Khamenei exclut une confrontation militaire irano-américaine

L'économie iranienne est plus pénalisée par la mauvaise gestion que par les sanctions américaines, a déclaré lundi l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution iranienne. /Photo d'archives/REUTERS/Caren Firouz

par Parisa Hafezi

ANKARA (Reuters) - Le guide suprême de la Révolution iranienne, l'ayatollah Ali Khamenei, a exclu lundi toute confrontation militaire avec les Etats-Unis, tout en refusant l'ouverture de discussions directes entre les deux pays.

"Les responsables américains ont récemment parlé à tort et à travers de l'Iran... Ils parlent de guerre et de négociations... Ils exagèrent le risque de guerre avec l'Iran. Il n'y aura pas de guerre. Nous n'avons jamais commencé une guerre et ils ne se confronteront pas militairement à l'Iran", a-t-il déclaré dans un discours cité à la télévision d'Etat.

Après avoir dénoncé l'accord sur le nucléaire de 2015 et annoncé le rétablissement de sanctions contre l'Iran, Donald Trump s'est dit prêt il y a deux semaines à rencontrer les dirigeants iraniens sans pré-conditions pour améliorer les relations entre Washington et Téhéran.

L'ayatollah Khamenei a rejeté lundi cette main tendue du président américain, précisant dans son intervention télévisée avoir formellement interdit la tenue de discussions directes avec les Etats-Unis.

"L'Amérique n'a jamais respecté les promesses qu'elle fait pendant les négociations", a-t-il justifié. "Le retrait de l'Amérique de l'accord sur le nucléaire a fourni la preuve éclatante qu'on ne peut pas lui faire confiance."

Le guide de la Révolution iranienne, représentant l'aile dure du régime, a par ailleurs affirmé que l'économie iranienne était davantage pénalisée par la mauvaise gestion que par les sanctions américaines, une pique adressée au président Hassan Rohani, réputé plus modéré.

"Plus que les sanctions, la mauvaise gestion de l'économie fait pression sur les Iraniens moyens (...) Je ne dis pas que c'est de la trahison, mais une énorme erreur de gestion", a-t-il dit, cité par la télévision publique.

"Avec une meilleure gestion et une meilleure planification, nous pourrons résister aux sanctions et les surmonter", a-t-il ajouté.

L'IRAN NE CHANGERA PAS DE POLITIQUE RÉGIONALE, DIT ZARIF

Une première vague de sanctions américaines a été rétablie la semaine dernière, conséquence de la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l'accord de juillet 2015 sur les programmes nucléaires iraniens.

Une seconde salve est attendue pour début novembre. "Quiconque fera des affaires avec l'Iran n'en fera plus avec les Etats-Unis. J'appelle à une paix mondiale, rien de moins", a tweeté le président des Etats-Unis.

Depuis que Trump a officialisé, début mai, sa décision sur l'accord de Vienne, l'Iran traverse une mauvaise passe économique du fait de la chute de sa devise, le rial, qui a perdu près de la moitié de sa valeur depuis avril.

Avec la forte inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat des Iraniens, ces difficultés économiques ont provoqué des mouvements de contestation sociale à travers le pays.

Elles sont aussi un facteur de fragilisation du président, Hassan Rohani, principal promoteur de l'accord de 2015 qui encadre les programmes nucléaires iraniens en échange d'une levée des sanctions.

Le gouvernement iranien a dénoncé l'"unilatéralisme" de Washington, prédisant par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que les Etats-Unis et leurs alliés saoudien et israélien allaient se retrouver "isolés" sur la scène mondiale.

"L'Iran ne changera pas de politique régionale sous la pression des sanctions et des menaces", a assuré lundi le chef de la diplomatie iranienne, selon des propos rapportés par la chaîne qatarie Al Jazira.

La chute du rial et l'envolée des cours de l'or ont été attribuées par des responsables iraniens à des "ennemis", et plus de 60 personnes, dont plusieurs dépositaires de fonctions officielles, ont été arrêtées pour des accusations passibles de la peine de mort.

"La chute du rial et la hausse des prix des pièces d'or sont un problème économique majeur", a déclaré Khamenei. "Les corrompus doivent être punis avec fermeté."

(Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français)