JO de Paris 2024 : Charlotte Lembach, souffrant d’endométriose, raconte le défi d’avoir ses règles lors des Jeux

La Française Charlotte Lembach (ici tout à droite) célèbre avec ses coéquipières sa victoir lors de la demi-finale du sabre féminin par équipe aux Jeux Olympiques de Tokyo, en 2021.
FABRICE COFFRINI / AFP La Française Charlotte Lembach (ici tout à droite) célèbre avec ses coéquipières sa victoir lors de la demi-finale du sabre féminin par équipe aux Jeux Olympiques de Tokyo, en 2021.

SPORT - « Je ne suis pas folle ! » Voici la première chose qu’a pensée Charlotte Lembach, sabreuse de l’équipe de France qui a renoncé aux JO de Paris 2024 pour se consacrer à sa maternité, lorsque les médecins lui ont annoncé qu’elle souffrait d’endométriose, en mai 2023. Un diagnostic tombé très tard dans sa carrière. Or avant cela, l’athlète a dû prendre sur elle pendant une dizaine d’années pour affronter cette maladie qui la fait vomir et s’évanouir.

JO de Paris 2024 : pour les sportives, les règles sont un défi supplémentaire pour viser des médailles

Dès ses premières règles, à l’âge de 10 ans, Charlotte Lembach se rend bien compte que quelque chose cloche. À chaque cycle, elle fait des malaises vagaux et les douleurs sont si vives qu’elles l’empêchent d’aller à l’école. « Mais on était dans les années 1997-1998, on ne parlait pas de ces choses-là », regrette la championne d’escrime aujourd’hui âgée de 36 ans. Pour atténuer ses douleurs, les médecins lui conseillent de prendre la pilule. Et c’est tout.

Reléguant ses symptômes à un « problème féminin » parmi tant d’autres, Charlotte Lembach se consacre pleinement à sa carrière de sportive de haut niveau et s’adapte tant bien que mal aux douleurs, un rien atténuées par la prise du contraceptif.

Avoir ses règles le jour des JO

Pourtant, à chaque cycle menstruel, les entraînements deviennent une épreuve. « Je limitais les séances pour éviter de me blesser. Sur six heures d’entraînement, j’en faisais la moitié, deux ou trois heures max », relate la championne du monde 2018 de sabre par équipes. Si elle considère que le sujet des règles était tabou dans sa fédération, et le reste encore aujourd’hui, elle ne s’est jamais privée d’aborder le sujet : « Je n’avais pas honte de dire à mon entraîneur : “Stop, j’ai mal”. Généralement quand je parlais aux membres du staff de mes douleurs, ils étaient plutôt compréhensifs. »

Le pire, ce sont bien évidemment les compétitions, intransigeantes, et dont les règles sont immuables, même face aux problèmes de santé.

Peu de temps avant les Jeux olympiques de Tokyo, décalés à 2021 à cause de la pandémie de Covid-19, Charlotte Lembach a cessé de prendre sa pilule pour tenter d’avoir un enfant. Quand elle avoue à ses coéquipières que, selon ses calculs, ses règles vont tomber pile le jour de leur compétition, elles paniquent. Toutes ont conscience que lorsque l’on a ses règles, on a davantage envie de rester au fond de son lit que de se battre toute la journée avec un sabre.

Pas de chance : le sang coule pile le jour de l’épreuve olympique. « Avec l’adrénaline et l’émotion, je ne sentais plus la douleur, mais mon état de fatigue était tel que je n’étais plus concentrée, ni même vraiment lucide sur ce que je faisais », se souvient la jeune femme, qui aurait mérité l’or de la détermination. « Je trouve ça drôle maintenant de me dire que personne ne se doutait que je n’étais pas dans les meilleures conditions pour remporter une médaille aux JO. Et pourtant, on l’a fait ! »

« Je me disais que c’était dans ma tête. »

Mais parfois, l’adrénaline n’est pas assez forte pour masquer les symptômes. « Lors d’une compet’ en octobre 2023, j’ai eu mes règles et j’avais une envie irrépressible de vomir. J’ai essayé d’adapter mon match en appelant le médecin, en faisant des pauses, en travaillant sur ma respiration pour pouvoir le terminer. J’ai eu très peur d’abandonner », décrit Charlotte Lembach, qui insiste sur le fait que « gérer ses règles en plus du stress inhérent à la compétition, c’est très dur psychologiquement ».

Mais si l’escrimeuse strasbourgeoise a minimisé les problèmes liés à son cycle menstruel pendant plus de dix ans, ce n’est pas parce qu’elle est têtue. C’est surtout la faute à un mauvais suivi médical. « J’avais déjà fait des recherches sur cette maladie, l’endométriose. Mais comme mon gynéco ne m’en parlait pas et ne m’avait jamais fait faire les tests, je me disais que c’était dans ma tête… », explicite-t-elle.

Elle continue alors de « faire avec » jusqu’au jour où, après les Jeux de Tokyo, l’envie de fonder une famille avec son compagnon devient trop urgente. Sauf qu’après deux ans et demi d’essais, Charlotte Lembach n’est toujours pas enceinte. Le couple décide de faire une batterie de tests pour connaître l’origine du problème. Et en mai 2023, la sentence tombe enfin : Charlotte Lembach est atteinte d’endométriose, une maladie qui peut rendre infertile. « Ça a été un immense soulagement de savoir que j’étais malade », s’exclame-t-elle le sourire dans la voix, admettant le paradoxe de cette phrase.

Des entraîneurs « 100 % masculins » encore trop peu sensibilisés

Avant même que le couple entame un protocole de procréation médicalement assistée, Charlotte Lembach se retrouve « miraculeusement » enceinte début 2024. Logique dès lors de renoncer aux Jeux olympiques de Paris pour leur préférer « la plus belle nouvelle » de sa vie. Malgré tout le bonheur que lui procure cette grossesse, l’escrimeuse regrette de ne pas avoir été diagnostiquée beaucoup plus tôt : « Si je l’avais su, j’aurais pu congeler mes ovocytes et anticiper la conception de ma famille. »

D’autant que pendant toute sa carrière, Charlotte Lembach s’est sentie trop peu écoutée. « Je suis dans un sport où 100 % du staff est masculin et, pour eux, le cycle menstruel n’est pas quelque chose d’important dans la performance pure », déplore-t-elle. Et de lancer un appel à « une meilleure sensibilisation du staff de la fédération, des entraîneurs et de l’équipe médicale qui nous encadre » pour que tous « prennent plus en considération les spécificités de la femme ».

Car pour l’heure, les entraîneurs n’osent pas poser de question et les sportives ont peur de leur réaction. Résultat : les règles sont encore « un gros tabou » en 2024 dans le sport de haut niveau. « Quand les jeunes filles arrivent en pôle France à 16-17 ans, elles n’ont pas envie de parler de leurs règles parce qu’elles ont peur que ce soit considéré comme une faiblesse », considère Charlotte Lembach qui fait désormais de sensibilisation auprès de ses coéquipières. « Je leur dis que si elles ont mal ce n’est pas normal. Je veux aider les femmes se fassent aider pour qu’elles aillent chercher des médailles aux JO de Paris, mais aussi pour qu’elles s’épanouissent dans leur vie », conclut avec une volonté de fer la vice-championne olympique.

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