JO Paris 2024 : L’école Louis-Lumière expulsée par les jeux, les étudiants demandent la démission de leur direction

L’école Louis-Lumière expulsée par les jeux, les étudiants demandent la démission de leur direction
Le HuffPost L’école Louis-Lumière expulsée par les jeux, les étudiants demandent la démission de leur direction

JO PARIS 2024 - Une « victime collatérale de l’arrivée du Village olympique ». Voici comment le directeur de l’École nationale supérieure Louis-Lumière a résumé la situation de son école, à quelques mois d’un déménagement provisoire des locaux pour laisser place au village des athlètes à Saint-Denis (Seine Saint-Denis) en 2024. Un déménagement qui, en plusieurs étapes, a fait éclater une crise latente au sein du prestigieux établissement.

Dès le départ, le projet suscitait une levée de boucliers. En février dernier, une forte mobilisation étudiante exigeait le retour de l’école à la Cité du Cinéma une fois les Jeux Olympiques terminés, au lieu du plan initial : s’installer définitivement dans les anciens locaux d’un l’établissement privé de cinéma, l’EICAR. Un choix dicté également par la nécessité : le loyer de la Cité du Cinéma serait trop élevé pour l’école.

Les rassemblements étudiants, soutenus par des députés, des élus locaux et des professionnels du milieu du 7e art, avaient alors débouché sur une tribune dans Libération qui s’inquiétait de toutes ces « relocalisations successives ». Une pétition avait également vu le jour, récoltant plus de 11 000 signatures.

Devant la mobilisation, la direction s’est résolue à annoncer mi-avril le retour de l’ENS Louis-Lumière à la Cité du Cinéma pour janvier 2025, en obtenant « une baisse conséquente » du loyer auprès de la Caisse des dépôts. Mais la relocalisation temporaire continue alors d’inquiéter, et l’intersyndicale des personnels ne donne plus sa confiance à la direction. Le 27 septembre la crise atteint son paroxysme : lors d’une assemblée générale, le syndicat étudiant de Louis-Lumière (UNEF) exige la démission de l’équipe de direction.

Informations « approximatives » et « chaotiques »

Ce qui nourrit la défiance, c’est une impression de flou total autour de la période hors-les-murs qui va durer toute l’année 2024. L’intersyndicale ENS Louis-Lumière, qui représente entre autres un tiers des enseignants, regrette de ne « pas avoir été consultée pour le choix des lieux »,et pointe du doigt « les informations sans cesse approximatives et chaotiques qui leur ont été transmises » par la direction à l’approche du déménagement.

Le directeur, Vincent Lowy, leur réplique que « les enseignants sont parfaitement au courant » et explique avoir présenté aux étudiants la cartographie des installations temporaires en toute transparence. En 2024, l’école sera donc répartie entre Saint-Denis et le 19e arrondissement de Paris, ainsi que sur plusieurs sites ponctuels pour les laboratoires argentiques ou les studios de mixage. Plusieurs points demeurent encore incertains, notamment la possibilité pour les élèves de réaliser des projets hors cursus pendant cette année hors-les-murs.

C’est dans ce contexte que l’équipe pédagogique a aménagé la maquette des cours pour les étudiants en première et deuxième années. Pour les enseignants interrogés par le HuffPost, « les installations temporaires rempliront leur fonction tant bien que mal », mais ils estiment aujourd’hui « ne plus avoir les moyens de travailler dans une atmosphère sereine ». Loin s’en faut.

« Un climat de terreur »

À Louis-Lumière, la « gestion chaotique, opaque et autoritaire de la direction », débouche sur un « turn-over hallucinant du personnel administratif » et « un dénigrement chronique des enseignants » : c’est le verdict sans appel qui est partagé par les enseignants et les étudiants syndiqués. Depuis 2021, 17 administratifs sur 32 sont partis dans le cadre de licenciements, de départs négociés ou de cessations de CDD. « Je n’ai jamais vu autant de départs, » confirme au HuffPost un membre de l’intersyndicale qui y enseigne depuis plus de 10 ans.

Interrogés par Le HuffPost, ils sont nombreux à avoir évoqué une peur des représailles. Lors d’une réunion, le directeur les aurait informés d’une enquête sur la « déstabilisation » de l’école. Il aurait cité comme exemple la pétition s’opposant au déménagement définitif de Louis-Lumière. « Je n’ai jamais dit ça », a rétorqué de son côté Vincent Lowy au HuffPost.

Ce qui est certain en revanche, c’est que début octobre une huissière de justice est venue constater sur le campus des affiches à caractère potentiellement « menaçant » selon Vincent Lowy, affiches dont vous pouvez voir un exemple ci-dessous. « On flippe carrément, il y a vraiment un climat de terreur, » explique un étudiant membre de l’UNEF Louis-Lumière, qui redoute que la direction « monte des dossiers sur les étudiants. »

Une des affiches réalisées par les étudiants membres de l’UNEF Louis-Lumière en octobre 2023.
UNEF Louis-Lumière Une des affiches réalisées par les étudiants membres de l’UNEF Louis-Lumière en octobre 2023.

Déjà en pleine tourmente, la direction évoque désormais un rattachement à l’université Gustave Eiffel une fois les JO terminés. Rien n’est acté, mais pour les étudiants ces déménagements successifs cachent « un projet politique ». « Déménager dans des locaux qui coûtent moins cher est un moyen de faire baisser le coût par étudiant, » explique l’UNEF, souhaitant « que des écoles gratuites et publiques comme la nôtre avec des infrastructures aussi techniques puissent continuer à exister ». L’été 2024 n’est pas encore arrivé, mais pour Louis Lumière les épreuves ont déjà commencé.

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