JO 2024: Léon Marchand future star des Jeux? "Je me prépare physiquement et mentalement pour ça"

Léon, ce début de saison a été plutot perturbé pour vous, avec notamment une opération des dents de sagesse...

Cela a été une saison avec des hauts et des bas... Avec plus de bas que de hauts contrairement aux autres saisons. On a repris tranquillement mi-août avec un premier mois assez facile. Après septembre, on a commencé à nager avec beaucoup de volume et beaucoup d'intensité, un peu plus tôt que les autres années en vue des JO. Je nageais plutôt bien, j'avais des temps assez corrects et même des très bons temps en grand bassin. Mais je tombais tout le temps malade, je n'ai pas fait une seule compétition au top de ma forme et en bonne santé. C'était un peu difficile mais j'étais patient et je pensais que ça allait passer. Et lors premier test du premier semestre, la compétition de mi-saison où on se prépare un peu et où on essaye de faire nos meilleurs temps, je suis tombé malade la veille... Avec de la fièvre etc... J'ai essayé de faire un 400 4n, mais ça ne s'est pas très bien passé (rire), j'étais à dix secondes de mon meilleur temps. Mon coach m'a dit de rentrer. Et je me suis fait opérer des dents de sagesse, pour essayer de réduire un peu l'inflammation de mes sinus. Donc fin novembre, il a fallu un peu reprendre à zéro, et surtout rester en bonne santé. Ça a été difficile pendant les deux, trois premières semaines. J'étais loin de mon niveau dans l'eau. Et puis tout le monde faisait des compétitions, tout le monde était un peu affûté, faisait des bons temps et moi j'étais là à m'entraîner un peu tout seul. Donc ça n'a pas été facile.

Dans une préparation d'une année aussi importante, est-ce qu'on se dit que ça va un peu amputer la préparation ? Quels étaient les premiers sentiments quand vous avez dû passer sur la table d'opération ?

C'est ça qui était dur, de se dire que s'il y avait une année où il ne fallait pas tomber malade, c'était cette année (rire) ! Donc forcément, c'était un peu dur. Surtout d'être tout seul, de reprendre à zéro tout l'entraînement. J'y ai pensé au début et après je me suis dit que j'avais encore beaucoup de temps avant les championnats de France et les Jeux. Je me suis juste remis à nager tranquillement, à travailler sur d'autres trucs, sur ma technique. L'intensité n'était pas forcément là au début, mais c'est venu après au fur et à mesure du mois de décembre. Mais oui... Le mois de novembre n'a pas été facile !

Ça a été une surprise de retrouver ce niveau de performance sur les PAC 12 où vous avez décroché 3 victoires individuelles et un record NCAA sur le 500 yards ? (les compétitions universitaires US se déroulent en bassin de 25 yards, soit 22,86m, NDLR)

Non je sentais que c'était revenu. Mais j'ai eu une bonne surprise sur la partie crawl, j'ai vraiment fait des bons temps en crawl, ma nage est un peu différente, je prends plus d'eau qu'avant. Je perds moins de l'énergie, je suis plus efficace. Je savais que je m'étais un peu amélioré quand même parce que j'avais mis mon focus sur le crawl parce que je pense que c'est une nage où je peux vraiment m'améliorer. Mais le reste je n'ai pas été surpris parce que je sentais que j'avais bien retrouvé mon niveau.

Votre statut a aussi beaucoup changé aux Etats Unis, où certains ont renommé la "March Madness" la "MarchAND Madness"... ("March Madness" signifie "la folie du mois de Mars", nom donné à cette période sur laquelle se déroulent les finales de tous les sports universitaires aux USA, NDLR)

Je ne suis pas très populaire je pense aux US. Après c'est vrai que dans le milieu de la natation en ce moment, ça parle beaucoup de moi parce que j'ai fait le 500 yards, je fais un peu d'autres épreuves, j'essaie de changer un peu. Je pense que les Américains ils adorent ça, le show. Et puis on a tout gagné avec notre équipe cette année donc on est un peu sous les feux des projecteurs. On est les favoris. Ça va être un spectacle.

Et vous aimez bien ce côté spectacle, le show sur ces compétitions ?

Pas forcément. Là je le prends à la rigolade, je trouve que c'est fun. Mais dès que je dis quelque chose il y a tout le monde qui en parle dans les médias spécialisés natation aux Etats Unis. Dès que je fais un truc à l'entraînement, on en parle. Je le prends vraiment à la rigolade. Ce n'est vraiment pas important pour moi et c'est bien parce que ça fait vivre un peu le sport tous les jours en dehors des compétitions. Mais non, de base je ne suis pas trop comme ça, je n'aime pas trop être sous les projecteurs. Mais là c'est avec l'équipe aussi donc c'est différent. Et là je le vis plutôt bien.

On a vu des articles aux Etats Unis sur vous après avoir réalisé le "one stroke chalenge" (réaliser un 50 yards avec un seul mouvement de nage et aller le plus vite, NDLR) ou encore qui cherchaient à savoir si vous étiez préparé sur la dernière compétition...

Voilà c'est ça. C'est tout bête, j'étais à la fin de l'entraînement et j'ai proposé un petit challenge et on l'a fait. Et au final quelqu'un l'a filmé et l'a envoyé aux médias. C'est ce genre de truc qui fait que j'ai l'impression que mon statut a changé. Parce que tout le monde réagit. Beaucoup trop je trouve d'ailleurs (rires). Sur les Pac 12 la semaine dernière, les gens essayaient de trouver si je m'étais rasé ou pas (rire) (ndlr : le rasage en natation se fait sur les compétitions où les nageurs sont préparés, sur les grands rendez-vous). Il y a des nageurs qui restaient fixés sur mes jambes pour voir si il y avait des poils ou pas ! C'était drôle. Moi j'ai gardé le secret mais bon je pense que tout le monde savait. Non, je n'étais pas rasé. J'étais préparé, on avait fait une semaine et demi de récupération. Donc j'étais préparé mais pas rasé. Je preférais le garder pour les NCAA.

View this post on Instagram

! 🐚🐪

A post shared by Viktorija Burakauskas (@toribur) on Jan 21, 2020 at 8:43am PST

Vous n'avez pas souhaité mettre les cours (d'informatique) de côté sur cette année olympique ?

Je l'ai déjà fait l'année de Tokyo (2021) parce que j'avais fini mon bac. Je voulais me préparer vraiment pour les Jeux et en fait, mentalement ce n'était pas facile de faire tout le temps de la natation sans jamais aller en classe, sans jamais penser à autre chose. Donc j'ai décidé de faire un truc un peu plus équilibré cette année. Et comme ça je ne perds pas non plus un semestre pour mon diplôme ! Là sur ce semestre, j'ai réduit les cours pour essayer de me coucher un peu plus tôt le soir, pour essayer de récupérer un peu mieux. Mais toujours en ayant des cours à côté. Je pense que c'était le bon choix et là j'ai un bon équilibre, j'arrive à bien suivre tout ce qui est examens, tout ce qui est devoirs. Je n'ai pas beaucoup d'heures de cours, une à deux par jours, mais j'ai deux heures de devoirs par jour.

Avec tout ça, les compétitions universitaires, les études... Où se situent les Jeux pour vous en ce moment ? On a l'impression que ça permet de rester loin de tout ça.

Oui c'est un peu le but aussi. J'aurais pu par exemple également passer professionnel cette année, pour justement être plus focus sur les Jeux. Pour nager un peu plus en grand bassin, changer un peu mon année pour être plus préparé pour les Jeux. Mais j'ai décidé de refaire les NCAA parce que justement ça m'occupe l'esprit. Toutes les deux semaines j'ai eu des "dual meet" (compétitions entre deux universités) avec beaucoup d'intensité. J'étais toujours dans une vraie équipe et c'est hyper stimulant pour moi. Les professionnels en ce moment sont en stage en altitude, ils vont y rester cinq semaines. Moi je préfère largement être chez moi à préparer les NCAA (rire). Je trouve que c'est plus le fun. Et puis j'aurai le temps une fois que les NCAA seront terminés, on va se concentrer vraiment sur le grand bain. Donc Paris je l'ai toujours dans la tête forcément, mais ça s'éloigne un peu grâce à toutes ces compétitions.

Est-ce que vous appréhendez le retour en France pour les sélections olympiques lors des championnats de France en (16 au 21 juin à Chartres) ?

Non je n'ai pas peur de tout ça. Je vais être content, je vais être heureux de rentrer chez moi. De revoir ma famille, de passer du temps avec ma famille le temps de la préparation, de m'entraîner avec Nico (Castel son entraîneur à Toulouse). Je suis assez content de pouvoir rentrer, même si c'est un peu tard parce qu'au final je ne rentre qu'une semaine avant les France. Je suis excité à l'idée de rentrer en France et de préparer les Jeux. Je n'ai pas trop d'appréhension.

Vous aviez eu un aperçu l'an dernier à Rennes aux championnats de France...

Ce sera encore différent. Forcément, là j'ai un peu plus d'expérience donc je vais mieux gérer je pense. Je vais essayer d'être un peu plus ouvert sur les rencontres avec les gens. De voir les gens après la compétition, de signer deux trois trucs, de partager un peu plus. Parce que maintenant je pense que je suis prêt, j'ai appris à le faire l'année dernière, donc je pense que je gérerai mieux cette année, avec un peu moins de perte d'énergie aussi. Je pense que j'en ai profité l'an dernier, mais j'étais vachement fermé à l'idée de vraiment rester concentré sur ma compétition, d'essayer de faire les qualifs etc. Le tout sans trop perdre d'énergie. Donc, tout ça c'était vraiment secondaire et ça va rester secondaire. Mais le fait d'être vraiment fermé, je pense que j'ai perdu beaucoup d'énergie et on l'a vu à la fin de la compétition j'avais moins d'énergie dans mes courses, un peu moins le sourire aussi. Donc j'essaye de le gérer différemment. Mais c'est vrai que les championnats de France, ce n'est pas facile pour moi parce que ce n'est plus comme avant. Avant j'arrivais, j'étais inconnu, je faisais mes petites courses, mes petites finales et je rentrais chez moi. Là c'est vrai que c'est pas la même chose !

Et vous aimez bien ça ?

Non, moi je préférerais refaire comme avant, en inconnu (rire). Parce que moi ce que j'aime c'est nager vite et m'éclater dans l'eau. C'est quelque chose que je dois assumer maintenant, ce sont les conséquences et je ne m'en plains pas. Parce que c'est ce que je voulais aussi. L'année dernière ce n'était pas choquant, mais c'était surprenant pour moi. Et cette année ce sera mieux. En fait c'est trop bien, c'est ça qu'il faut dire. C'est trop bien de voir le sourire des gens, de voir que les gens t'attendent à la sortie de la piscine, de voir que tout le monde t'encourage etc... C'est quand même rare dans ce sport aussi. C'est pour ça que j'ai envie d'en profiter encore plus.

Retrouver les camarades de l'équipe de France, c'est important aussi car vous ne les voyez que une ou deux fois par an ?

Oui c'est clair, en plus ils font plein de stages. Moi à l'époque quand j'étais en France on n'en faisait pas souvent. Ils ont l'air de bien s'amuser en plus! Je ne les vois qu'une fois par an et j'ai hâte de les retrouver. On a tous un peu le même âge, on est tous un peu potes et et on s'entend super bien. J'espère qu'il y aura aussi des nouvelles têtes. J'ai toujours hâte de voir le dernier soir des sélections quand on met le t-shirt et on sait qui va aller aux Jeux.

Est-ce que vous arrivez à suivre la préparation des Jeux olympiques en France, avec les polémiques aussi autour de l'organisation ?

Forcément je vois des choses passer. Mais je suis tellement loin, que c'est difficile de s'imaginer déjà mon retour en France, ce qu'il se passe en ce moment, comment c'est organisé, comment les gens réagissent à ça. J'ai vu qu'il y a quand même beaucoup de points négatifs liés à l'organisation des Jeux olympiques, mais aussi beaucoup de points positifs. Mais c'est vraiment difficile de s'imaginer quand on est ici.

Vous avez quand même vu des images du village par exemple ?

Oui je l'ai vu, ça avait l'air très sympa. J'ai vu la piscine pour le plongeon, water polo et natation artistique. Les lits en carton du village olympique je les ai déjà connus à Tokyo et ça va, c'est confortable.

Avez-vous conscience que vous serez l'une des grandes stars de ces Jeux ?

Oui je me prépare mentalement et physiquement pour ça. Je l'ai su depuis que j'ai battu le record de Michael (Phelps sur 400m 4n aux mondiaux de Fukuoka). Tout de suite dans ma tête je me suis dit "bon, les jeux de Paris, ça va être différent de la façon dont je les avais imaginés". Je me prépare tous les jours. Avec mon préparateur mental, on travaille sur l'attente, tout ce qui va être autour de moi pendant ces deux semaines qui vont être assez intenses. C'est un nouveau challenge et c'est une chance surtout. C'est vraiment une chance. J'ai 21 ans, j'arrive vraiment à mon pic dans mon sport. Et les Jeux sont à la maison, donc que demander de plus ? Je ne vais pas me plaindre, je vais me préparer au maximum et je vais profiter quand je serai là-bas.

A quel point vous avez souhaité rester dans votre bulle sur cette année olympique, aux Etats-Unis et loin des sollicitations ?

J'ai toujours été très centré sur la natation. Mais cette année, on a reçu tellement de demandes... Depuis janvier, chaque jour on doit recevoir, je ne sais pas, cinq-dix demandes par mail que ce soient les médias, le sponsoring, des représentations, des événements etc. Ou juste des gens qui veulent des autographes. Et on a tout de suite compris qu'il fallait vraiment qu'on réduise tout ça, parce que ce sont des choses qui m'éloignent de l'entraînement. Quand on me demande d'aller faire une représentation le samedi matin, je ne sais pas où, c'est un moment où je suis censé m'entraîner et ça ne peut pas marcher. Mon emploi du temps est tellement chargé, entre les cours et les entraînements deux fois par jour. Au final je n'ai pas vraiment le temps pour tout ça et je préfère passer mon temps à récupérer dans un bain chaud ou un bain froid, faire des étirements et aller me coucher tôt, que faire des interviews ou des représentations, des événements, etc. Donc c'est pour ça qu'on a décidé vraiment de centrer tout ça. Après ce n'est pas moi qui m'en occupe, c'est donc mon père ou ma mère qui s'en occupent, ou mon avocate. On a un petit groupe, on gère bien tout ça. Moi ça me permet de rester focus sur ce que je sais faire, à savoir nager et essayer de m'entraîner le plus dur possible et de me préparer. Et aussi de suivre mes cours, passer mes examens. Donc c'est plus facile pour moi, c'est plus confort.

Article original publié sur RMC Sport