« Julienne », la morte inconnue de Scholastique Mukasonga

À travers une histoire d’amour fou, Scholastique Mukasonga – alors en exil lors du génocide des Tutsis du Rwanda – sort de l’anonymat une jeune femme qui lui est chère. - Credit:
À travers une histoire d’amour fou, Scholastique Mukasonga – alors en exil lors du génocide des Tutsis du Rwanda – sort de l’anonymat une jeune femme qui lui est chère. - Credit:

«Julienne n'était plus qu'une victime lointainement collatérale des persécutions qu'avaient subies les Tutsis pendant plus de trente ans. Lidia avait pleuré ses morts avec les autres, mais Julienne restait sa morte à elle, sa douleur à elle. » Quel magnifique retour en librairie pour l'autrice de Notre-Dame du Nil ! Julienne est visiblement un livre longuement retenu, et l'héroïne à laquelle il est dédié, une figure très proche de Scholastique Mukasonga.

L'écrivaine rwandaise consacre à celle qui pourrait être une sœur un roman d'autant plus émouvant qu'il arrive trente ans après le génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda. Il n'est pas inutile de rappeler qu'avec son premier livre, le recueil de nouvelles Inyenzi ou les Cafards, la survivante a ouvert en 2006 un espace en littérature pour rendre universelle sa traversée de la tragédie. Cette fois, son livre ressortit à l'intime et éclaire un destin parmi tant d'autres mais que près d'un million de morts n'ont pu lui faire oublier.

Un éclairage sur les rapports des colons avec les colonisés

Julienne se situe à une époque essentielle pour comprendre l'histoire des Tutsis du Rwanda : à la fin des années 1950, durant la première vague d'exil, alors que l'apartheid est déjà imposé par le régime hutu. Sixième enfant d'Estellia, Julienne a le malheur d'être née fille (encore !) et peine à grandir dans un corps qui reste chétif. L'amour maternel n'est pas au rendez-vous – euphémisme –, et c'est la sœur aînée [...] Lire la suite