« J’ai des problèmes de fertilité et j’aimerais pouvoir en parler sans honte ni culpabilité » - Témoignage

« On me disait que si nous n’y arrivions pas, c’était parce que j’avais pris la pilule, on critiquait mon travail, mes émotions… Personne n’envisageait que mon mari puisse avoir une responsabilité. »
Fiordaliso / Getty Images

TÉMOIGNAGE - Je n’avais vraiment ressenti de désir de maternité avant d’avoir construit mon « nid », dans lequel j’ai eu envie de bâtir une famille. Depuis que j’ai découvert cette stabilité, ce désir est ancré en moi malgré les difficultés que la vie a mises sur ma route.

J’ai 27 ans et cela fait maintenant deux ans que je suis confrontée à l’infertilité. Deux ans de stress, d’angoisse et d’injustice, que j’aurais tellement aimé éviter. Avant tout, deux ans de solitude causés par l’omerta collective autour de ce sujet.

Les avis non sollicités et les amis qui s’éloignent

Quand nous avons commencé à essayer de faire un enfant, mon conjoint et moi nous sommes doutés très rapidement que nous avions peut-être un « problème ». Au fil du temps, nous avons vu les grossesses se succéder autour de nous. Devant notre tristesse, les avis non sollicités et les commentaires divers et variés se sont multipliés, allant du « tu stresses trop » au traditionnel « ça arrivera quand vous n’y penserez plus » - toujours émanant de personnes n’ayant pas été confrontées aux mêmes difficultés que nous.

En tant que femme, ma fertilité était sans cesse questionnée, mais celle de mon conjoint jamais évoquée. Chacun y allait de sa théorie : si nous n’arrivions pas à concevoir, c’était parce que j’avais pris la pilule pendant des années, ou à cause de mon travail, de ma manière de vivre mes émotions… Je faisais forcément quelque chose de mal, mais personne n’envisageait jamais que mon mari puisse avoir une responsabilité.

Peu à peu, notre cercle s’est étiolé. Nous étions devenus des « amis gênants », faisant face à des problèmes que les autres n’avaient pas envie d’écouter. Notre infertilité est devenue une honte. Même si mon conjoint me soutenait, c’est à ce moment-là que j’ai senti avec force la misogynie de notre société et le tabou autour du sujet de l’infertilité.

Des récits de parcours du combattant

Pour me rassurer et me sentir un peu moins seule, j’ai cherché des articles de presse, des podcasts et autres témoignages sur le sujet. Il en existe une grande variété, mais la plupart évoquent le point de vue de personnes qui ont réussi, avec des titres comme « 10 ans pour faire un enfant ». Ce genre d’articles, si je comprends qu’il puisse susciter de l’espoir, avait plutôt tendance à m’angoisser au vu de la difficulté du parcours et des sacrifices exigés.

Même si je suis prête à traverser beaucoup pour tomber enceinte, je reste une femme ambitieuse qui souhaite aussi préserver sa vie et sa carrière. Après mes lectures au sujet de la PMA, tout un tas de questions venaient se presser dans ma tête : Que devrai-je subir pour parvenir à réaliser mon souhait ? Vais-je survivre à tout ça ? Serai-je assez forte ?

C’est avec toutes ces interrogations en tête que neuf mois après nos premières tentatives, mon conjoint et moi avons décidé de nous lancer dans un process de PMA. J’ai vite compris que celui-ci allait être difficile pour ma santé physique et mentale et que concilier ce parcours avec ma vie professionnelle n’allait pas être facile, mais j’ai choisi de m’accrocher.

Le sexisme face à la question de la fertilité

Très vite, j’ai à nouveau été confrontée au sexisme, et en particulier celui du monde médical. J’ai dû vivre 4 mois d’examen médicaux divers et très intrusifs (échographie pelvienne, hystérosalpingographie, traitement hormonal…) qui n’ont rien révélé d’inquiétant. C’est à ce moment seulement que les médecins ont décidé de prendre en compte mon conjoint. Quand j’ai tenté de demander pourquoi on avait attendu de me faire passer tant d’examens avant de s’intéresser à lui, on m’a répondu : « C’est normal, c’est le process », clôturant un débat qui avait à peine commencé.

Quand nous avons eu les résultats d’examens de mon compagnon en main, on nous a annoncé assez froidement que nous n’avions pas le droit de procéder à une insémination artificielle, le minimum de spermatozoïdes nécessaires n’étant pas atteint. Il a fallu repartir pour une batterie d’examens, masculins cette fois-ci, dont certains nécessitaient d’attendre plusieurs mois. Quelques mois plus tard, on nous a octroyé le droit de commencer une procédure de fécondation in vitro (FIV) dans laquelle nous sommes encore aujourd’hui.

Ce parcours est difficile, plein d’attente et très lourd mentalement et physiquement. Même si c’est mon mari qui souffre d’infertilité, c’est moi qui dois subir les traitements hormonaux, les ponctions et les transferts, tout en essayant de maintenir ma vie professionnelle à flot. Mais après beaucoup de pleurs et de colère, j’ai appris à faire preuve de résilience. Je n’aurais jamais pensé avoir autant de courage et de foi en l’avenir ! Même si le combat n’est pas terminé et même si, pour l’instant, tout n’a pas fonctionné comme je le voudrais, je tire du positif de cette expérience, notamment les liens que j’ai renforcés avec celles et ceux qui me soutiennent.

Briser le tabou autour de l’infertilité

Depuis août 2023, on voit abordée la question de la baisse significative de la natalité en France. Parmi les causes, on cite une baisse du désir d’enfant liée à la crise sociale et environnementale, ou encore un recul de l’âge du premier enfant dû à la volonté des femmes (oui, toujours elles) de préserver leurs carrières… L’infertilité est très peu évoquée, et cela me révolte. Ne pas en parler, c’est nier son existence, c’est nier le combat que mènent des milliers de personnes pour concevoir.

Pourtant, un rapport de l’OMS indique qu’une personne sur six est confrontée à l’infertilité, mais il semble qu’il ne faut surtout pas en parler, sous peine de gêner. Ce n’est que quand j’ai abordé le sujet autour de moi que quelques langues se sont déliées péniblement, probablement engourdies par des années de non-dits.

J’aimerais que soit reconnu le courage des hommes et femmes qui se battent pour parvenir à procréer. J’aimerais que le tabou soit levé, afin que la honte et la solitude disparaissent au profit d’une certaine reconnaissance du courage nécessaire pour mener combat. À tous ceux et celles qui me liront, vous êtes plus forts que vous ne le croyez, et vous n’êtes pas seuls.

À voir également sur Le HuffPost :

Endométriose, grossesse et fausse couche et PMA nous sont éprouvants, soyez bienveillants - BLOG

Laetitia Milot, obligée de retirer son utérus, a fait une croix sur son désir d’avoir un deuxième enfant