JO-2024: malgré sa personnalité controversée, Coubertin entre au Grévin

Père des Jeux olympiques modernes créés en 1896, mais aussi connu pour sa misogynie et ses propos racistes, Pierre de Coubertin va faire son entrée au Musée Grévin à Paris.

La statue du baron français, actuellement en cours de réalisation dans des ateliers du XIIIe arrondissement, devrait intégrer le musée en juillet, avant le coup d'envoi des Jeux olympiques de Paris (26 juillet-11 août).

Pierre de Coubertin, né en 1863, convaincu des vertus du sport, avait eu l'idée de faire renaître les Jeux olympiques de la Grèce antique.

La première édition des JO modernes a eu lieu à Athènes en 1896, avec seulement 300 athlètes, exclusivement des hommes, quatorze pays et trois continents représentés, et neuf sports au programme. Deux ans plus tôt, le baron avait fondé le Comité international olympique (CIO).

- "Mauvais signal" -

Connu comme l'auteur de la maxime "L'important c'est de participer" - en réalité, elle lui a été inspirée par un sermon de l'évêque de Pennsylvanie Ethelbert Talbot, lors des JO de Londres en 1908 -, Coubertin a depuis vu sa réputation assombrie par ses opinions. Il est d'ailleurs peu mis en avant dans la communication des organisateurs des Jeux de Paris.

Concernant la décision de son entrée au Grévin, Yéléna Mandengué du collectif féministe #NousToutes, déplore vendredi "un mauvais signal, c'est une ultime mesure de violence contre les femmes". Le collectif appelle le musée à revenir sur sa décision.

"Il y a d’autres figures qu’un baron misogyne et raciste qui pourraient être célébrées à l’occasion des Jeux Olympiques", a-t-elle ajouté, citant Alice Milliat, pionnière française du sport féminin ayant organisé en 1922 à Paris les premiers JO féminins et qui s'était opposée à Pierre de Coubertin.

Ce dernier estimait notamment que "les Jeux olympiques doivent être réservés aux hommes". "Une Olympiade femelle serait inintéressante, inesthétique", jugeait-il, selon une notice biographique publiée par la Ville de Paris.

Dans ses mémoires, il se décrivait par ailleurs comme "un colonialiste fanatique".

"Les races sont de valeur différente, et à la race blanche, d'essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance", estimait celui qui est mort en 1937, un an après les JO organisés à Berlin en 1936 par le régime nazi, auxquels il était favorable mais n'y a pas assisté.

- Panthéon -

"Il a évolué tout au long de sa vie, il a souvent changé d'avis. Mais il est beaucoup plus complexe que les quelques phrases qu'on ressort à chaque fois", a nuancé son arrière-arrière-petite nièce, Diane de Navacelle de Coubertin, auprès du journal Le Parisien.

"On le réduit à des écrits qui choquent avec notre regard d'aujourd'hui. À l'époque ils ne choquaient pas", a-t-elle argué.

Sollicité par l'AFP sur ce choix de Coubertin, le musée Grévin n'a pas donné suite.

Bien avant sa représentation en statue de cire, la question de la panthéonisation du baron s'est également posée, encouragée notamment en 2022 par le champion olympique du 110m haies et ancien ministre Guy Drut, et l'écrivain Erik Orsenna.

"Les héros d'une nation peuvent émerger de n'importe quelle activité d'exception", disait Orsenna dans une interview à Paris Match à l'époque, expliquant que "(s)a jeunesse a été bercée par des héros qui venaient du domaine artistique, scientifique, sportif".

Ce serait bien "que l'esprit olympique entre au Panthéon", avait ajouté Guy Drut.

Le président du CIO Thomas Bach avait lui-même apporté son soutien à cette idée, appuyant dans l'Equipe "une initiative excellente qui mérite pleine réussite".

A l'époque, l'ancien athlète et l'académicien avaient adressé une lettre au président de la République Emmanuel Macron. Sans succès selon le quotidien sportif.

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