Israël-Hamas : pourquoi la position de l’Union européenne n’est pas claire ?

Les 27 membres de l’Union européenne ont adopté une position commune à l’issue d’un Conseil européen, mais n’ont pas voté dans le même sens à l’ONU.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 2 novembre 2023. (Photo by Joe Giddens / POOL / AFP)
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 2 novembre 2023. (Photo by Joe Giddens / POOL / AFP)

C’est la cacophonie au sein de l’Union européene (UE) et les commentateurs sont nombreux à y perdre leur latin. À l’issue du Conseil européen qui se tenait à Bruxelles (Belgique) les 26 et 27 octobre, les 27 membres de l’UE ont fini par se mettre d’accord sur une position commune. L’UE condamne les attaques du Hamas du 7 octobre, réaffirme qu’Israël a le droit de se défendre et fait part de son inquiétude sur une escalade du conflit dans la région, se gardant de demander un "cessez-le-feu". Voilà pour la position officielle.

Mais alors qu’avait lieu le même jour une Assemblée générale de l’ONU, les représentants des 27 membres n’ont pas voté dans le même sens. Six pays, dont la France, la Belgique et l’Espagne, ont voté pour la résolution qui ne mentionnait ni le Hamas, ni les massacres de masse. Quatre pays, dont l’Autriche et la Hongrie, ont voté contre, et 17 pays se sont abstenus.

Sur France Inter, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola dit "comprendre" ceux qui dénoncent une forme de "cacophonie". “On ne peut pas montrer une Europe avec des membres qui disent des choses différentes, explique-t-elle. On dit que le Hamas est une association terroriste, qu’elle ne représente pas le peuple palestinien, qu’il faut une solution à deux États, tout ça doit être répété parce que c’est la position de l’Union européenne.”

Un manque de consensus

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le cafouillage règne dans les rangs européens. Il y a eu d’abord l’annonce de l’arrêt de l’aide humanitaire aux Palestiniens par le commissaire européen Olivér Várhelyi, suivi d’un démenti du Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell. Mais il y a aussi eu le déplacement de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 13 octobre dernier en Israël. Sur place, elle a défendu le "droit de se défendre" face aux "atrocités commises par le Hamas", sans évoquer le respect du droit international en temps de guerre, ni visiter les territoires palestiniens.

Or les pouvoirs de la présidente de la Commission européenne sont assez limités en matière de politique étrangère. Son déplacement a fait grincer des dents 841 fonctionnaires et diplomates de l’UE qui lui ont adressé une lettre relayée par Le Monde. Certains sont allés jusqu’à l’accuser de se comporter comme "une reine" qui outrepasse son mandat, rapporte Politico.

"D'une certaine façon, Ursula von der Leyen a appliqué la même stratégie sur la question d'Israël et du Hamas [que sur l'Ukraine], sauf que sur ce sujet, les États sont en désaccord”, précise Gesine Weber, chercheuse au sein du bureau parisien du German Marshall Fund of the United States à franceinfo. La position espagnole est par exemple traditionnellement plus pro-palestinienne, alors que la tchèque est davantage pro-israélienne.

27 droits de véto

Le manque de consensus tient au fait que les prises de position diplomatiques de l’UE se font à l'unanimité des 27 États membres. Un seul pays peut bloquer, grâce à son droit de véto, la politique étrangère commune. Les États membres tiennent à cette souveraineté. C’est pourquoi Sylvain Kahn, professeur à Sciences Po et chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po préfère parler de "polyphonie assumée" plutôt que de "cacophonie" dans un article publié sur le site de la Fondation Jean Jaurès.

De plus, l’action politique et militaire de l’Union européenne au Proche-Orient est limitée. "L’Europe n’est pas les États-Unis, la Russie ou l’Iran : elle n’a pas les mêmes leviers pour agir sur place, souligne Sylvain Kahn. Aucun des 27 États membres n’en dispose. Aucune des 27 sociétés ne le souhaite." Le seul levier d’action de l’UE est finalement sa capacité à discuter avec les acteurs engagés (le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne), à l’exception du Hamas considéré comme une organisation terroriste. Rappelons également que l’UE est un partenaire commercial de premier plan d’Israël et un soutien financier important de l’Autorité palestinienne. Mais le manque d'unité pourrait pousser les États membres à privilégier les discussions bilatérales.

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