En Iran, la police des mœurs abolie

C’est une victoire pour les manifestants qui protestaient depuis des semaines contre la mort de Mahsa Amini. Les autorités iraniennes ont également ouvert la porte à un assouplissement des règles du port du voile.

IRAN - Après des mois de contestations en Iran, c’est une victoire pour les femmes et les manifestants. Le procureur général iranien, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé que la police des mœurs a été abolie par les autorités compétentes, a rapporté ce dimanche 4 décembre l’agence iranienne Isna. Cette décision survient après la mort de Mahsa Amini en septembre dernier, décédée quelques jours après son arrestation par cette unité, pour avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique.

« La police des mœurs n’a rien à voir avec le pouvoir judiciaire, et elle a été abolie par ceux qui l’ont créée », a-t-il affirmé samedi soir dans la ville de Qom. Cette police est chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, dont le port obligatoire du foulard en public. Elle leur interdit également de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres.

Vers un assouplissement des règles sur le port du voile ?

Les autorités iraniennes ont également demandé, ce samedi 3 décembre, à la justice et au Parlement de revoir une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire. Le pouvoir iranien souhaite trouver une issue au mouvement de contestation qui a fait des centaines de morts depuis deux mois et demi. Suite à la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, les Iraniennes ont été le fer de lance des manifestations et certaines ont enlevé et brûlé par défi leur foulard.

Samedi, le procureur général d’Iran, Mohammad Jafar Montazeri, a ainsi annoncé que « le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient » sur la question du port du voile obligatoire. Sans pour autant préciser ce qui pourrait être modifié dans la loi, d’autant que le président ultra-conservateur, Ebrahim Raïssi, a imposé cet été de nouvelles restrictions vestimentaires.

Il s’agit d’une question ultra-sensible en Iran, sur laquelle s’affrontent deux camps. Il y a d’abord celui des conservateurs qui s’arc-boutent sur la loi de 1983 rendant le port du voile obligatoire. Et de l’autre, celui des progressistes qui veulent laisser aux femmes le droit de choisir de le porter ou non.

Le voile est devenu obligatoire en Iran quatre ans après la révolution islamique de 1979. La police des mœurs, connue sous le nom de Gasht-e Ershad (patrouilles d’orientation), a été créée pour « répandre la culture de la décence et du port du voile ».

Selon une loi en vigueur depuis 1983, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public. Et depuis le 5 juillet, une loi « sur le voile et la chasteté du pays », mise en place par le président Raïssi, impose de nouvelles restrictions aux femmes. Le foulard obligatoire doit couvrir, en plus des cheveux, le cou et les épaules.

Mais lors d’une conférence de presse samedi à Téhéran, le chef de l’État semble avoir ouvert la porte à de possibles changements : « Notre constitution a des valeurs et des principes solides et immuables (...), mais il existe des méthodes de mise en œuvre de la Constitution qui peuvent être infléchies », a-t-il dit.

De nombreuses victimes

Depuis la mort Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvre la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran. Le 24 septembre, soit une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d’Iran a exhorté l’Etat à annuler l’obligation du port du voile.

L’Union du peuple de l’Iran islamique, formé par les proches de l’ex-président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005), a dit « exiger » des autorités qu’elles « préparent les éléments juridiques ouvrant la voie à l’annulation de la loi sur le port du voile obligatoire », selon un communiqué publié fin septembre.

L’Iran, qui voit dans la plupart des manifestations des « émeutes », accuse notamment des forces étrangères d’être derrière ce mouvement pour chercher à déstabiliser la République islamique. Au total, 448 manifestants ont été tués à travers le pays depuis le début du mouvement, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège.

Le Conseil suprême de la sécurité nationale a déclaré samedi que « plus de 200 personnes » incluant civils et forces de sécurité avaient été tuées en deux mois et demi de protestations. Lundi, le général Amirali Hajizadeh, du corps des Gardiens de la Révolution, avait lui fait état de plus de 300 morts.

Des milliers de personnes ont aussi été arrêtées depuis le début du mouvement. Samedi, une nouvelle actrice de cinéma, Mitra Hajjar, a été interpellée à son domicile. Elle a récemment publié sur son compte Instagram une vidéo sur des manifestations en octobre à Berlin en soutien au mouvement en Iran.

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