Jul, PLK, Bigflo & Oli: pourquoi les rappeurs font participer leurs fans à la création de leurs albums

C'est une "petite consécration" pour Nzed et Tristan. L'un est graphiste, l'autre étudiant en communication, et tous les deux ont vu l'une de leurs créations choisies par Jul pour la pochette de son nouvel album C'est quand qu'il s'éteint, sorti ce vendredi 9 juin.

À l'instar de son disque La Machine en 2020, ou du morceau, 4 juin 2022 réalisé avec son public en live lors de son concert au Stade Vélodrome, le rappeur marseillais, connu pour être proche des ses fans, a de nouveau sollicité sa communauté par le biais d'un concours début mai afin de dénicher les futurs visuels de son 28e projet.

Une publicité assez peu onéreuse

Comme Jul, ces dernières années, de plus en plus de rappeurs font appel à leurs fans pour les intégrer dans le processus créatif de leurs albums. Une stratégie de communication "simple" et "populaire", analyse Florian Lecerf, fondateur de l'agence 135 Média, spécialisée dans l'accompagnement d'artistes.

Ce dernier l'a d'ailleurs utilisée avec l'un de ses clients, le rappeur marseillais YL, à l'époque du confinement. "Il a réalisé une mixtape en live avec ses fans. Tous les soirs ils se retrouvaient sur Instagram et ils choisissaient avec lui le titre de ses morceaux, et ça a très bien marché".

Au-delà de l'envie d'un artiste de créer du lien avec son public, demander à sa communauté d'intervenir dans un projet est aussi un bon moyen, selon Florian Lecerf de "s'assurer une publicité assez peu onéreuse".

"Quand Jul annonce un concours pour sa pochette, des gens relaient leurs créations en demandant de voter pour eux, et ça permet de générer des likes, des retweets et de faire parler du projet avant même qu’il sorte", souligne le fondateur de 135 Média.

Une position que partage Tristan. L'étudiant de 23 ans, qui confie avoir demandé à ses proches de relayer sur les réseaux sociaux sa création pour l'album de Jul, assure qu'il n'aurait pas écouté ce disque de la même manière s'il n'avait pas contribué à l'élaboration de sa pochette.

"D’avoir créé cette cover ça m'implique dans le projet. Là, je sais que je vais acheter le CD en physique, que je vais en parler autour de moi, chose que je n'aurais pas forcément faite à la base", détaille-t-il.

"Vous avez participé avec nous à l'aventure"

Pour annoncer leur retour après deux ans de pause, en juin 2022, Bigflo et Oli ont également fait le choix d'inviter leur communauté dans la création de leur album Les Autres c'est nous.

Sur un site éphémère dédié à l'initiative, les deux rappeurs toulousains avaient proposé à leurs fans de choisir entre quatre photos et trois titres pour le projet. Afin que leurs décisions soient prises en compte, les fans pouvaient précommander leur version préférée du disque.

Chaque auditeur qui avait acheté l'album a ainsi reçu la version qu'il a choisie. Et l'option qui a eu le plus de précommandes a été retenue pour devenir la version définitive du disque, vendue en magasin.

"On voulait que votre précommande ait un vrai impact sur les décisions de l'album, comme ça on peut dire que vous avez participé avec nous à l'aventure!", avaient déclaré Bigflo et Oli sur YouTube lors de l'annonce de l'initiative.

Et l'opération a porté ses fruits puisqu'en 24 heures, Bigflo et Oli ont vendu 10.000 albums en précommande. Le projet a depuis été certifié disque de platine avec plus de 100.000 exemplaires écoulés.

"Collaborer autrement avec ses fans"

Mais l'initiative la plus aboutie à ce jour dans le rap français est celle imaginée par PLK en janvier dernier. Afin d'impliquer ses fans dans le processus créatif de son nouvel EP, l'artiste et son équipe ont annoncé l'ouverture d'un "label virtuel".

Grâce à une plateforme en ligne, les auditeurs de PLK ont ainsi pu - moyennant 5 ou 35 euros - acheter un rôle précis dans le développement de ce projet collaboratif: directeur artistique, attaché de presse, responsable du merchandising et même stagiaire.

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Pendant plusieurs semaines, les 7.000 internautes inscrits au projet ont ainsi pu échanger avec PLK lors de réunions en ligne et prendre part aux différentes étapes de création de cet EP, baptisé 2069', en référence au nombre de minutes passées à travailler sur le disque.

"Pendant les lives, PLK faisait voter les participants pour la prod d’un titre, il commençait à écrire devant eux, il leur demandait des phrases, ce qu’ils voulaient ajouter... Il expliquait ensuite pourquoi il avait choisi telle ambiance à ce moment-là, pourquoi il rimait avec ce mot-là et pas un autre, c’était hyper pédagogique", explique le label du rappeur, Panenka Music.

"L'idée c'était de collaborer autrement avec ses fans, d’avoir un contact autre qu’à travers un concert ou des posts sur les réseaux sociaux par exemple et que les auditeurs de PLK deviennent les acteurs principaux de la création d’un projet. Ça n’avait jamais été fait donc PLK voulait offrir ça à ses fans", poursuit la maison de disques.

Vers un "effet de mode"?

S'il salue le caractère innovant et créatif de l'initiative de PLK, le fondateur de l'agence 135 Média note toutefois que ces stratégies de sollicitation du public pourraient à terme devenir un "effet de mode" chez les artistes.

"Si demain tout le monde se met à développer des lives pour faire un morceau ou organiser un concours pour une cover ça sera moins exceptionnel, ça va moins intéresser les gens, il y aura moins de participants...", déclare-t-il.

Et le spécialiste de conclure: "C'est comme toutes les stratégies un peu innovantes, elles sont bien quand elles sont rares. Dès qu’elles sont trop dupliquées elles perdent en intérêt."

Article original publié sur BFMTV.com