JO 2024 (triathlon): non-sélectionné, Vincent Luis "respecte la décision" mais dénonce "un manque de clarté et d'honnêteté"
Dorian Conninx, champion du monde 2023, Léo Bergère, champion du monde 2022, et, Pierre Le Corre, représenteront la France à Paris. Une incertitude plane toujours autour de Dorian Conninx blessé au mois de mai après une chute à vélo au Japon. Le Corre a été le seul à avoir réalisé les critères demandés par la Fédération, "les autres sportifs ont été choisis sur un choix discrétionnaire qui s’appuie notamment sur l’analyse des résultats obtenus entre mai 2022 et mai 2024", a expliqué le DTN. Après une année 2023 quasi blanche en raisons de blessures, et à bientot 35 ans, Vincent Luis, le double champion du monde, a d'abord réagi sur ses réseaux sociaux, dénonçant "un choix totalement discrétionnaire et arbitraire", avant de revenir pour RMC Sport sur cette décision. Le plus grand palmarès du triathlon français "respecte cette décision" et ne la constestera pas. Mais il regrette la manière, "le manque de clarté et d'honnêteté".
Comment avez-vous appris la nouvelle?
J'ai reçu un coup de téléphone hier (mardi) à la mi-journée, comme tout le monde. J'estimais mes chances de faire partie de cette sélection à 50-50. J'étais assez clairvoyant et honnête avec moi même pour savoir que ma saison de l'année dernière ne jouait pas en ma faveur. Mais j'espérais qu'avec les résultats que j'avais fait cette année plus les circontances malheureuses de certains athlètes, une porte allait pouvoir s'ouvrir pour moi. En fin d'année dernière, j'avais appelé le directeur de la performance et je lui avais clairement dit que je ne me sentais pas légitime pour faire partie de cette équipe de France olympique, mais que je construisais mon retour et que j'allais être là et en forme au mois de mai. Et après ces deux dernières courses du Japon et de l'Italie je l'ai recontacté en lui disant que j'avais fait ce qu'il m'avait demandé et que maintenant j'étais là... Donc quand j'ai reçu cet appel j'étais forcément un peu déçu, mais j'ai respecté cette décision.
Vous pensiez pouvoir faire partie des trois sélectionnés?
J'estimais quand même avoir mes chances d'être dans les trois meilleurs français, les trois français les plus performants dans un peu moins de sept semaines. Après, j'ai accepté la décision qui a été prise et je n'ai aucune aigreur, aucun problème avec les athlètes ou avec la décision qui a été prise. Je la respecte. Le seul truc qui me qui me déplaît un petit peu, c'est la manière dont ça a été fait et surtout le manque de clarté et d'honnêteté. Il y a des discours différents qui ont été tenus à un athlète comme Dorian (Conninx) et le discours qui m'a été tenu. C'est ça qui me qui me chagrine le plus. C'est une fédération pour laquelle j'ai couru depuis vingt ans maintenant, et j'ai toujours fait tout ce qu'on m'a demandé de faire. Quand il a fallu serrer les paluches pour les sponsors ou aller demander de l'argent aux instances, qui est-ce qu'on envoyait, c'était Vincent. Je n'ai jamais eu de problème à le faire, j'ai toujours essayé d'agir dans l'intérêt de la Fédération. Je trouve qu'il y a un petit manque de respect par rapport à tout ça. Je ne pense pas que ce que j'ai pu faire en tant que triathlète français justifie une sélection, ce n'est pas du tout la question. Mais ça aurait justifié plus de respect envers les athlètes. Car là on parle d'une sélection qui est actée, alors qu'à moi on me dit que c'est une sélection qui est sous réserve du médical (ndlr: la blessure de Dorian Conninx) et de l'aptitude à performer dans les semaines qui arrivent. Donc les discours ne sont jamais les mêmes et je trouve ça très dommage. Il y a un flou qui est laissé sur ce qui est attendu, que ce soit médicalement ou en termes de performance. Ce qui me désole un petit peu c'est le manque de transparence et d'honnêteté avec des athlètes qui ont représenté la France au plus haut niveau depuis des années.
C'est-à-dire que là ce mercredi soir, vous êtes encore un peu dans le flou? De vous dire est-ce que je reste concentré sur les Jeux au cas où Dorian Conninx n'est pas rétabli?
Exactement. Je leur ai dit que si les critères de validation de sélection d'un athlète blessé ne sont pas clairs, on ne peut pas parler de performance dans six ou sept semaines. Pour moi comme pour lui, et c'est ça qui me dérange. Même pour lui, si on lui dit tu es sélectionné, mais dans cinq jours il a une imagerie médicale à faire et de mon côté, on m'a dit, si l'imagerie ne convient pas au docteur de la fédération, sa position d'être sélectionné lui sera retiré. Ca c'est une communication que la Fédération n'a pas avec les médias, et c'est ça qui est très, très dommage. Je me demande si on n'est pas en train de me mener en bateau. Je leur ai dit que si il n'y a aucune chance que je sois pris pour les JO autant qu'ils me le disent et au moins je peux dormir en paix avec ça, me préparer pour la course d'Hambourg qui est dans cinq semaines et puis voilà... Parce que Paris c'est une course qui est spécifique. On va nager contre le courant, on va rouler sur des pavés, c'est des trucs que moi je veux préparer. En fait, c'est le manque de clarté. J'estime être encore dans la course, maintenant je souhaite de tout cœur que les gars performent, que Dorian ça se passe bien et qu'il aille aux Jeux, que les gars fassent des médailles. Comme je l'ai dit au directeur de la performance, ce que je veux c'est qu'on envoie la meilleure équipe de France aux Jeux. Pour eux, que ce soit Vincent Luis, Dorian Conninx, Léo Bergère qui ramène une médaille, le tableau des médailles aura marqué une et il y aura pas marqué un nom à côté. Je comprends les instances et le fait que au final il faille amener la meilleure équipe de France. Mais maintenant il faut s'offrir des garanties, il faut que les garanties elles soient claires pour tout le monde et qu'on avance tous dans le même sens.
Comment vous décririez votre état d'esprit ce soir?
Je ne suis pas frustré, je ne suis pas en colère. Je ne suis pas déçu de ma non-sélection, mais je suis déçu du manque de reconnaissance et de respect. La décision, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je l'accepte. D'ailleurs je pourrais faire appel de cette décision mais je ne le fais pas, parce que je veux que les athlètes se préparent en toute sérénité. Parce que ces gars là, au-delà d'être des gars avec qui je cours, ce sont mes potes. Ce que je ne veux pas, c'est que ma démarche pour avoir plus de clarté elle impacte leurs performances. J'aurais dû être meilleur, j'aurais dû m'affranchir de leur décision pour pouvoir avoir un mot à dire, mais je ne ferai pas appel. En revanche, j'ai légitimement le droit d'exprimer publiquement que je suis déçu de la façon dont ça s'est passé. Et avant de m'exprimer sur mes réseaux comme je l'ai fait aujourd'hui, et auprès des médias comme je le fais maintenant, je leur ai dit. J'ai été transparent avec eux.
Ca veut dire que pour vous, sportivement la décision de cette sélection vous semble juste vu ce qu'il s'est passé ces deux dernières saisons?
Ce n'est pas à moi de juger la justesse de la décision puisque comme je l'ai dit elle est discrétionnaire, elle est basée sur les deux dernières années. Ca remonte au début de la période olympique. J'ai très bien performé sur la première période olympique, grosso modo en 2022. En 2023 la seule course que j'ai fait, j'ai bien performé puisque j'étais premier français. Ensuite j'ai arrêté de courir car j'étais blessé. Sur le début de cette saison 2024 qui compte toujours pour moi dans les deux dernières années, je suis deuxième français du ranking mondial et j'ai couru les courses qu'on m'a demandé de courir. En gros la balance pour moi était de plus ou moins 50%. Mais avec cette condition médicale d'un des athlètes qui fait que je me dis que peut-être que ça balance plus de mon côté. Je ne juge pas la justesse d'une décision parce que ce n'est pas moi qui prend les décisions, et j'aurais pu m'en affranchir. Quand il y a des décisions, il y a des déçus et chacun voit la justice par sa fenêtre. Si j'avais été pris, Dorian l'aurait trouvé injuste. Là je ne suis pas pris et peut-être que je la trouve injuste. Mais j'ai vu assez de décisions prises par les instances fédérales, dans d'autres sports aussi, qui me font amener de me dire que la justice, ça dépend d'où on la regarde. Il y a toujours un côté qui va nous paraître injuste.
Est ce que les critères de sélection n'étaient pas assez clairs?
Je pense que les critères étaient bien écrits, c'était assez dur et ils ont été respectés en plus. Un gars comme Pierre Le Corre, il les a remplis les critères. Il a validé son ticket et s'est affranchi de toute décision discrétionnaire. Il y a eu ce côté discrétionnaire où on a été trois dans le même panier avec Léo Bergère, Dorian Conninx et moi-même. Les critères ont été bien écrits. Je pense que la fédération a fait un excellent boulot là-dessus. La sélection pour moi n'est pas remise en cause. Je ne pourrais pas me lever de la table et regarder les autres dans les yeux et leur dire: "Dans six semaines, je vais être plus fort que vous". Donc à partir du moment où je ne me sens pas capable de le faire, je ne peux pas aller voir le DTN en lui disant: "T'aurais dû me prendre parce que je vais être meilleur que les gars dans six semaines". Et je pense que tous les autres gars, pour les connaître un peu, pensent pareil. J'en ai discuté avec le directeur de la performane et il m'a dit de toute façon les quatre en fin de compte, les niveaux sont tellement serrés, il n'y a personne qui survole. C'est comme ça, et encore une fois ce n'est pas à moi de juger. Ca a été tranché et cette décision elle est respectée maintenant. La communication a été maladroite et surtout elle continue de l'être. C'est ça qui est malheureux pour les athlètes qui sont un peu coincés au milieu.
Comment voyez-vous les prochains jours, les prochaines semaines?
Je suis arrivé lundi à Font Romeu. Il y a aussi Léo Bergère et les trois filles, Emma (Lombardi), Cassandre (Beaugrand) et Léonie (Periault). Donc on se croise dans la piscine tous les matins. Il y a Dorian (Conninx) qui arrive dans cinq jours il me semble et Pierre (Le Corre) qui doit pas tarder aussi. Mais entre nous il n'y aura pas de problème. On partage les lignes d'eau à la piscine et on ne va pas s'arrêter sur un truc comme ça alors que ça fait dix ans qu'on se connaît. Je ne me sens pas supérieur à n'importe quel athlète et du coup il n'y aura pas de soucis. Je n'ai pas de rancœur envers qui que ce soit, pas même envers la Fédération ou le directeur technique. Je suis avec mon groupe, je m'entraîne, la vie continue. Le soleil, il continuera de se lever tous les matins avec ou sans Vincent Luis! Tu ne peux pas te me refondre pendant 107 ans. La course d'Hambourg va arriver dans cinq semaines, derrière j'ai la Super League et une autre course en Chine avant la grande finale qui sera ma dernière course avec le maillot de l'équipe de France. Je vais doucement faire la transition vers des distances un petit peu plus longues. Il me reste grosso-modo quatre ou cinq ans à faire en triathlon, je pense que ce sera déjà bien. J'ai reçu énormément de soutien et j'ai surtout demandé aux gens d'être très bienveillants dans leur commentaires. On ne cherche pas à choisir un côté ou un autre. On cherche juste que tout le monde performe à Paris dans quelques semaines. Je suis serein sur ce qu'il s'est passé, ce qui va se passer. Je n'ai pas de problème à me dire que si je ne suis pas au départ des Jeux parce que je ne suis pas un des trois meilleurs français, c'est comme ça.
Ça veut dire que la page Paris 2024 ne sera tournée qu'une fois la confirmation ou non que Dorian Conninx est apte après sa blessure?
J'ai fait le choix de me dire: 'Prépare toi pour le pire, espère le meilleur'. Pour moi les Jeux sont terminés, la page elle s'est fermée. Maintenant si elle se rouvre dans les dix prochains jours, je pense que j'aurai une chance d'y performer. Mais si elle se rouvre à dix jours de l'échéance, ce ne sera pas pareil. Mais dans tous les cas, j'ai toujours été là quand l'équipe de France avait besoin de moi et si elle a encore besoin de moi, je serai là.