"Mon proprio me demande de partir, avec les JO, je ne suis pas la seule dans ce cas " : à quelles conditions le propriétaire peut-il mettre fin au bail ?

GALÈRE DE LOGEMENT - Il n’est pas toujours facile de résoudre un problème dans son logement. Yahoo vous livre les conseils des experts de l’immobilier pour mieux connaître et faire valoir vos droits. L'ordre du jour : le congé donné par le propriétaire.

A l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, des propriétaires sont tentés de proposer leur logement en location de courte durée et de mettre fin au contrat de location (Crédits : Getty Images).

"Au début j’étais désabusée…" Alexandra se souvient du jour de septembre 2023 où elle a reçu la lettre de son propriétaire lui annonçant le non-renouvellement de son bail. Locataire depuis 2000 d’un trois pièces dans le 18e arrondissement de Paris, elle se voit conviée à quitter les lieux fin mars 2024. "Je me suis dit que j’allais devoir quitter mon appartement, et que j’allais galérer à trouver un logement équivalent au même loyer", c’est-à-dire à peine 1 000 euros par mois. "Mais ensuite j’ai regardé sur les réseaux sociaux et j’ai vu qu'avec les JO cet été, je n’étais pas la seule dans ce cas", poursuit Alexandra. En effet, à l’approche des Jeux olympiques dans la capitale, de nombreux locataires franciliens ont reçu un congé de la part de leur propriétaire.

Sans pouvoir chiffrer exactement le phénomène, faute de données publiques, les observations de l’Adil de Paris éclairent ce phénomène. L’antenne départementale de l'agence nationale pour l'information sur le logement a enregistré 2600 consultations pour un congé pour reprise en 2023, et la tendance se poursuit en ce début d’année 2024.

De nombreux locataires soupçonnent leur propriétaire de vouloir les faire partir afin de louer leur bien à des touristes durant les Jeux olympiques fin juillet, à un prix plus élevé. Environ 16 millions de touristes sont attendus à Paris pendant les JO du 26 juillet au 11 août. Face à des hôtels saturés ou très chers, les tarifs des locations de courte durée explosent et de nombreux propriétaires sont tentés d’en profiter.

Propriétaire ou locataire : qui est responsable ?

Un propriétaire ne peut résilier le bail que pour trois motifs : s’il vend le bien, s’il veut le reprendre pour y habiter ou pour loger un ascendant, un descendant ou ceux de son conjoint, ou pour un motif légitime et sérieux, comme des travaux importants ou une faute grave du locataire.

En outre, le propriétaire doit respecter une procédure précise. Dans le cas d’un logement vide, il doit remettre la lettre de congé six mois avant la date anniversaire du contrat. Dans le cas d’un meublé, ce délai est de trois mois. En outre, si votre logement est racheté par un bailleur moins de deux ans avant la fin du bail, il doit attendre deux ans pour exercer son droit de reprise.

À noter : les locataires de 65 ans et plus ayant de faibles revenus sont protégés par l'article 15 III de la loi du 6 juillet 1989. Pour résilier le bail, en plus d’invoquer l’un des trois motifs légaux, le bailleur doit lui trouver un nouveau logement correspondant à ses besoins géographiques et à ses possibilités financières. Si le locataire a des revenus modestes et qu’il a à sa charge une personne de 65 ans ou plus, cette règle s’applique aussi. Mais elle ne s'applique pas si le bailleur est lui-même âgé ou dispose de faibles revenus.

Quelles solutions ?

Comme Alexandra, vous pouvez vous rapprocher de l’Adil dont dépend votre logement. À Paris, l’agence a mis en place avec la mairie une ligne téléphonique pour prendre conseil gratuitement auprès d'un juriste et s'assurer que la procédure est respectée, le 01 42 79 50 44 (du lundi au vendredi de 9h45 à 12h45).

"Il faut d’abord vérifier si le propriétaire a respecté la forme, sinon le congé est caduc", détaille Pierre-Louis Monteiro, chargé de mission à l’ADIL de Paris. Si la lettre de congé parvient en retard au locataire, alors elle n’est pas valable et le bail est reconduit. En outre, cette lettre doit être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception, remise en main propre contre signature ou transmise par un commissaire de justice. "En 2023, 25% des congés pour lesquels nous avons été consultés ne respectaient pas la forme", constate l'Adil de Paris.

Sur le fond, il est difficile de vérifier a priori que le bailleur respecte la loi. "Beaucoup de locataires ont de forts soupçons, ou des indices. Ils pensent que leur propriétaire veut mettre fin au bail pour se lancer dans la location de courte durée, ce qui est illégal, mais on ne peut le vérifier qu'a posteriori", explique Pierre-Louis Monteiro.

"Mon propriétaire me dit qu’il veut mettre fin au bail pour héberger sa petite-fille, mais j’ignore si c’est vrai. Je sais surtout que si je pars, il pourrait doubler le montant loyer", évoque Alexandra, locataire parisienne. D’autant que l’agence qui gère son logement a déjà essayé d’augmenter de façon indue son loyer l’an passé. Et qu'elle fait actuellement "pression" sur la locataire : "ils m’ont téléphoné deux fois pour me demander si j’avais trouvé un autre appart, mais ce n’est pas facile".

Quels recours en cas de blocage ?

Si le propriétaire a respecté la procédure de congé, le locataire doit quitter le logement sous trois à six mois. Sinon, il devra lancer des poursuites judiciaires pour l’expulser. Si le congé est conforme et que le locataire choisit de le respecter, il peut demander à l’Adil de suivre son dossier. "On regardera ce qu’est devenu le logement après son départ, pour voir si le motif invoqué par le propriétaire est réel", explique Pierre-Louis Monteiro. "Parfois, des voisins repèrent qu’une boîte à clé est apparue", un indice que le bien a pu être transformé location de courte durée. À Paris, les services de la mairie sont aussi en charge de traquer les meublés touristiques illégaux.

En cas de fraude, le locataire pourra lancer une procédure afin d'obtenir une réparation financière. Le bailleur s’expose quant à lui à une amende de 6 000 euros pour une personne physique et 30 000 euros pour une personne morale.

VIDÉO - Airbnb : elle obtient l'interdiction des locations de courte durée dans sa résidence