Joséphine Baker, Vichy, Europe: la vraie-fausse campagne en contre-récit d'Emmanuel Macron

Emmanuel Macron à Vichy (Allier), le 8 décembre 2021 - LUDOVIC MARIN / AFP
Emmanuel Macron à Vichy (Allier), le 8 décembre 2021 - LUDOVIC MARIN / AFP

Par petites touches, on discerne les contours d'un président en campagne. Officiellement, il n'est pas (encore) candidat à sa réélection. Néanmoins, Emmanuel Macron n'est certainement pas imperméable à ce qui se joue autour de lui. Au gré des discours et déplacements, le chef de l'État distille des réponses, prend le contre-pied de certains candidats déclarés comme Éric Zemmour, esquisse sa campagne future, qui fait peu de doutes. Ce jeudi à 16 heures, il s'exprimera au cours d'une conférence de presse à l'Élysée, consacrée à l'Europe.

La semaine passée, c'était à l'occasion de la cérémonie d'entrée au Panthéon de Joséphine Baker qu'Emmanuel Macron a eu l'occasion de défendre sa vision du pays, déclarant: "Ma France, c'est Joséphine", louant "l'universalisme" incarné par la vedette franco-américaine, saluant "l'héroïne", résistante pendant la Seconde Guerre mondiale. Prévue de longue date, cette journée de panthéonisation a également été choisie par le candidat d'extrême droite Éric Zemmour pour sortir du bois et afficher clairement ses intentions vis-à-vis de l'Élysée.

"Quand on fait ce type de discours, il y a toujours une forte actualité", juge auprès de BFMTV.com Christian Delporte, historien, enseignant à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, à l'égard de la panthéonisation de Joséphine Baker.

Réponse appuyée à Zemmour

Ce mercredi, au lendemain d'un déplacement dans le Cher, Emmanuel Macron s'est rendu dans l'Allier. Après un passage à Moulins, le chef de l'État s'est arrêté à Vichy. Une visite hautement symbolique pour le premier président de la Ve République depuis Charles de Gaulle en 1959 à se rendre dans la cité thermale, tristement célèbre pour avoir été choisie comme siège du gouvernement par Pétain pendant l'Occupation.

Un déplacement précédé d'un entretien à France Bleu Pays d'Auvergne, au cours duquel Emmanuel Macron a adressé une réponse limpide à Éric Zemmour, sans le nommer, qui a tenté de réhabiliter à plusieurs reprises la figure de Pétain, qui selon lui aurait sauvé des Juifs français pendant la guerre.

"Gardons-nous de la manipuler, de l'agiter, de la revoir", a déclaré Emmanuel Macron au sujet de l'Histoire.

Plus tard, lors d'un bain de foule après une déambulation dans le parc des Sources, le président de la République a glissé qu'il "(se) battr(ait) de toutes (ses) forces", à une femme qui lui demandait: "Préservez-nous de l'extrême droite".

"On est en pré-campagne. Il occupe le terrain, ils l'ont tous fait", rappelle Christian Delporte, citant Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand ou encore Nicolas Sarkozy, qui s'étaient tous tardivement déclarés candidat à leur réélection.

Pour Pascal Perrineau, politologue et ancien directeur du Cevipof, Emmanuel Macron "cherche à ressusciter ce qui l'avait fait élire en 2017, sa capacité à créer un récit. Il tente de raconter une histoire radieuse, celle de Joséphine Baker, de l'Europe, il diabolise Éric Zemmour". 876450610001_6285827801001

La majorité balaye l'idée d'un président en campagne

Au sein de la majorité et dans l'entourage du chef de l'État, on réfute l'hypothèse d'un président-candidat sans en faire formellement état.

"C'est un reproche qu'on a toujours fait à partir du moment où le président de la République n'est pas candidat", balaye François Patriat, président du groupe LaREM au Sénat.

"Ce n'est que la poursuite des déplacements qu'il a fait. Le procès en campagne électorale est classique, mais un peu hypocrite", estime le sénateur de la Côte-d'Or, réputé proche d'Emmanuel Macron.

"La réalité, c'est que c'est le devoir national de faire un contre-récit par rapport à Éric Zemmour, objecte Bruno Bonnell, député LaREM du Rhône. Il déforme la réalité, plante des graines nauséabondes dans les esprits", fustige l'élu, battant également en brèche l'idée d'un président candidat.

"Maintenant, tous les présidents qui ont souhaité se représenter ont toujours une attitude qu'on peut interpréter comme un candidat", tempère Bruno Bonnell, selon lequel le déplacement à Vichy n'était pas opportunément fixé après les sorties d'Éric Zemmour sur Pétain, mais déjà évoqué lors de la campagne des régionales, au cours de laquelle le député était en lice en Auvergne-Rhône-Alpes.

Mais si Emmanuel Macron était en campagne, ça ne serait pas pour "gêner" François Patriat, s'amuse-t-il. Le sénateur déclare sans ambages "espérer" qu'il soit candidat, tout en estimant qu'il n'est pas encore "le moment" de se déclarer.

Ce jeudi, ce sera seulement la deuxième fois qu'Emmanuel Macron se prêtera à l'exercice de la conférence de presse depuis son arrivée à l'Élysée. La précédente édition remonte à 2019, à la suite du grand débat après la crise des gilets jaunes. Si l'échange est organisé à l'occasion de la présidence tournante de l'Union européenne, qui échoira à la France début janvier, gageons que les questions balayeront un spectre beaucoup plus large et que le locataire de l'Élysée ne devrait guère couper à une interrogation sur ses intentions.

Article original publié sur BFMTV.com