Katsiaryna Novikava, la prisonnière politique biélorusse qui a couché son histoire sur du papier toilette

L’histoire que raconte Katsiaryna Novikava est la même que celles de nombreux opposants politiques biélorusses enfermés dont certains sont bien plus médiatisés qu’elle.
PETRAS MALUKAS / AFP L’histoire que raconte Katsiaryna Novikava est la même que celles de nombreux opposants politiques biélorusses enfermés dont certains sont bien plus médiatisés qu’elle.

INTERNATIONAL - Au pays d’Alexandre Loukachenko, il faut une sacrée dose d’ingéniosité pour dénoncer un système carcéral des plus brutaux. C’est ce que prouve l’histoire de l’opposante biélorusse Katsiaryna Novikava, dont le récit a été relayé dans la presse biélorusse grâce à ses mots écrits clandestinement sur des rouleaux de papier toilette

.

En Biélorussie, Alexandre Loukachenko signe une loi qui plonge un peu plus le pays dans la dictature

Comme le raconte Associated Press ce lundi 15 avril, cette femme de 38 ans avait été arrêtée en juin 2023 par les forces de l’ordre de la Biélorussie, régime autoritaire dirigé par l’un des chefs d’États proches de Vladimir Poutine, Alexandre Loukachenko. Depuis plusieurs années, mais surtout depuis la réélection controversée du président biélorusse en 2020 pour un énième mandat, les arrestations d’opposants lors de manifestations contre le pouvoir en place se suivent et se ressemblent.

C’est dans ce contexte de répression exacerbée que l’histoire de Katsiaryna Novikava prend place, parmi celles de 35 000 autres personnes arrêtées, torturées ou obligées de fuir leur pays, comme le recense le centre biélorusse des droits humains Viasna, dont le prix Nobel de la paix 2022 Ales Bialiatski.

Des blessures qui s’aggravent

Depuis son arrestation en juin dernier, vêtue d’une simple chemise de nuit, Katsiaryna Novikava a depuis été reconnue coupable d’incitation à la haine et d’entrave au travail d’un employé du ministère de l’Intérieur en janvier. Verdict ? Six ans et demi de prison pour elle.

Confrontée à la violence de ses geôliers, la jeune femme a été battue à plusieurs reprises. C’est pour cette raison qu’elle a choisi de témoigner par écrit. Sauf qu’il y a un hic. Impossible de recevoir des lettres et encore moins d’en envoyer, sachant que « même les dessins sont interdits », rapporte-t-elle.

C’est donc en faisant passer clandestinement son histoire griffonnée sur du papier WC qu’elle a pu rendre compte d’un quotidien partagé par beaucoup d’opposants au pouvoir biélorusse.

« Tous ceux qui étaient dans le bureau me frappaient. Ils m’ont frappé à la tête », écrit Katsiaryna, en décrivant les conditions de ses agressions lors d’interrogatoires dans plusieurs centres de détentions différents. Mais elle n’a jamais été soignée pour ses blessures. Ce qui a progressivement aggravé son état : « Je suis tombée de la couchette supérieure de mon lit et ma tête a heurté une étagère en bois ». Mais une fois de plus, aucun soin ne lui a été prodigué.

Malheureusement, aucune indication n’est fournie concernant la manière dont ses écrits se sont retrouvés à l’extérieur de sa cellule. Une cellule qu’elle explique d’ailleurs partager avec une autre femme, bien plus célèbre, Marina Zolotova, la rédactrice en chef de l’un des plus grands médias en ligne indépendant du pays, Tut.by. Sa camarade de cellule a, elle, écopé de 12 années de prison.

Une torture banalisée

Si sa lettre à pour but de dénoncer les sévices infligés dans les prisons du pays à travers son exemple personnel, son objectif semble avoir été atteint, comme le confirme l’organisation de défense des droits humains Viasna. Car ses mots doivent maintenant faire l’objet d’une enquête du comité des Nations Unies contre la torture.

Relayée sur X par plusieurs personnalités politiques comme Svetlana Tikhanovskaïa, la lettre de Katsiaryna Novikava a été saluée pour son courage par de nombreux observateurs de la société biélorusse, à commencer par Pavel Sapelka, membre de Viasna.

Selon lui, cette lettre « met en lumière la situation catastrophique des prisonniers politiques dans les prisons biélorusses ». Mais prouve surtout que les autorités du régime de Loukachenko usent sciemment de « l’intimidation systémique, des passages à tabac, du refus de soins médicaux et de l’isolement de l’information » comme outil de torture contre les prisonniers de ce régime aux méthodes proches, voire identiques à celles du Kremlin.

À voir également sur Le HuffPost :

Le prix Nobel de la paix Ales Bialiatski condamné à 10 ans de prison en Biélorussie

Biélorussie : Face à Alexandre Loukachenko, l’audace de cet étudiant