« Pour un juste accompagnement de notre agriculture face aux défis du 21e siècle » - TRIBUNE
TRIBUNE - Monsieur le Premier ministre,
Le monde agricole français et européen traverse une crise profonde : depuis plusieurs semaines, les agriculteurs se sont mobilisés dignement et ont crié leur souffrance face à la faiblesse de leurs revenus par rapport au temps de travail qu’ils fournissent, et face aux conséquences d’aléas climatiques et de décisions politiques et administratives.
Depuis fin janvier, et encore cette semaine monsieur le Premier ministre, vous avez pris des mesures qui nous étonnent et nous inquiètent. Faire cesser des blocages et une mobilisation ne peut se faire dans un tel déni des enjeux écologiques, ni sans une meilleure écoute de l’ensemble des forces syndicales agricoles.
Alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture, nous contestons la direction que vous prenez en matière de politique agricole, exception faite de l’abandon de l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Nous nous opposons avec force à la suspension du plan Ecophyto et à l’abandon de l’indicateur français NODU au profit de l’indicateur européen qui est moins-disant. L’impact actuel et futur des pesticides est non seulement une menace pour la fertilité des sols mais également pour la santé environnementale et humaine.
Nous contestons la direction que vous prenez en matière de politique agricole.
Nos agriculteurs, qu’ils soient céréaliers, éleveurs, viticulteurs ou maraîchers, doivent également faire face aux problèmes relatifs à l’eau. Sécheresses records puis pluies diluviennes : nos sols ne s’adaptent plus de la même façon. Pourtant vous souhaitez faciliter les curages sur les fossés et vous validez les attaques contre la protection des haies ! Plutôt que des arbitrages catégoriels, nous voulons un partage territorial de l’eau fondé sur la science et la démocratie.
La gestion de la taxe sur le GNR est une parfaite illustration de ce qu’il ne faut pas faire en termes de transition énergétique : une compensation au litre de gazole favorisant les grosses exploitations plutôt qu’un crédit d’impôt plafonné par exploitation.
Comment comprendre « en même temps » le recul des aides à l’agriculture biologique et d’accompagnement agroécologique de nos exploitations ? Pourquoi continuer à accepter l’absence de dégressivité des aides PAC en fonction de la taille des exploitations et en tenant compte du nombre d’actifs, alors qu’elle pourrait aussi financer la rémunération des services environnementaux et la réduction de l’usage des pesticides ?
L’aide à l’hectare est la même que l’on en cultive 1, 70 ou 700 comme Arnaud Rousseau président de la FNSEA et PDG du groupe Avril, là où la moyenne française est de 69 hectares. Ceci contribue massivement à faire primer l’agrandissement des exploitations alors que 55 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 10 ans sans qu’aucune loi foncière agricole ne pointe à l’horizon.
Il est temps d’appliquer une juste répartition entre les usages alimentaires et non alimentaires de l’agriculture
Il n’y aura ni renouvellement des générations ni avenir pour notre agriculture si nous ne mettons pas un terme immédiat à la spéculation foncière et à la concentration excessive des terres. De même, il est temps d’appliquer une juste répartition entre les usages alimentaires et non alimentaires de l’agriculture.
C’est pourquoi :
Nous exigeons une stricte application des différentes lois Egalim, dont vous avez avoué incidemment qu’elles n’étaient pas correctement contrôlées au point d’annoncer un nouveau projet de loi.
Nous souhaitons une révision dès cette année du plan stratégique national (PSN) pour redistribuer les aides de la PAC et réorienter les soutiens vers l’installation des jeunes agriculteurs et l’agroécologie.
Nous demandons que soient confortés les différents zonages de compensation des handicaps naturels (ICHN) et des zones défavorisées (ZDS).
Nous proposons la création d’une commission d’enquête parlementaire au Sénat sur les revenus des agriculteurs et sur les relations commerciales.
Nous continuons de porter la reconnaissance des paiements pour services (PSE) environnementaux des agriculteurs comme le font les sénateurs socialistes depuis 2018.
Nous vous invitons à suivre la proposition de résolution européenne portée par les députés socialistes pour contrôler effectivement et efficacement les clauses miroirs, afin que les importations et les exportations de denrées agricoles bénéficient des mêmes conditions de production que les produits français.
Il faut un moratoire sur l’ensemble des accords de libre-échange en cours de négociation et des prix rémunérateurs et stables dans la durée, comme on a pu les connaître dans la PAC d’avant 1992 sur les prix des céréales, ou pendant 30 ans sur les quotas laitiers (démantelés par le ministre de l’Agriculture sous Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, avec l’accord de la FNSEA, des Jeunes agriculteurs et de la coordination rurale).
Nous vous invitons à appliquer les 26 recommandations du rapport issu de la commission d’enquête initiée par les députés socialistes sur « les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires »
Nous vous demandons de mieux accompagner les collectivités afin qu’elles puissent honorer les objectifs de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de bio, dans la restauration collective dont elles ont la charge.
Nous vous proposons de reprendre la proposition de loi des sénateurs socialistes pour la « préservation des sols vivants » examinée il y a quelques jours, tout comme celle des sénateurs écologistes et socialistes sur la protection des haies.
Il y a quelques années un premier virage agroécologique salutaire a été lancé. Il demandait à être approfondi, accompagné et dépassé. Alors que s’ouvre le Salon International de l’Agriculture à Paris, il est encore temps de changer de braquet et de vous tourner vers l’agroécologie, salvatrice pour les agriculteurs, les consommateurs et la planète.
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