Instagram, WhatsApp… Avant de publier des images de vos enfants sur les réseaux, pensez à ces précautions

50 % des photos publiées sur les forums pédocriminels sont des clichés pris par les parents et partagés publiquement sur leurs réseaux sociaux.
50 % des photos publiées sur les forums pédocriminels sont des clichés pris par les parents et partagés publiquement sur leurs réseaux sociaux.

ENFANTS - C’est l’histoire d’un petit doudou, celui d’Emma. La mère de la petite fille le trouve si mignon, qu’elle décide de poster sa photo sur les réseaux sociaux. Photo qui se retrouve alors partagée partout dans le monde, jusqu’à ce qu’un monsieur « fan de doudou » décide de le mettre sur son site, réservé aux adultes.

Cette histoire, c’est celle racontée dans « La Folle aventure du doudou d’Emma », un livre pour enfants publié mi-juillet par l’association l’Enfant Bleu (en collaboration avec Havas). À la toute fin du livre, deux pages sont destinées aux parents : on leur propose de remplacer le petit doudou par leur enfant. L’objectif de cette campagne est simple : alerter contre le « sharenting » – contraction de to share, partager, et de parenting , le fait de poster des photos de son enfant sur Internet.

Une pratique qui tend à s’intensifier pendant les vacances et qui comporte des risques sérieux. « 50 % des photos publiées sur des comptes pédocriminels sont des photos détournées, prises par des parents », rappelle auprès du HuffPost Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant Bleu. Un chiffre qui vient d’une ONG américaine, le National Center for missing & exploited children, et date de 2020.

« On sait qu’au moment de l’été, les parents publient énormément de photos de leurs enfants. Notre but n’est pas de les en empêcher ou de les sanctionner. On veut simplement leur dire : attention », poursuit-elle. Voici quelques conseils pour protéger au mieux l’image de vos enfants sur les réseaux sociaux.

« Rien ne vaut la non-diffusion »

Pour Corinne Henin, experte indépendante en cybersécurité, notamment spécialisée dans la sécurité des applications, rien ne vaut « la non-diffusion » d’images. « Une fois qu’une photo est postée sur Internet, on n’a plus la main sur ce qu’elle devient. Le risque pour les mineurs peut aller de la moquerie des gamins entre eux, au harcèlement ou à la diffusion sur des sites pédocriminels », rappelle-t-elle.

Première règle d’or : restreindre ses paramètres de confidentialité de ses réseaux sociaux, même les applications de type WhatsApp ou Signal. « Plus le cercle sera restreint et plus les personnes seront de confiance, moins la photo sera diffusée largement », souligne-t-elle. Attention aux photos de profil, notamment.

« Que ce soit Facebook, Instagram, TikTok ou Twitter, lorsque vous postez une photo, vous leur accordez une licence d’utilisation gratuite, conformément à vos paramètres de confidentialité, explique Corinne Henin. Donc si votre compte est privé et réduit à vos amis, cette utilisation sera réduite à vos amis. Mais si vous mettez votre enfant en photo de profil, qui est publique, la plateforme pourra en faire ce qu’elle veut. »

Ne pas accepter n’importe qui comme « ami »

Autre danger que l’experte a identifié : le partage malencontreux de la part de proches à qui on a pu envoyer la photo en privé. « On n’est jamais à l’abri que quelqu’un la poste, par exemple un grand-parent très fier de son petit-fils ou de sa petite-fille, qui ne maîtrise pas ses paramètres de confidentialité. Ou même qu’il y ait une fuite de données chez le réseau social, reconnaît-elle. Tout ce que l’on partage même en privé, il faut pouvoir l’assumer en public. »

Pour elle, le risque est plus grand du côté de l’humain que du piratage de données. « C’est plus facile que la photo soit diffusée malencontreusement par quelqu’un qui n’a pas fait attention que par quelqu’un qui va chercher à contourner la sécurité du système », conclut-elle.

Il faut donc également faire attention aux personnes avec qui on partage ces photos, même sur un compte privé. « 61 % des parents disent ne pas connaître la moitié de leurs contacts sur les réseaux sociaux, avance Isabelle Debré, de l’association L’Enfant Bleu. Donc on peut limiter les risques, par exemple, en n’acceptant pas n’importe qui comme ‘ami’. »

Quelles précautions prendre si l’on souhaite tout de même envoyer des photos de sa progéniture à un cercle restreint ? « On ne publie pas de photo d’enfant nu ou dénudé, pas d’enfant en maillot de bain, de petite fille en tenue de gymnastique, alerte Isabelle Debré. Sur les sites pédocriminels, les catégories de recherche ‘enfant à la plage’, ‘petit garçon à la piscine’ et ‘petite fille gymnastique’ sont les plus courantes. »

Autre précaution possible : flouter le visage de son enfant. « Quand un enfant est en âge de s’inscrire sur un réseau social, il existe déjà 1 300 photos de lui qui circulent. Sachant qu’avec l’intelligence artificielle, on peut utiliser, modifier et exploiter ces photos d’autant plus », souligne-t-elle. Il faut également éviter de diffuser le lieu où l’on se trouve.

« Le respect du droit à l’image des enfants »

En janvier 2023, le député Renaissance Bruno Studer a déposé une proposition de loi visant à « garantir le respect du droit à l’image des enfants ». La notion de vie privée serait introduite dans la définition de l’autorité parentale et la loi donnerait la possibilité à un juge de confier l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers, en cas d’atteinte à la dignité.

Adoptée à l’unanimité en mars à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, elle doit repasser en nouvelle lecture à partir de septembre.

Pour l’experte en cybersécurité Corinne Henin, « les parents sont déjà garants du respect de la vie privée de leurs enfants ». « Ce sont les seuls par exemple qui ont le droit de signer un droit à l’image pour leur enfant et ils sont censés le faire dans l’intérêt de l’enfant, rappelle-t-elle. Le problème, c’est que l’envie de montrer son enfant à tous ses amis sur Facebook est parfois plus forte. » L’appréciation de l’intérêt de l’enfant, selon elle, est une variable sur laquelle il est compliqué de légiférer.

« J’aurais tendance à dire qu’il vaut mieux éviter de diffuser des photos de son enfant jusqu’à ce que lui-même soit capable de décider s’il souhaite les diffuser ou non, estime-t-elle. Sachant que chaque enfant est différent aussi et l’âge auquel on estime qu’il est capable de savoir ce qu’il peut poster ou non est très aléatoire… »

Pour Isabelle Debré, « il ne faut pas aller trop loin, et il faut alerter et informer avant de sanctionner » : si on ne peut jamais être à l’abri à 100 %, on peut déjà appliquer les règles évoquées. Ancienne sénatrice, elle fait confiance aux parlementaires pour légiférer sur le sujet.

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