"J'arrivais plus à marcher": une campagne de sensibilisation lancée face aux dangers du protoxyde d'azote
Aujourd'hui, Pierre se déplace avec des béquilles. Ce jeune homme habitant en région parisienne a commencé à consommer du protoxyde d'azote, "également connu sous les noms "proto" et "gaz hilarant", il y a environ un an. Son utilisation avait alors principalement lieu les week-ends. Il a aujourd'hui partiellement perdu l'usage de ses jambes. Face à de tels risques, les Agence régionales de santé (ARS) d'Île-de-France et des Hauts-de-France ont lancé mardi 7 novembre une campagne de sensibilisation baptisée "le proto, c'est trop risqué d'en rire".
Comme la plupart des autres consommateurs, pour Pierre, "c'était plutôt: j'ai envie de faire la fête, ça va contribuer à ma fête", explique-t-il à BFMTV.
Troubles neurologiques, AVC, brûlures...
En août dernier, il est admis à l'hôpital pour de graves troubles neurologiques et reste hospitalisé plusieurs semaines. "Ça a commencé par des petits fourmillements. J'avais arrêté la consommation de protoxyde d'azote mais ça s'est quand même aggravé et puis un jour, j'arrivais plus à marcher, j'avais des vomissements.
"Je connaissais très bien les dangers, mais je me disais que ça allait pas arriver à moi", confie-t-il avant de reconnaître: "Franchement, le jeu en vaut pas la chandelle".
Le protoxyde d'azote peut entraîner des atteintes neurologiques, cardiovasculaires (jusqu'à l'AVC), des manifestations psychiques, des traumatismes liés à des chutes ou encore des brûlures. En France, près de 14% des jeunes en ont déjà consommé, selon des données partagées par les ARS d'Île-de-France et des Hauts-de-France dans le cadre de leur campagne.
"Ça a une image pas illégale, festive, c'est 'pour rire', et effectivement cette campagne peut exposer au grand public qu'il y a des risques. Il faut pas hésiter à venir demander de l'aide ou même poser des questions", explique Maelle Cerf Thery, psychologue en charge de Consultations jeunes consommateurs (CJC) à l'hôpital de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis.
Selon les professionnels de santé, les données en lien avec le protoxyde d'azote sont probablement sous-estimées. Pour Guillaume Grzych, biochimiste métabolicien au CHU de Lille, "la profession médicale reconnaît mal les signes cliniques" et le travail d'information des soignants doit être intensifié.
Très facile d'accès
Pour Joëlle Laugier, la cheffe du service d'addictologie au centre hospitalier de Saint-Denis, cette problématique "touche la jeunesse en particulier depuis la période Covid. On le voit augmenter aussi parce que l'accès est facilité sur Internet à des doses beaucoup plus importantes qu'avant", partage Joëlle Laugier, cheffe du service d'addictologie au centre hospitalier de Saint-Denis.
Guillaume Grzych explique en effet que les formats les plus répandus ne sont plus les douilles de siphon utilisées pour la pâtisserie et détournées de leur usage initial, mais des bonbonnes plus imposantes, qui peuvent contenir l'équivalent d'environ 80 capsules. Le spécialiste du protoxyde d'azote fait également part d'un format apparu il y a quelques mois, surnommé "tank", et peut représenter jusqu'à 500 capsules.
Ces nouveaux formats n'ont en réalité plus d'autres usages que celui de favoriser l'inhalation de protoxyde d'azote. Au point que certaines bonbonnes sont même aromatisées: on retrouve par exemple des goûts fraise ou noix de coco. Le tout autorisé à la vente, sur des sites Internet basés à l'étranger ou dans les arrière-boutiques de certaines épiceries.
Un arrêté limitant la vente à des boîtes de 10 petites capsules doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Son efficacité pourrait toutefois être contrecarrée par le fait que ce commerce, bien que légal jusqu'ici, s'est développé de façon plutôt discrète. À Paris, la consommation est interdite aux mineurs dans les lieux publics depuis mai, dans plusieurs arrondissements.
Le Royaume-Uni a quant à lui récemment pris une décision plus radicale: l'interdiction pure et simple de la possession de cette substance dans un but récréatif, que demandent des associations et des soignants en France.