Joël Guerriau veut revenir au Sénat malgré sa mise en examen, mais le peut-il vraiment et comment ?

La députée (MoDem) Sandrine Josso accuse son collègue sénateur de l’avoir droguée à son insu pour abuser d’elle.

Joël Guerriau (ici en février 2020) veut revenir au Sénat, mais le peut-il vraiment et comment ?
HANDOUT / AFP Joël Guerriau (ici en février 2020) veut revenir au Sénat, mais le peut-il vraiment et comment ?

POLITIQUE - « Il ne va pas partir au bagne ». Selon son avocat, Joël Guerriau, accusé par la députée Sandrine Josso de l’avoir droguée à son insu pour abuser d’elle, voudrait poursuivre son mandat « dans la mesure du possible » Sur France Bleu, Rémi-Pierre Drai, qui plaide « une erreur de manipulation » de son client, a notamment fait valoir que le sénateur de Loire-Atlantique, mis en examen, « n’a pas été interdit d’accès au Sénat ». Il n’a « pas été interdit de continuer à être sénateur et de remplir son mandat parlementaire ».

Mais peut-il vraiment reprendre son siège à la Haute Assemblée, dans ce contexte ? Moralement, cela pose question pour certains. Contactée par Le HuffPost, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel pointe des accusations « très graves » et des explications « ubuesques ». « Son groupe l’a, à juste titre, suspendu, et a engagé une procédure disciplinaire », souligne également l’élue, estimant que si Joël Guerriau reprend le chemin du Sénat dans les jours à venir, « ça ne peut donc qu’être pour aller s’expliquer dans le cadre de cette procédure ».

Au Parlement, une mise en examen ne vaut pas exclusion

D’un point de vue légal en revanche, « rien ne s’oppose à ce qu’il continue à siéger », indique au HuffPost l’ancien garde des Sceaux et professeur de droit Jean-Jacques Urvoas, pour qui « la seule difficulté sera sa place dans l’hémicycle ».

Au Parlement, une mise en examen ne vaut pas exclusion des chambres. Rien ne le prévoit dans les textes. Le règlement du Sénat, par exemple, édicte bien dans son article 91 bis une liste de principes déontologiques, assortis de sanctions internes pouvant aller jusqu’à l’exclusion temporaire. Mais il s’agit seulement de mesures disciplinaires liées, entre autres, au bon déroulement des débats ou à la probité des élus en matière de conflit d’intérêts par exemple.

À l’Assemblée, la question d’exclure un élu visé par la justice s’est posée à l’automne 2022, avec Adrien Quatennens qui avait reconnu des violences conjugales. Plusieurs cadres du camp présidentiel, à l’image d’Aurore Bergé, avaient alors plaidé pour que l’insoumis ne soit plus admis au Palais Bourbon.

Une offensive qui avait suscité les réactions dubitatives de spécialistes du droit ou du Parlement, estimant que priver un élu de son mandat à l’Assemblée ou au Sénat est constitutionnellement très difficile à obtenir.

Au Palais du Luxembourg, le cas de Jean-Noël Guérini est en ce sens assez éclairant. Mis en examen en 2011 pour prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs, puis en en 2013 pour détournement de fonds publics, licenciement abusif ou détournement passif, le sénateur ex-socialiste siège avec ses collègues depuis 1998 sans discontinuation. Il a même été condamné en première instance en 2021, puis en appel en 2022, mais un pourvoi en cassation lui a permis de conserver son mandat jusqu’à présent.

Siéger avec les non-inscrits

À ce stade, on comprend donc que rien n’empêche, dans les règles, Joël Guerriau de reprendre le chemin du Sénat. Reste à savoir où il siégera une fois sur place.

L’élu a rapidement été mis au ban des collectifs politiques auxquels il appartient. Son parti, Horizons, l’a suspendu dès samedi, tout comme son groupe « Les Indépendants - République et Territoires ». Les deux entités ont également lancé des procédures internes pouvant conduire à son exclusion définitive.

S’il regagne l’hémicycle, Joël Guerriau devra donc rejoindre les fauteuils des députés « non-inscrits », ce qui limitera, de fait, la possibilité de s’exprimer en séance ou en Commission. Ce fut également le cas pour Adrien Quatennens pendant ses quatre mois de purgatoire imposés par le groupe insoumis à l’Assemblée. Difficile d’imaginer, même dans l’ambiance feutrée de la Haute chambre, que cette venue se fasse sans remous.

VIDÉO - Joël Guerriau suspendu par Horizons : que dit la classe politique ? - 18/11