« JOP de Paris 2024 : Et si le principal héritage consistait à renforcer la place de l’EPS à l’école » - TRIBUNE
TRIBUNE - Les Jeux olympiques et paralympiques sont un événement sportif planétaire grandiose, mais par définition… éphémère. Une fois la compétition sportive achevée à l’automne, l’État est attendu sur ce qu’il laissera en héritage sportif, éducatif et sociétal durable dans l’ensemble des territoires. Et de ce point de vue, nous restons sceptiques.
JO de Paris 2024 : les grandes étapes qui attendent la flamme olympique, de la Grèce aux Tuileries
Sur le plan des moyens financiers, l’année 2024 pourtant décrétée « Grande cause nationale » a débuté par l’annonce de coupes budgétaires d’ampleur avec 50 millions d’euros de moins pour les politiques publiques sportives. Et ce n’est visiblement que le début. Il ne faudrait pas que la promesse initiale du « souffle » olympique ne se transforme en « soufflé » post-Jeux !
« Faire Nation par le sport » est un slogan politique qui se heurte aux difficultés de mise en œuvre d’une politique nationale de promotion de l’activité physique et sportive. L’idée de « nation sportive » renvoie à l’objectif d’unité, de vivre en commun, de cultures sportives partagées avec un objectif d’égalité d’accès à toutes et à tous.
« L’injonction manger-bouger est inefficace »
La promesse de départ était aussi d’organiser des Jeux de la Nation sur l’ensemble du territoire français, et pas seulement à Paris et en Île-de-France. Des changements seront perceptibles en Seine-Saint-Denis qui part de loin concernant l’héritage matériel. Mais pour le moment, les collectivités des autres régions ne perçoivent pas de retombées durables. On est dans une logique de labellisation ou d’événementiels ponctuels.
Nous sommes face à une bombe à retardement sanitaire. La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique nécessitent une prise de conscience, comme ce fut le cas pour le tabac.
Les injonctions telles que « manger-bouger » se révèlent bien souvent inefficaces, voire contre-productives. Un élément clé est de trouver une activité pour laquelle on éprouve du plaisir. Cette perspective passe par la « littératie physique », nécessitant l’acquisition de compétences, le développement d’une autonomie dans la pratique, en favorisant les émotions positives.
« Accorder plus d’importance à l’éducation corporelle à l’école en reconnaissant son rôle clé pour l’épanouissement et l’émancipation des élèves est urgent. »
À la sédentarité, cette nouvelle « addiction à la chaise », s’ajoute une autre problématique. L’Onaps (Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité en France) estime que le temps passé couché ou assis, notamment à l’école, et devant les écrans de loisirs, représente 55 % de la journée pour les enfants du primaire et 75 % pour des adolescents de 14-15 ans.
Le rôle de l’Éducation Physique et Sportive (EPS) au sein de l’Éducation nationale est primordial et mérite d’être renforcé. « Faire bouger pour faire bouger » ne suffit pas. C’est une discipline scolaire avec des apprentissages fondamentaux permettant d’acquérir une véritable culture motrice. Il s’agit de socialiser les élèves à travers une vision holistique de la santé : physique, mais aussi psychologique et sociale.
Pour permettre une EPS de qualité, il est urgent d’envisager une politique globale donnant accès à des installations sportives rénovées et de proximité, une augmentation du volume horaire dédié à l’EPS en formation initiale et continue pour les professeurs des écoles, des moyens humains et financiers dans les établissements scolaires (particulièrement dans le premier degré, ou encore au lycée au moment où les jeunes décrochent fortement de la pratique sportive). Accorder plus d’importance à l’éducation corporelle à l’école en reconnaissant son rôle clé pour l’épanouissement et l’émancipation des élèves est urgent.
« L’EPS, variable d’ajustement des programmes »
Pourtant, avec trois heures par semaine, l’EPS représente en volume horaire théorique la troisième discipline à l’école après les mathématiques et le français et concerne tous les élèves à l’exception regrettable des enfants en situation de handicap, trop souvent dispensés. Dans la pratique, le temps moyen consacré à l’EPS est d’environ 1h50 et non de 3 heures car l’EPS est souvent considérée comme une variable d’ajustement des programmes.
L’utilisation inadaptée du « sport à l’école », de même que la confusion apportée par les « 30 minutes d’activité physique quotidienne », tendent à déconsidérer les apprentissages fondamentaux visés en EPS, et plus largement la place du corps et du mouvement à l’école.
En France, cela reviendrait à concevoir des programmes d’EPS sur un continuum, de l’école maternelle à l’université, permettant l’alphabétisation physique de tous les élèves dans l’idée de les rendre acteurs de leur santé physique, mentale et sociale. Les 35 000 enseignants d’EPS, ainsi que les professeurs des écoles et les enseignants en STAPS, ont un rôle majeur à jouer dans l’éducation à un engagement durable dans des activités physiques et sportives.
Il est nécessaire de distinguer l’enseignement de l’« EPS obligatoire » dû à tous les enfants de la République, du « Sport » pratiqué hors de l’école, dépendant de l’environnement culturel, du temps et des moyens financiers dont les familles disposent pour pratiquer un « sport » et y impliquer leurs enfants.
Renforcer l’EPS à l’école, c’est garantir une égalité d’enseignement à l’échelle du territoire national. Renforcer l’EPS à l’école, c’est rassembler des jeunes de milieux sociaux différents autour des valeurs de l’école de la République. Rappelons que de nombreux enfants n’ont d’autre expérience sportive qu’au travers de l’EPS et du sport scolaire.
C’est à l’école que tout commence.
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