Iran: La Commission lance des mesures pour protéger les entreprises européennes

La Commission européenne a activé vendredi la "loi de blocage" censée protéger les entreprises européennes des sanctions que les Etats-Unis s'apprêtent à réinstaurer contre l'Iran. /Photo d'archives/REUTERS/Morteza Nikoubazl

par Robin Emmott

BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne propose aux pays membres de l'UE d'envisager des transferts d'argent directs à la banque centrale iranienne afin d'échapper à des sanctions américaines, a déclaré vendredi un haut responsable européen.

Cette mesure constituerait, si elle est adoptée, le plus sérieux défi lancé par l'UE à l'administration de Donald Trump, qui a décidé le 8 mai dernier de se retirer de l'accord sur le programme nucléaire iranien et d'appliquer le plus haut niveau de sanctions contre la République islamique.

"Ce mode opératoire pourrait aider les autorités iraniennes à percevoir leurs recettes liées au pétrole, en particulier dans le cas où des sanctions américaines viseraient les entités de l'UE impliquées dans des transactions pétrolières avec l'Iran", a déclaré la Commission européenne dans un communiqué.

L'Union européenne se dit, avec la Russie et la Chine, déterminée à sauver l'accord de Vienne de juillet 2015, qui encadre les activités nucléaires de l'Iran en échange d'une levée progressive des sanctions économiques frappant Téhéran.

"Le président de la Commission Jean-Claude Juncker a fait cette proposition aux Etats membres. Nous devons maintenant déterminer la manière dont nous pouvons faciliter les paiements pétroliers et rapatrier les fonds iraniens dans l'UE", a dit le responsable européen, qui est impliqué directement dans les discussions.

Le Trésor américain a annoncé mardi des sanctions contre plusieurs responsables de la banque centrale iranienne, dont le gouverneur Valiollah Seif, mais de même source, on estime que ces sanctions ne visent pas la banque centrale elle-même.

Le commissaire européen à l'Energie Miguel Arias Canete devrait débattre de cette hypothèse avec des responsables iraniens lors d'une visite ce week-end à Téhéran, a déclaré le haut fonctionnaire européen.

ACTIVATION DE LA LOI DE BLOCAGE

La Commission a également activé la "loi de blocage", dispositif de protection des entreprises européennes contre les sanctions que les Etats-Unis s'apprêtent à réinstaurer contre l'Iran.

Ce mécanisme, datant de 1996 et jamais employé, adopté à l'époque pour contourner l'embargo sur Cuba, permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations relatives à des sanctions prises par des pays tiers.

Dans un communiqué, la Commission précise avoir "lancé la procédure formelle d'activation du 'Blocking Statute' (loi de blocage) en actualisant la liste des sanctions américaines contre l'Iran tombant dans son champ d'application".

La Commission propose aussi d'autoriser la Banque européenne d'investissement (BEI) à faciliter les investissements des entreprises européennes en Iran.

"Cela permettra à la BEI de soutenir les investissements européens en Iran, ce qui pourrait être utile, en particulier, pour les petites et moyennes entreprises", précise-t-elle dans un communiqué.

L'annonce de l'exécutif européen est conforme à la décision prise jeudi par les chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur sommet informel en Bulgarie en riposte au rétablissement de sanctions américaines.

"Les sanctions américaines ne seront pas sans effet. Il est donc de notre devoir, à la Commission et au sein de l'Union européenne, de faire ce que nous pouvons pour protéger nos entreprises européennes, en particulier les PME", a expliqué vendredi Jean-Claude Juncker.

Les mesures annoncées à Bruxelles entreront en vigueur dans un délai de deux mois à moins que le Parlement européen ou les gouvernements de l'UE les rejettent formellement. Dans l'éventualité d'un soutien politique fort des Etats membres, ce délai pourrait être raccourci. Les sanctions américaines doivent être rétablies elles dans un délai de 90 à 180 jours.

Les gouvernements de l'Union européenne considèrent cette "loi de blocage" plus comme une arme politique que comme un instrument juridique pratique car elle est assez vague et difficile à mettre en oeuvre.

A Berlin, le président de la Fédération de l'industrie allemande (BDI), Dieter Kempf, s'est dit préoccupé vendredi par l'impact que ces mesures de protection européennes pourraient avoir sur les entreprises allemandes présentes aux Etats-Unis.

Naguère principal partenaire commercial de l'Iran, l'Union européenne s'est lancée dans une offensive commerciale après l'accord de 2015 et la levée des sanctions qui a suivi.

Les investissements européens en Iran, émanant principalement d'Allemagne, de France et d'Italie, ont bondi de plus de 20 milliards d'euros depuis 2016. Quant aux exportations iraniennes de pétrole vers l'UE, elles se sont accrues en 2016 de 344% par rapport à l'année précédente, à 5,5 milliards d'euros.

(Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)