En Israël, le tabou du suicide des soldats
“Comme des milliers de soldats envoyés en catastrophe dans l’enveloppe de Gaza [le territoire israélien entourant la bande de Gaza], mes camarades et moi étions en train de ratisser Nahal Oz”, l’une des localités les plus endeuillées par les attaques sans précédent perpétrées par le Hamas le 7 octobre, raconte un soldat israélien sous couvert d’anonymat au journal Ha’Aretz.
“Tout à coup, nous avons entendu un tir venant d’une maison. Pour nous, c’était un terroriste qui nous tirait dessus. Après être parvenus à investir la maison, nous avons découvert le cadavre de Yotam”, dont le véritable nom a été modifié.
“Nous étions persuadés qu’il avait été tué par un hamasnik [milicien du Hamas, en argot hébreu]. Sauf que, après l’examen d’un médecin légiste, il s’est avéré que Yotam avait retourné son arme contre lui-même.”
“Traumatisme sans précédent”
Au terme d’une enquête menée par le journaliste Tom Levinson, il apparaît qu’au moins une dizaine de soldats israéliens, simples conscrits ou officiers en activité, se sont suicidés le 7 octobre et dans les jours suivants. Les victimes n’auraient pas supporté ce qu’elles ont découvert sur les lieux des massacres.
Le fait que des soldats israéliens se suicident n’est en soi pas nouveau. Mais c’est plutôt le moment où ces suicides interviennent qui interpelle. Pour le professeur Yossi Levi-Belz, président du Centre d’études sur le suicide et la douleur mentale du centre universitaire Ruppin, “jusqu’à présent, ces suicides avaient généralement lieu après la fin des combats, pas au cœur de ces derniers”.
Ce qui témoigne du “traumatisme sans précédent et historique” vécu par la société israélienne le 7 octobre, écrit Ha’Aretz.
L’estimation d’une dizaine de soldats tués est corroborée, par déduction, par les chiffres de l’armée israélienne. Selon Tsahal, 637 soldats avaient perdu la vie entre le 7 octobre et le 11 mai. Or seuls les noms de 620 militaires ont été rendus publics.
Les familles ont du mal à assumer
En réponse aux questions posées par Ha’Aretz, l’armée israélienne a accepté de fournir des données sur le sujet. Selon les chiffres fournis par Tsahal, 1 227 soldats israéliens se seraient donné la mort depuis la guerre du Kippour de 1973 (c’est-à-dire en comptant l’opération « Paix en Galilée », l’invasion israélienne du Liban de 1982, conclue par les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila commis par des milices libanaises chrétiennes alliées d’Israël).
[...] Lire la suite sur Courrier international