J'ai l'impression de m'être fait avoir avec la politesse nouvelle génération

Black and white picture of laptop, pen, flowers and memo note written with ETIQUETTE. Business and education concept
Abu Hanifah / Getty Images/iStockphoto Black and white picture of laptop, pen, flowers and memo note written with ETIQUETTE. Business and education concept

POLITESSE - "Karine, je veux bien que tu m'envoies le texte avant 15 heures"

Je m'entends dire "Oui, bien sûr". Je raccroche. Et je rejoue la conversation dans ma tête. Certes, ma mémoire me fait parfois défaut, mais il ne me semble pas avoir proposé à mon client de lui envoyer quoi que ce soit avant 15 heures. Ni même aujourd'hui, d'ailleurs.

Mais je m'exécute. Et je n'ai même pas le sentiment de m'être fait avoir.

C'est plus fort que moi. Je ne peux m'empêcher de me demander où sont les "S'il te plaît", les "Est-ce que", les "Désolé(e) de te demander ça" et autres "J'espère que ça ne t'embête pas" d'usage…

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« Je veux bien »

Mon client veut bien que je lui envoie le texte avant 15 heures. Sa demande me paraît aussi fade qu'une choucroute sans garniture. Mais il aura son texte. Avant 15 heures. Maintenant s'il le faut.

Au vu de ma réaction, à savoir un "Oui" franc et engagé, je me dis qu'il est temps, pour moi aussi, d'utiliser la politesse nouvelle génération.

Chez le boulanger, je dis bien vouloir que l'on me coupe le pain et sors avec une miche aux tranches régulières, soigneusement rangées dans un sachet en plastique (mon boulanger ne pratique pas l'écoresponsabilité, jugeant que ce ne sont pas quelques sachets qui vont « tuer la planète »). Au restaurant, je veux bien qu'on me remplace les frites par des légumes de saison et le menu arrive, en phase avec mon programme de rééquilibrage alimentaire. À ma femme de ménage, j'indique ma préférence pour le nettoyage en profondeur ("Je veux bien que vous passiez dans les coins avec le Vaporetto") et trouve enfin la pièce aussi propre que je le souhaitais.

Une seule expression pour toutes les demandes… La politesse nouvelle génération a du bon ! C’est au point de me demander comment j’ai pu vivre sans elle pendant toutes ces années !

"Je veux bien que vous me laissiez passer avant vous. Mon petit m'attend dans la voiture et il est seul". Sans la moindre once de culpabilité, je passe devant une dame âgée à la caisse du supermarché pour retrouver mon ado de quinze ans affalé sur le siège passager de ma voiture garée sur le parking.

La politesse nouvelle génération fonctionne vraiment !

Je court-circuite les queues, j'obtiens des rendez-vous avant tout le monde, quelques grammes de viande supplémentaires, du papier cadeau sans rien vouloir emballer et même une place de choix au cinéma.

"T'as craqué ou quoi ?"

La réponse de mon ado me surprend. Je répète : "Je veux bien que tu balaies la terrasse avant midi".

"Flemme"

Sa réponse semble catégorique. Il ne balaiera pas la terrasse. Pas plus qu'il ne rangera sa chambre ou n’acceptera que je vienne l'attendre à moins de cinquante mètres du lycée à la sortie des cours.

La politesse nouvelle génération a plusieurs visages. Dans sa dimension hiérarchique, elle fonctionne de haut en bas sans faire de vagues ni de débordements. Dans sa dimension affective, elle donne, aux autres, le sentiment d'être utile, de faire plaisir. Comme le loto, elle est facile, pas chère et peut rapporter (très) gros. Elle fait fi de fioritures, des s'il te plaît, des ronds de jambe et autres hypocrisies courtoises. Mais comme toute bonne chose, elle doit être utilisée avec parcimonie et surtout, au bon moment et au bon endroit. À bon entendeur…

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