"Je suis innocent": accusé de trente empoisonnements, l'anesthésiste Frédéric Péchier se défend

"Je suis innocent": accusé de trente empoisonnements, l'anesthésiste Frédéric Péchier se défend

"Je suis prêt à me réexpliquer. Je n’ai jamais empoisonné personne". Six ans après l'ouverture d'une enquête le concernant, l'ancien anesthésiste Frédéric Péchier a répondu aux accusations le concernant dans un entretien accordé au Parisien, publié ce mardi. Depuis mars 2023, l'homme de 51 ans est mis en examen pour trente empoisonnements, dont douze se sont révélés mortels.

Il est soupçonné d'avoir pollué, entre 2008 et 2017, les poches de perfusion de patients dans deux cliniques privées de Besançon (Doubs) pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais également pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit. L'affaire avait débuté lorsqu'une confrère d'une clinique de Besançon avait donné l'alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de ses patients en pleine opération.

"Ce n’est pas à moi de le dire"

Le 31 mars dernier, des expertises avaient relevé la présence de produits, comme de la lidocaïne, un anesthésique local, et du potassium, chez certains patients venus se faire opérer dans les deux cliniques de Besançon où officiait Frédéric Péchier. Mais pour l'anesthésiste, seuls "trois cas posent effectivement problème". "On a retrouvé des produits qui n’avaient rien à faire là. J’ignore si c’est volontaire ou non, et ce n’est pas à moi de le dire", explique-t-il, ajoutant que les experts avaient reconnu qu'il y avait eu "des mélanges entre le matériel saisi pour un patient et celui d’après".

Pourtant, ces mêmes experts ont conclu à une "suspicion forte", voire une "certitude" d’intoxication. Mais "ce n'est pas leur hypothèse première", balaye du revers de la main l'ancien anesthésiste.

"Ils reconnaissent d’ailleurs qu’il y a eu plusieurs erreurs médicales, notamment deux dont j’avais fait le diagnostic: l’injection d’anesthésiques locaux, qui sont malencontreusement passés dans une veine", justifie Frédéric Péchier.

La présence de l'anesthésiste au moment où les patients étaient victimes d'un événement indésirable grave (EIG) sur la table d'opération a également été relevée par plusieurs de ses collègues, désemparés devant ces EIG brutaux et qui voyaient le Dr Péchier venir administrer l'antidote, avait souligné le procureur, Étienne Manteaux, lors de sa mise en examen définitive en mars dernier. "C’est écrit dans les rapports: à chaque fois, si je suis là, c’est parce qu’on m’a appelé", affirme pourtant l'intéressé.

"Plusieurs cas avaient été classés comme erreur médicale, mais maintenant, on vient dire qu’il s’agit d’empoisonnements", déplore l'ancien anesthésiste.

"On a dit 'c’est Péchier', ça arrange bien tout le monde"

Des doses de potassium "100 fois supérieures" à celles attendues avaient néanmoins été retrouvées chez une patiente d'une trentaine d'années, Sandra Simard, ont noté les experts. "Si cette patiente avait vraiment reçu la dose de potassium qu’on a retrouvée dans la poche, elle aurait dû mourir! Et elle aurait fait un malaise immédiatement, pas une heure après", justifie Frédéric Péchier. En arrêt cardiaque, la jeune femme a été sauvée in extremis par l'anesthésiste sur la table d'opération.

"En France, un tiers des décès liés à l’anesthésie n’ont pas de cause identifiée. Il existe toujours un aléa thérapeutique", rappelle Frédéric Péchier.

Parmi les trente patients empoisonnés, un seul a été endormi par Frédéric Péchier lui-même le jour de son opération. Pour les enquêteurs, il s'agit d'une mise en scène pour se créer un alibi et détourner les soupçons. "C’est quand même aberrant comme raisonnement! Au contraire, ça me désignait directement, puisqu’une enquête était en cours", répond Frédéric Péchier.

Parmi les hypothèses également soulevées par les enquêteurs, il y a celle d'une vengeance dans un contexte de conflit entre Frédéric Péchier et certains de ses collègues. Mais selon le principal intéressé, "des conflits, il y en avait entre tout le monde", explique-t-il, ajoutant que lui n'en "avait pas en particulier".

"Depuis le départ, on a dit 'c’est Péchier', ça arrange bien tout le monde, notamment la clinique. On m’accuse même de cas survenus alors que j’étais absent! Et faute de preuves, on essaie de trouver une cause", estime l'ancien spécialiste.

"Rétablir certaines vérités"

S'il a choisi de prendre la parole aujourd'hui, c'est "pour rétablir certaines vérités", et parce que les juges ne l’ont "pas entendu pendant quatre ans", selon Frédéric Péchier. Pourtant, lors de sa dernière audition par le juge d'instruction, en mars dernier, il avait refusé de s'exprimer.

"Il ne s’était rien passé pendant des années, et d’un seul coup, on a organisé neuf auditions en trois semaines", explique-t-il, ajoutant que ses avocats avaient reçu les expertises médicales seulement quelques jours avant.

L'homme de 51 ans, qui vit dans la Vienne, a vu son contrôle judiciaire récemment allégé et peut désormais revenir dans le Doubs voir ses enfants. Mais une récente ordonnance de la juge d'instruction lui interdit d'exercer la médecine. "J'ai tout perdu. Ma vie professionnelle, sociale, familiale… J’ai dû retourner vivre chez mes parents, dans ma chambre d’ado, c’est infantilisant. Je n’ai pas vu mon fils grandir, mon mariage n’a pas résisté non plus. Je n’ai aucun revenu, je ne peux pas être présent pour mes proches", déplore-t-il. En octobre 2021, disant vouloir "mourir innocent", l'homme a tenté de se suicider.

"Si je me suis défenestré il y a un an et demi, c’est pas pour rien, c’était pour en finir. Le fait de pas être entendu, ça devenait insupportable", ajoute-t-il.

L'instruction est toujours en cours et pourrait durer encore longtemps avant de statuer sur un potentiel jugement. Qu'importe, Stéphane Péchier est "prêt" à se réexpliquer. "Je n’ai jamais empoisonné personne. Je suis innocent, et je me bats pour que cela soit reconnu".

Article original publié sur BFMTV.com