Jordan Bardella multiplie les coups de communication, au risque qu’ils se retournent contre lui

Quand les coups de com’ de Bardella (ici le 25 avril pour la présentation de son programme) se retournent contre lui
MIGUEL MEDINA / AFP Quand les coups de com’ de Bardella (ici le 25 avril pour la présentation de son programme) se retournent contre lui

POLITIQUE - L’hubris du soliste ? Pour Jordan Bardella, la campagne des élections européennes semble être un long fleuve tranquille. Le président du Rassemblement national enchaîne meetings et déplacements, fort d’une cote de popularité insolente et de sondages électoraux particulièrement positifs.

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Ses adversaires, eux, s’inquiètent d’une dynamique que rien ne semble pouvoir arrêter. « La réponse n’est pas dans le constat de dire les nationalistes montent partout, la réponse c’est de dire on a le choix », a certes lancé le président de la République, jeudi matin, depuis la Sorbonne pour son entrée en campagne. Mais les prises ou angles d’attaque n’en demeurent pas moins difficiles, voire introuvables, pour contrecarrer le discours du candidat de 28 ans.

Dès lors, le parti d’extrême droite semble être - comme souvent - son principal ennemi. Depuis plusieurs jours, le candidat du RN tend effectivement à multiplier les coups de communication… Au risque de les voir se retourner contre lui.

Se mettre dans les pas de Macron

L’exemple le plus récent est manifeste. Jeudi, Jordan Bardella a fait le choix d’avancer la présentation de son programme pour répondre directement au grand discours d’Emmanuel Macron le matin même à la Sorbonne. Au contraire des écologistes qui ont eux opté pour le report de leur conférence de presse, afin de préserver un minimum de visibilité à leurs propositions.

Le but affiché par Jordan Bardella ? Ancrer encore davantage un duel entre sa formation et le président de la République, dont la candidate est la peine dans les sondages. Résultat : une séquence qui aura surtout illustré la différence de niveau, sur le fond, entre Emmanuel Macron et la nouvelle star de l’extrême droite.

Le chef de l’Était a effectivement tenu un discours touffu de près de deux heures vantant son bilan et jetant les bases d’un programme électoral dense et divers, du numérique à l’écologie en passant par la finance ou la défense. En réponse, l’eurodéputé RN a pris la parole moins de vingt minutes, les yeux rivés sur un texte qu’il semblait découvrir. Pire, son programme - qui aurait pu jouir d’une bonne exposition médiatique dans un autre timing - est passé complètement inaperçu.

Fuir les débats

Un raté que l’autre coup tenté par Jordan Bardella n’a pas permis d’éviter. Au terme de sa prise de parole, le président du Rassemblement national a effectivement quitté la scène, boudé les journalistes qu’il avait pourtant convoqués et choisi ainsi de ne pas répondre aux questions potentiellement gênantes.

Une bizarrerie quand il s’agit d’une conférence de presse (et non un discours ou une allocution) propre à déclencher la colère de l’assistance. D’autant que le président du parti lepéniste n’est pas le plus allant depuis le début de la campagne pour croiser le fer et se prêter aux séquences potentiellement risquées pour lui. Il a par exemple refusé de participer à trois débats télévisés majeurs (avec tous ses concurrents) pour préférer des échanges en face-à-face.

Pour Jordan Bardella, il s’agit de se placer - lui et ses 32 % d’intentions de vote - au-dessus de la mêlée. Et éviter, ainsi, les tirs croisés de ses adversaires. Une stratégie qui n’est pas sans risque : elle permet aux autres candidats de fustiger un homme qui fuit le débat et la confrontation. « Jordan Bardella, c’est le candidat TikTok. Mais les Européennes, ce n’est pas Secret Story. Ce n’est pas le 10 juin que l’on doit connaître la vérité », grince par exemple Loïc Signor, le porte-parole de Renaissance, auprès du HuffPost.

En ce sens, la dépêche de l’AFP reprise dans de nombreux journaux et les récits tirés de cette fausse conférence de presse retiennent davantage la fuite du candidat RN que ses propositions.

Promouvoir des candidats gênants

Il faut dire aussi que le Rassemblement national est relativement mal à l’aise quant à certains développements dans sa campagne. Outre les liens avec son allié allemand, l’AFD aux positions parfois polémiques, ses nouvelles recrues, qui devaient chacune constituer des coups politiques et médiatiques, semblent se transformer en boulets plus ou moins pesants.

Au palmarès : Malika Sorel et son vocabulaire digne de Jean-Marie Le Pen, Matthieu Valet, l’ancien commissaire médiatique accusé d’avoir détourné des bons SNCF appartenant à des collègues, Fabrice Leggeri l’ancien patron de Frontex visé par une plainte pour « complicité de crimes contre l’humanité » et, enfin, Saidali Boina Hamissi.

Le dernier en date, responsable du RN à Mayotte a été sorti de la liste de Jordan Bardella trois jours après l’officialisation de sa présence, notamment pour des propos racistes, complotistes et misogynes. Les autres tendent à ébrécher, sans le vouloir, l’entreprise de normalisation chère à la formation lepéniste et à Jordan Bardella. « Sa liste, c’est le plus grand cabaret du monde », ne se prive pas de siffler Loïc Signor, gourmand face à ce nouvel angle d’attaque offert par le RN.

Force est de constater en revanche que ces péripéties ou ces coups de communication hasardeux ne sont pas suivis d’effets dans les sondages d’intentions de vote. Pour l’instant, la liste de Jordan Bardella continue d’écraser la concurrence, et aucun signal ne montre un probable inversement de tendance. En attendant la nouvelle fausse note…

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