Jean-Luc Reichmann : "Ma sœur est sourde, on a fait de ce handicap une force, un atout"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Jean-Luc Reichmann fait partie des animateurs préférés des Français. Apprécié notamment pour son naturel et son positivisme, le présentateur des 12 coups de midi a également su conquérir les téléspectateurs avec sa voix, une voix un peu suave qu’il a longtemps travaillée pour se faire comprendre de sa petite sœur, Marie-Laure, atteinte de surdité. Pour Yahoo, il a accepté de se livrer à cœur ouvert sur ce handicap. Un témoignage poignant.

Sa bonne humeur, sa tâche de vin sur le nez et sa voix si caractéristique ont su conquérir, au fil des années, le cœur des Français. Une voix un peu suave qu’il a longtemps travaillée pour se faire comprendre de sa petite sœur, Marie-Laure, 50 ans, atteinte de surdité depuis la naissance. Pour Yahoo, Jean-Luc Reichmann s’est livré sur le handicap de sa cadette, revenant notamment sur leur enfance et sur les obstacles rencontrés au cours des dernières décennies. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

Jean-Luc Reichmann et ses parents s’aperçoivent que Marie-Laure est sourde alors que la fillette n'a que deux ans. "Elle n’a pas de voix donc je suis obligé d’ouvrir la mienne", confie-t-il expliquant avoir pris du temps pour "trouver le timbre juste, la bonne intonation et le regard adapté" afin qu’elle puisse le comprendre. "J’ai fait de la radio pendant très longtemps, ma sœur ne pouvait pas m’écouter. Je me suis mis à sa place, j’ai mis des bouchons dans les oreilles pour essayer de prendre ce timbre plus grave." Comme il tient à le rappeler, c’est donc grâce à elle qu’il acquiert, au fil du temps, ce timbre si caractéristique qu’on lui connaît tous.

VIDÉO - "Elle était terrorisée d’aller à la boulangerie"

Grand frère bienveillant et prévenant, Jean-Luc Reichmann la pousse constamment à relever des défis afin qu’elle puisse être le plus autonome possible. Il se souvient notamment d’une anecdote vécue auprès d’elle. Alors qu’elle a huit ans, il lui demande d’aller chercher une baguette de pain à la boulangerie. "Les premières fois, elle ne veut pas, je n’insiste pas. La quatrième fois, elle y va et revient en pleurs. C’est le drame, le boulanger ne l’avait pas comprise", se remémore-t-il expliquant qu’elle était devenue "terrorisée".

Mais un jour, Marie-Laure prend son courage à deux mains et y retourne, seule. "Elle descend, demande du pain et revient avec une baguette à la main." Un énorme pas pour cette jeune fille pour qui la communication était une épreuve. "Si on se met tous ensemble dans ce monde de tarés, on peut y arriver", tient-il à rappeler, insistant sur l’importance des efforts collectifs.

VIDÉO - Au sujet de sa tache : "Quand tu es à l’école, c'est assez cruel, quand tu es ado c'est insupportable"

Comme elle, Jean-Luc Reichmann connaît et vit la différence. Le jeune homme est atteint d’un angiome, caractérisé par une tache de vin sur une bonne partie de son nez. Une disparité qu’il ne vit pas bien. "Quand tu es en cours d’école, c’est assez cruel, quand tu es adolescent, c’est insupportable", confie-t-il expliquant avoir eu des désillusions avec de nombreuses filles. Du côté des enseignants, la moquerie est également présente. "La tache au tableau", lui aurait par exemple dit son professeur de français devant 32 élèves.

VIDÉO - "Je me suis battu pour que mes émissions soient sous-titrées"

Mais avec le temps, Jean-Luc Reichmann relativise et passe au-dessus des réflexions physiques dont il est victime. Le jeune homme a un autre combat depuis sa première TV "Les Z'amours", celui d’instaurer des sous-titres à ses émissions afin que les personnes sourdes et malentendantes puissent les suivre. "Je me suis battu auprès de mes patrons de l’époque, Duhamel, Michèle Cotta. Au départ, il n’y avait que les infos qui étaient sous-titrées", rappelle-t-il expliquant qu’il s’était ensuite battu pour que ce changement soit étendue à toutes les émissions de divertissement. Puis, toujours porté par ce combat pour la différence, il réussit à inviter les premiers couples d’homosexuels sur le canapé des Z’amours dans les années 90/95. "Mes patrons voulaient faire des émissions spéciales pour les homosexuels mais ce n’était pas le but. Nous n’étions pas là pour pointer du doigts mais pour rappeler que l’amour était plus fort que tout".

VIDÉO - "FaceTime était une révolution pour elle"

Un sujet qu’il connaît bien, voire très bien. L’amour inconditionnel qu’il porte à sa sœur, dont il est très fier, est beau à voir. Comme il le raconte, il est devenu son pilier et a toujours souhaité développer leur communication. Un dialogue qui a notamment été facilité par la technologie. "Parler en visiophone, par FaceTime, a été une révolution". Heureux des avancées dans le domaine de la téléphonie, il offre donc à sa sœur l’un de ses appareils, le début d’une nouvelle page pour la jeune femme. "Lorsqu’elle le découvre, elle tombe du 15e étage."

VIDÉO - "Elle m’a dit qu’elle voulait être caissière, j’ai pris peur"

Prothésiste dentaire, Marie-Laure a su évoluer avec sa différence mais rêve d’une vie loin de son labo où elle serait en contact avec d’autres personnes. À l’âge de 40 ans, elle décide donc de prendre un tout autre chemin. Fatiguée de ce manque d’interaction, elle fait part à son frère de son souhait de devenir caissière. "Je prends peur et j’en parle avec mon frère", se rappelle-t-il expliquant avoir été un peu surpris par ce revirement.

Fort heureusement, tout se passe bien, Marie-Laure est heureuse. "Elle parle à tout le monde." Pour se faire comprendre et communiquer avec les clients, la jeune femme porte un badge sur la poitrine sur lequel son handicap est mentionné. "Veuillez articuler car je suis sourde. Parlez-moi en face, autrement je ne vous comprends pas", est-il écrit. En charge de la caisse dite "lente", généralement réservée aux séniors, Marie-Laure fait l’unanimité. "C’est la seule caisse pleine, tout le monde s’y agglutine, c’est un truc de tarés", confie Jean-Luc Reichmann faisant part de la joie des "petits vieux" et des "petites vieilles" de s’y rendre. "Elle prenait le temps de leur parler. Ça a été la libération de la parole pour elle et pour son entourage". Comme il tient à le rappeler, il est aujourd’hui essentiel, selon lui, de prendre le temps, de s’écouter et de se soutenir dans un monde où l’individualisme progresse à vitesse grand V. "Battons-nous pour les autres et arrêtons de penser qu’à notre gueule."

Regardez en intégralité l'interview de Jean-Luc Reichmann