Jean-Michel Jarre : "Christophe m'avait appelé il y a un mois pour savoir si j'avais des masques. Quand je lui ai répondu, il était déjà parti à l'hôpital"
Hospitalisé fin mars pour “insuffisance respiratoire”, le chanteur Christophe s’en est allé à l’âge de 74 ans, ce jeudi 17 avril, des suites d'un emphysème, une maladie pulmonaire. Son ami et compositeur, Jean-Michel Jarre revient sur la mort du chanteur et dévoile ses derniers projets avortés.
Comment et quand avez vous appris sa disparition ?
Hier soir, par Julie son assistante vers 10h. J'ai si peu dormi cette nuit, on a beaucoup téléphoné entre amis et musiciens... Mais c'est important aujourd’hui de vous répondre pour lui rendre hommage, c'est même d'ailleurs la seule façon de lui dire Au revoir...
Depuis quand vous vous connaissiez ?
Depuis le début des années 70, on formait une "tribu". On a concocté ensemble "Les mots bleus", "Les paradis perdus" ou encore "Senorita".
Et ce qui est fou c'est que Christophe était un artiste du confinement, il pouvait passer des semaines en studio, tout ça la nuit. Il pouvait lui arriver de ne pas sortir pendant 2 mois...
Travailler avec lui c'était drôle et inattendu, il était hors norme, hors format, il va beaucoup me manquer.
Par exemple, il faut savoir qu'il ne se considérait pas comme un chanteur mais comme quelqu'un qui faisait du bruit avec sa bouche. Chez lui c'était comme dans une brocante, avec des tas d'objets, des juke boxs, des Cadillacs ....
Quand vous êtes vous parlé la dernière fois ?
Il y a 1 mois avant tout ça, il préparait sa tournée qui devait avoir lieu au Grand Rex en Mars... Le dernier son de sa voix c'est ce message à 4h du matin, il m'a contacté pour savoir si j'avais des masques.... Quand je l'ai rappelé en fin de matinée, je suis tombé sur son répondeur, il était déjà parti à l'hôpital...
Mais j'ai su il y a 10 jours qu'il allait un peu mieux et c'est pour cela qu'il a pu être transféré en Bretagne dans un hôpital. Mais cette saloperie ne pardonne pas... C'est incroyable qu'il ait fini ainsi en catimini en Bretagne sans que l'on puisse lui dire Au revoir. D'ailleurs Christophe était tellement malin que je pensais qu'il allait s'en sortir. Mais il avait cette faiblesse pulmonaire.
Que retiendrez-vous de lui ?
Mon plus beau souvenir c'est un spectacle à L'Olympia en 1975 dont je faisais la mise en scène, j'aimais l'idée que ce soit un spectacle avec nos influences croisées italiennes ou américaines. Je voulais qu'il soit sur un piano volant. J'ai trouvé un magicien dans le massif central. On l'a fait, il avait peur de grimper en l'air, c'était fort ! Christophe c'était un poète Pop, un Don Quichotte lunaire.
Mon dernier souvenir de création avec lui, c'était dans son dernier album "Les vestiges du KO". On a enregistré chez lui une nuit à Montparnasse le titre "Walking the mile". C'était la nuit de l'attaque du Bataclan...
Il chantait mais jouait aussi magnifiquement de l'harmonica, il l'a fait dans mon album "Electronica".
Aujourd'hui je pense à Julie et à Véro sa fille et sa femme, mais aussi à Julie son assistante que je lui avais présenté et qui était la "reine" de sa vie professionnelle.