IVG dans la Constitution : Dupond-Moretti, artisan inattendu d’une victoire collective « historique »

Dupond-Moretti (ici au Sénat en février) l’artisan inattendu de la « victoire historique » pour l’IVG dans la Constitution
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Dupond-Moretti (ici au Sénat en février) l’artisan inattendu de la « victoire historique » pour l’IVG dans la Constitution

POLITIQUE - Anatomie d’un succès. Sauf coup de théâtre, l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès à Versailles vont valider l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution ce lundi 4 mars. La dernière étape d’une révision réclamée de longue date par la gauche et promise par le président de la République.

L’IVG dans la Constitution soutenue par une large majorité de Français - EXCLUSIF

« On a souvent galvaudé le terme “historique” mais ici, c’est bien le cas. C’est un texte historique, un vote historique », se félicite Aurore Bergé, la ministre chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, auprès du HuffPost. La France va en effet devenir le premier pays à inscrire l’accès à l’avortement dans son texte fondateur.

Le fruit d’un « beau travail collectif » avec le Parlement, selon les mots de la ministre, en pointe dans ce combat. Outre Aurore Bergé et l’insoumise Mathilde Panot, qui ont déposé un premier texte en ce sens au même moment au printemps 2022, et les élues qui ont mené la « bataille culturelle » à l’image de l’écologiste Mélanie Vogel, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti apparaît comme l’artisan final d’un succès que beaucoup pensaient impossible.

Les « rôles clés » au Sénat

Le ministre de la Justice, parfois accusé de ne pas saisir tous les aspects des combats féministes actuels, a été chargé par le président de la République de trouver « une voie de passage », selon ses mots, entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Pour résumer : de réunir les députés et les sénateurs – plus conservateurs – sur une même formulation.

Une condition sine qua non pour modifier la Constitution… mais une gageure quand les chefs de la majorité sénatoriale (Bruno Retailleau pour Les Républicains et Hervé Marseille pour les centristes) sont, comme le président du Sénat Gérard Larcher, défavorable à la chose.

Alors le ministre de la Justice a multiplié les rencontres et les déjeuners avec les élus de la Haute Assemblée pour les « rassurer » et les « convaincre », selon ses mots sur Radio J dimanche 3 mars. Le tout, appuyé par une poignée de sénatrices de différents groupes qui ont joué les relais entre lui et les élus potentiellement favorables au texte du gouvernement, selon le récit de plusieurs médias.

« Les sénatrices Mélanie Vogel (écologiste), Laurence Rossignol (socialiste) et Dominique Vérien (centriste) ont eu un rôle clé », confirme Aurore Bergé. Mission réussie. Après quelques sueurs froides, le Sénat a largement validé jeudi dernier le texte du gouvernement, déjà avalisé à l’Assemblée nationale après un nouveau discours marquant du garde des Sceaux, applaudi par tous les rangs.

« Le vertige de l’histoire »

« On aurait pu croire qu’il n’allait pas s’occuper d’histoires de gonzesses, de violences, et pourtant il a fait bouger la justice dans ces domaines », salue aujourd’hui Laurence Rossignol dans les colonnes de L’Opinion, une sénatrice qui a parfois eu des échanges houleux avec le garde des Sceaux sur la cause des femmes.

Éric Dupond-Moretti évoque pour sa part le vote au Sénat comme le « moment le plus marquant » depuis son arrivée place Vendôme en juillet 2020. Un « instant suspendu », explique-t-il à La Tribune, durant lequel il a été pris par « le vertige de l’Histoire ».

Quelques minutes auparavant, il avait pris la parole pour défendre la révision promise par le gouvernement, avec ces mots : « J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander au Sénat l’inscription dans notre Constitution de la liberté des femmes à disposer de leurs corps. » Des mots qui reprennent ceux de Robert Badinter, quand il avait eu « l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander » au Parlement d’abolir la peine de mort. Vertige de l’Histoire.

Ce lundi, Éric Dupond-Moretti devrait laisser sa place au Premier ministre à la tribune. Selon les informations de franceinfo, Gabriel Attal sera le seul à s’exprimer au nom du gouvernement au Congrès. Gageons qu’il ne manquera pas de saluer le rôle de son ministre, et de toutes les élues qui ont permis cette victoire.

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