"La jeunesse emmerde le Front national" : d'où vient ce slogan scandé dans les manifestations contre l'extrême droite ?

Le slogan est très souvent entendu lors des rassemblements organisés contre l'extrême droite, depuis la victoire du RN aux élection européennes. Mais depuis bien avant en fait.

"La jeunesse emmerde le Front national" a été scandé à plusieurs reprises dimanche soir place de la République, après la victoire du RN aux Européennes (Photo by Arnaud FINISTRE / AFP)
"La jeunesse emmerde le Front national" a été scandé à plusieurs reprises dimanche soir place de la République, après la victoire du RN aux Européennes (Photo by Arnaud FINISTRE / AFP)

"La jeunesse emmerde le Front national". C'est le slogan entonné depuis dimanche soir lors des manifestations organisées contre l'extrême droite, et en réaction à la victoire du RN aux élections européennes, et à l'approche des élections législatives qui pourraient faire entrer le Rassemblement national (ex-Front national) à Matignon.

Un slogan en passe de devenir le mot d'ordre des manifestations contre l'extrême droite, comme en témoignent les différents visuels appelant à la mobilisation à Paris ce lundi soir. C'est un classique des manifestations contre l'extrême droite qui a 36 ans, puisqu'il date de 1988.

Cette année-là, le Front national fait 14% à l'élection présidentielle avec la candidature de Jean-Marie Le Pen, un score à deux chiffres pour la première fois qui choque alors une large part de l'opinion publique. Parmi ces Français choqués de ce score de l'extrême droite, les membres du groupe de punk rock "Bérurier noir", auteur trois ans plus tôt de la chanson "porcherie", très critique envers le capitalisme et qui dénonce notamment l'extrême droite.

En réaction à ce score historique de Jean-Marie Le Pen, le groupe ajoute un refrain à sa chanson : "La jeunesse emmerde le Front national", scandé à l'occasion d'un concert durant lequel le groupe appelle le public à dresser leur majeur et à scander "la jeunesse emmerde le Front national".

"Ça a été un choc. Le Front National de Jean-Marie Le Pen était à 11 %. C’était une action directe, on ne pouvait pas laisser passer. Je tolère tout, sauf l’intolérance", expliquait en 2022 à France 3 Loran Béru, le guitariste et chanteur.

Si le groupe "Bérurier noir" est resté dans l'histoire des luttes contre l'extrême droite avec ce refrain scandé encore 36 ans plus tard, d'autres artistes se sont inspirés de la percée de l'extrême droite dans leurs oeuvres, au fur et à mesure des succès électoraux du FN.

En 1995, le groupe de rap NTM écris "Plus jamais ça" alors que le Front National remporte ses premières villes aux municipales : Toulon, Orange et Marignane. "National est ce front, international est l'affront/ Voilà pourquoi je fais front, fronçant les sourcils/ Quand le borgne sénile s'amuse à faire un score de 25% dans ma ville / Non, plus jamais ça, stoppons tout ça (...) Vous avez compris, vous avez saisi, ressaisissez-vous / La jeunesse se doit d'être à l'heure, au rendez-vous/ Fixé, en effet, pour pisser sur la flamme tricolore/ Le putain d’étendard du parti des porcs", chante NTM.

Toujours à la fin du siècle, Noir Désir prend aussi la plume pour relayer l'inquiétude de la montée de "quelques fascisants autour de 15%, Charlie, défends-moi". Pour Noir Désir, "c'est le temps des menaces, on n'a pas le choix pile en face/ Et aujourd'hui je jure, que rien ne se passe, toujours un peu plus". En deux mots : "FN, souffrance !".

Deux ans après l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, Diam's redonne de l'écho au slogan de Bérurier noir. Dans "Marine", elle adresse une lettre ouverte à une Marine Le Pen qui remplace petit-à-petit Jean-Marie Le Pen : "Marine, tu as un prénom si tendre, un vrai prénom d'ange, dis-moi c'qui te prend ?/ Marine, on ne sera jamais amies parce que ma mère est Française, mais que je ne suis pas née ici/ Marine, regarde-nous, on est beaux, on vient des quatre coins du monde, mais pour toi on est trop !. Le refrain est le même que 15 ans plus tôt, et la cible continue de progresser élection après élection: "Donc j'emmerde (qui?) le Front national !".