Tous dénoncent en chœur « une purge » qui n’honore pas ses auteurs, à l’heure où toute la gauche, du NPA à Place Publique, a réussi à mettre ses désaccords de côté pour s’unir face à la menace de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national.

Tondelier convoque les instances EELV

La secrétaire nationale des Écologistes a rapidement annoncé ce samedi 15 juin qu’elle avait convoqué les instances de son parti pour discuter de la tournure des événements. « Je pense que c’est une erreur, c’est ridicule. (...) J’ai convoqué les instances pour que nous voyions quelle suite à donner à cela, mais je ne vois pas pourquoi nous ne soutiendrions pas des candidats sortants », a expliqué Marine Tondelier ce samedi sur France 2, alors que les candidats évincés ont déjà annoncé leur intention de se présenter malgré l’absence d’estampille officielle.

Dans un message envoyé à 3 heures du matin aux autres dirigeants des partis de l’alliance (dévoilé par un journaliste de Libération), la cheffe des verts se dit « en colère », « inquiète », évoque un « sabotage », et rappelle à son homologue insoumis Manuel Bompard qu’il se serait engagé à reconduire tous les sortants, hormis quelques cas particuliers concernant par exemple les violences faites aux femmes.

Dans son sillage, socialistes, communistes et écolos partagent leur désarroi sur les réseaux sociaux. « Purger Raquel, Alexis, Danielle et Hendrik (Davi, à Marseille) est une faute. Ces méthodes m’ont toujours révulsées, d’où qu’elles viennent », fustige par exemple la députée PCF Elsa Faucillon, pourtant LFI-compatible. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure évoque pour sa part des « décisions irresponsables », des « évictions scandaleuses » qui « salissent » le Front populaire. L’élu explique travailler à « régler » la situation.

Dans ce contexte, les réactions les plus vives viennent sans doute des rangs insoumis, avec François Ruffin et Clémentine Autain. Réinvestis par la France insoumise, les deux électrons libres du mouvement voient en revanche certains de leurs proches (Guillaume Ancelet ou Hendrik Davi) punis et privés d’investitures.

« Après la tragédie, après l’espoir, vint la farce. La direction de la France insoumise, loin de se mettre à la hauteur de ce moment, s’abaisse aux pires combines », a ainsi fulminé le député de la Somme, l’un des responsables les plus en vue pour occuper Matignon en cas de victoire de la gauche le 7 juillet. Il évoque également un désir de « régner par la peur et la brutalité », dans une diatribe aussi rare que cinglante à l’égard de la direction insoumise, incarnée notamment par Manuel Bompard.

Du grain à moudre pour les contempteurs

Il faut dire aussi que les huiles du mouvement, en plus d’avoir purgé certains de ses cadres historiques – une habitude pour Jean-Luc Mélenchon et ses formations de gauche radicale – ont fait le choix de réinvestir Adrien Quatennens. Malgré les critiques et la pression des différents partenaires, le député sortant – condamné en décembre 2022 pour avoir frappé sa femme – sera bel et bien le candidat du Front populaire dans la 1ère circonscription du Nord.

Une décision qui révulse bien au-delà des associations féministes. « Purger les gens qui ne sont pas des lignards mais garder Quatennens, ça dit beaucoup de vos méthodes et de votre rapport au féminisme et aux désaccords », s’insurge par exemple la députée écologiste sortante Marie-Charlotte Garin. La présidente de l’association féministe Nous Toutes Lille Amy Bah, qui se revendique du Front Populaire, annonce d’ailleurs ce samedi se présenter face à l’élu mélenchoniste.

S’il en faudra davantage pour disloquer la nouvelle union des gauches dans un contexte électoral périlleux, les choix singuliers opérés par la direction de LFI sont malgré tout propices à tendre les relations d’emblée. Et, surtout, à offrir du grain à moudre aux contempteurs de cette union. « Je suis très heureux d’être socialiste », a par exemple répliqué l’eurodéputé François Kalfon sur BFMTV, un élu pas franchement fan de la machine insoumise, ajoutant qu’il voterait pour des frondeurs s’il le pouvait.

Plus précisément, ces péripéties alimentent deux critiques tenaces faites à LFI : une organisation antidémocratique, doublée d’une certaine culture du chef qui semble empêcher l’émergence d’une quelconque voix dissonante. Pas de quoi rassurer ceux qui s’en inquiètent.

À voir également sur Le HuffPost :

Législatives 2024 : Tibo Inshape, pressé de s’exprimer, refuse de parler politique

Front populaire : la carte des circonscriptions aux législatives 2024 pour chaque parti de l’union à gauche