« J’ai 65 ans et j’aimerais qu’on arrête de me considérer comme une mémère » - Témoignage

« Arrêtons de donner l’impression que plus on avance en âge et moins on a de plaisir à vivre »
Dimensions / Getty Images « Arrêtons de donner l’impression que plus on avance en âge et moins on a de plaisir à vivre »

TÉMOIGNAGE - J’ai 65 ans et si je devais me présenter, je ne me définirais certainement pas par mon âge. Et pourtant, depuis que j’ai la cinquantaine, je suis sans cesse jugée à travers ce prisme. Comme si, pour les femmes, 50 ans était une date butoir, un tournant de vie qui les rendait d’un coup moins intéressantes, moins curieuses, moins dynamiques.

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Ces quinze dernières années, je suis passée par toutes les phases de l’invisibilisation que subissent les femmes quand elles vieillissent – alors même que je mène une vie plus enrichissante que jamais. Ces stéréotypes sont injustes, et il est temps d’y mettre fin.

À 50 ans, on me parlait déjà de la retraite

C’est dans ma vie professionnelle que j’ai commencé à ressentir ce changement en premier lieu. Quand j’ai eu 50 ans, j’estimais être à la pointe de ma carrière. J’étais cadre dans une entreprise et mes compétences étaient indéniables : je connaissais mon domaine. Mais autour de moi, mes collègues et supérieurs ont commencé à me mettre sur la touche. Les réseaux sociaux ? On s’imaginait que je ne savais pas ce que c’était, alors que je les utilisais au quotidien. J’avais encore plus de dix ans de carrière devant moi, mais on me parlait déjà de la retraite, comme si j’étais dépassée ou que je n’avais plus rien à faire ici.

Durant toutes mes années en entreprise, j’ai entendu des remarques incessantes sur le physique des femmes. Des commentaires sur les jolies filles, des réflexions sur celles qui devaient avoir « couché » pour obtenir leur poste. J’ai compris très rapidement qu’il n’y avait pas de place pour une femme qui, parce qu’elle vieillit, n’apparaît plus comme assez désirable.

Forcément, quand on a commencé à me faire comprendre que je n’étais plus à ma place, mon physique est devenu un enjeu très fort au travail. Il fallait être élégante, ne pas faire « trop vieille », avoir l’air dynamique, montrer par tous les moyens que j’avais envie d’être là et que je ne me « laissais pas aller ». Comme si j’avais quelque chose à prouver en permanence. Quand on est une femme de plus de 50 ans, il faut laisser la place aux hommes du même âge – qui, eux, sont pris en considération pour les promotions – ou aux femmes plus jeunes, qu’on accepte dans le paysage.

Des hobbies jamais pris au sérieux

Mes centres d’intérêt aussi sont devenus inintéressants aux yeux des autres. J’ai toujours été très sportive et quand j’ai dépassé la cinquantaine, je faisais de la course et du cardio trois ou quatre heures par semaine. Mais ce que j’avais à dire à ce sujet n’était plus pris au sérieux du tout. Si autour de la table, les personnes plus jeunes parlaient de sport et que j’essayais de parler de ma pratique, personne ne relevait ou ne me répondait. Pour eux, je devais faire de l’aquagym ou un sport de « mémère » qui ne pouvait pas être rapproché de ce qu’ils connaissaient : je ne pouvais plus être considérée comme performante.

La vision qu’on peut avoir de moi et de ma sexualité a changé aussi. Désormais, quand je trouve que quelqu’un est beau, on me dit que je suis une « cougar ». Qu’est-ce que ce terme veut dire ? Je le trouve péjoratif et insultant, comme si mon âge faisait de moi une prédatrice. C’est très pénible.

Être une retraitée sans être « rangée »

J’ai la chance de faire partie des personnes qui n’ont jamais redouté l’heure de la retraite. Quand j’ai cessé de travailler, j’ai découvert tout un nouveau monde d’intérêts : la vie culturelle, la musique, le chant, les langues régionales vivantes…

Mais une fois encore, on m’a affublée de stéréotypes. Quand on est retraitée, on doit devenir une « mamie gâteau » comme si c’était la seule manière d’exister à mon âge. On me demande souvent « Tu ne voudrais pas avoir de petits-enfants ? », comme si c’était un choix qui m’appartenait. Alors que c’est à ma fille de faire sa vie comme elle l’entend ! Je me rends bien compte que ne pas être grand-mère me fait rentrer dans une catégorie qui n’est pas nommée.

Dans l’imaginaire collectif, une femme retraitée passe son temps à faire la cuisine, a des petits passe-temps mais jamais de passions, elle est casanière, jamais curieuse. En bref, plus une femme avance en âge, plus elle doit être transparente.

Il n’y a aucune raison d’avoir peur de vieillir

La société renvoie tellement de choses fausses aux femmes vis-à-vis de leur âge. On leur fait croire que le vieillissement est une chose qui doit leur faire peur. Mais j’aimerais leur dire que c’est faux et que « l’après » est tout aussi bien ! Arrêtons de mettre des étiquettes sur tout et de donner l’impression que plus on avance en âge et moins on a de plaisir à vivre.

Aujourd’hui, je suis fière de dire que j’ai fêté mes 65 ans. Je ne suis pas invisible, et je n’ai aucune envie de l’être. J’ai plein de projets, de choses à apprendre, d’envies. Je suis loin d’être transparente. Je sors, je rencontre du monde, il se passe plein de choses autour de moi et j’adore ça !

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